Confrontée à de lourdes difficultés depuis de nombreuses années, la protection maternelle et infantile (PMI) va-t-elle enfin sortir du marasme(1) ? C’est en tout cas ce qu’espèrent les 14 organisations et syndicats professionnels rassemblés depuis 2011 au sein de la plateforme « Assurer l’avenir de la PMI »(2) qui, après plusieurs mois de concertation avec le ministère de la Santé et des Affaires sociales, attendent de voir leurs revendications aboutir, notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi « santé » à l’Assemblée nationale à partir du 31 mars(3). Alors que ce texte ne comporte aucune disposition en faveur de la PMI, le ministère a rédigé, à la suite des trois réunions qu’il a organisées avec les signataires de la plateforme, un rapport de synthèse qui revient sur l’ensemble des difficultés de la PMI et présente les propositions de la plateforme. Certaines d’entre elles visent à garantir le maintien des missions confiées aux services de protection maternelle et infantile, à les ancrer dans la reconfiguration de la politique de santé, à consolider le financement des services, mais aussi à améliorer leur attractivité pour les professionnels en valorisant le statut et en renforçant la formation de ceux qui y travaillent. Plusieurs de ces revendications pourraient être intégrées au projet de loi « santé » et faire l’objet d’amendements que les organisations ont d’ailleurs déjà transmis au ministère.
Dans un courrier du 12 février, Benoît Vallet, directeur général de la santé (DGS), indique que les propositions du rapport « seront étudiées par les services du ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes », et qu’elles seront également communiquées aux ministres chargés de la fonction publique et de l’enseignement supérieur, concernés par les enjeux statutaires et de formation des professionnels. Par ailleurs, le directeur de la santé indique que les amendements proposés par la plateforme feront l’objet « d’une analyse par l’ensemble des directions concernées du ministère ». A la suite de ce courrier, Pierre Suesser, président du Syndicat national des médecins de PMI, se dit dans « l’expectative » : « Aujourd’hui, il y a beaucoup d’incertitudes sur les suites données par le ministère à ce rapport. La lettre du DGS se limite à un état des lieux. Nous souhaitons que le gouvernement reprenne à son compte nos propositions d’amendements, mais nous n’avons aucun engagement en ce sens. »
Les organisations veulent en premier lieu que la loi prévoie la contribution des services de protection maternelle et infantile – mais aussi ceux de la santé scolaire et de la santé au travail – à la politique nationale de santé. De portée générale, « cette disposition est importante, sinon la PMI risque de péricliter », explique Pierre Suesser. Par ailleurs, les organisations souhaitent que le code de la santé publique « mentionne explicitement la politique de santé en faveur des enfants, des adolescents et des familles » et demande la création d’une « instance nationale de promotion de la santé familiale et infanto-juvénile placée auprès du ministère de la Santé et ayant pour mission d’apporter toute contribution au ministre en vue d’impulser nationalement cette politique ». A l’échelle territoriale, les associations voient dans la création des services territoriaux de santé au public (STSP) prévus par le projet de loi « une opportunité de “réarrimer” de façon beaucoup plus étroite les services de PMI à leurs partenaires de la santé et de l’enfant, de l’adolescent et de la famille sur les territoires, et de permettre d’assurer une meilleure coordination et continuité des soins préventifs et curatifs dans ce domaine. » Elles proposent ainsi d’introduire un volet « santé de l’enfant de l’adolescent et de la famille » au futur service territorial.
Alors que le texte prévoit d’étendre le dispositif du médecin traitant aux enfants de moins de 16 ans, les associations demandent que les médecins de PMI conservent la possibilité d’orienter les enfants vers un spécialiste sans obliger les familles à passer par le médecin traitant de l’enfant (qui ne peut pas être le médecin de PMI). Enfin, en matière financière, les organisations proposent que les actes de prévention réalisés par les puéricultrices et psychologues soient remboursés par l’assurance maladie (actuellement, ce sont les conseils généraux qui les financent, de façon très inégale selon les territoires) et réclament que les agences régionales de santé (ARS) dotent les PMI d’un financement au titre de la coordination des soins et du travail en équipe, au même titre que les médecins libéraux ou les centres de santé (voir ce numéro, page 21). La plateforme doit être reçue par le ministère avant l’examen du projet de loi pour connaître le sort de ses propositions. Alors que les rencontres de ces derniers mois ont été vécues comme les « signaux d’une prise en considération des services de protection maternelle et infantile », les associations se disent prêtes à se remobiliser si les réponses gouvernementales ne sont pas « à la hauteur pour assurer réellement l’avenir de la PMI ».
(1) Les difficultés de la PMI ont fait l’objet de notre « Décryptage » dans les ASH n° 2860 du 16-05-14, p. 26. Le Conseil économique, social et environnemental a adopté un avis en octobre dernier estimant que la PMI était « menacée » – Voir ASH n° 2879 du 17-10-14, p. 5.
(2) ACEPP, Association nationale des psychologues pour la petite enfance, Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiantes, Association nationale des sages-femmes territoriales, ATD quart monde, CFDT Interco, CGT services publics, Confédération syndicale des familles, FNEJE, SNMPMI, Snuclias-FSU, SUD Collectivités territoriales, Ufnafaam, Uniopss.