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Robert Lafore « Décentralisation : acte III, suite et fin ? »

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Décidément, le feuilleton du dénommé « Acte III » de la décentralisation ne déçoit pas, tout du moins ceux qui ont un peu de loisir pour en suivre les rebondissements incessants. Après la mise en place des métropoles (loi MAPTAM du 27 janvier 2014) et la modification de la carte régionale, nous voilà plongés dans le texte « Nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe), et il n’y a vraiment pas lieu de s’ennuyer.

La nouvelle la plus significative est que ce moribond qu’est le département a encore une très forte vitalité. Il vient de le prouver par le truchement du Sénat qui, discutant puis adoptant une mouture de la prétendue « nouvelle organisation territoriale », a ni plus ni moins refait le texte selon ses vœux, lesquels sont largement partagés par les sénateurs dans leur ensemble, si l’on en juge au résultat du vote : 192 voix pour et 11 contre.

Sur le principe, naturellement, rien ne l’en empêche car c’est une assemblée souveraine qui, participant au débat législatif, est parfaitement habilitée à modifier, transformer, réécrire les textes qui lui sont soumis, cela dans le cadre d’une procédure dans laquelle elle agit de concert avec l’Assemblée nationale, cette dernière ayant cependant le « dernier mot ».

Sur le fond, cette réécriture du texte consiste en une défense forte et assumée du département, que manifestement les sénateurs n’entendent pas voir s’effacer, au contraire du gouvernement, qui campe en principe encore sur l’idée de sa disparition à l’horizon 2022. Les quelques transferts prévus dans le projet en direction de la région (collèges, voirie, transports, ports) ont été supprimés et les basculements d’attributions vers les métropoles sévèrement encadrés, de façon que les départements en conservent la totale maîtrise. Sur les intercommunalités, l’orientation a été à l’assouplissement des contraintes pouvant peser sur les communes en ce qui concerne les seuils de population pour les constituer, les dates butoir d’établissement de la carte intercommunale ou de révision des schémas : le système communal traditionnel devrait y trouver son compte. Certes, généreusement, on a un peu renforcé les régions en siphonnant l’Etat : développement économique, coordination du service public de l’emploi, schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, centre de ressources, d’expertise et de performance sportive. Autrement dit, sur le terrain des niveaux d’administration locale, on ne change rien, et en ce qui concerne les répartitions de compétences, on « bricole » à la marge…

On peut mettre en parallèle avec ce vote sénatorial de la loi NOTRe un événement de moindre importance, mais tout aussi significatif : un rapport du commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) intitulé « La taille des EPCI, un levier d’action pour la politique d’égalité des territoires ». Ce texte a suscité une violente colère des associations des maires et des maires ruraux de France. On y propose en effet le respect d’un seuil d’habitants relativement élevé pour établir les intercommunalités, la diminution forte de leur nombre, la réduction du nombre des communes, le transfert de la clause de compétence générale aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et l’affectation à ces derniers des dotations de l’Etat. Bref, il s’agirait de densifier en moyens et en légitimité l’échelon intercommunal et, conséquence inévitable, de réduire la substance du niveau communal. Là encore, il semble que l’on soit loin de ce nouvel équilibre qui semble pourtant marqué au coin du bon sens.

Le vieux modèle politico-administratif local de la IIIe République fait donc de la résistance. Cela n’aurait rien de dommageable si, dans le même temps, ne se renforçaient pas depuis trente ans les niveaux territoriaux que constituent la région et les intercommunalités et qui sont la conséquence de l’inadaptation du système hérité. Car en cumulant ceux qui ne veulent pas céder le pas ni concéder la moindre évolution et ceux qui, fruit de la nécessité, se voient progressivement confortés (régions, métropoles et intercommunalités), on aboutit à cette situation irrationnelle et contreproductive d’empilement de structures, de découpages d’attributions défiant le bon sens et d’opacité généralisée, sans parler des coûts générés par l’entropie de tels arrangements organisationnels.

Finalement, un renversement de point de vue s’impose aux observateurs : il vaudra mieux parler dorénavant des réformes qui ne se feront pas…

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