Alors qu’un comité interministériel consacré à « la lutte contre les inégalités » et au « combat pour l’égalité » dans les quartiers prioritaires devrait se tenir le 6 mars prochain, pour faire émerger des propositions, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) a apporté sa contribution au débat dans un avis et un communiqué rendus publics le 23 février, appelant à « des décisions fortes ». Il y expose les raisons pour lesquelles, selon lui, les politiques publiques sont en échec face à l’objectif de mixité sociale et de droit au logement, et formule des préconisations.
Le phénomène de ségrégation contre lequel le gouvernement entend lutter « est la conséquence d’un échec des politiques publiques ayant entraîné la concentration de personnes aux revenus modestes sur les mêmes territoires sans apporter la réponse à l’accès au logement des plus démunis », explique le Haut Comité. Plusieurs raisons sont avancées. Et en premier lieu, un marché du logement privé qui n’est pas régulé. Le HCLPD pointe à cet égard le risque de voir le dispositif d’encadrement des loyers prévu par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) être partiellement remis en cause après les récentes déclarations du gouvernement(1).
L’instance consultative relève également que le parc social accessible aux plus démunis et le contingent de logements géré par l’Etat – destiné principalement aux bénéficiaires du droit au logement opposable (DALO) – se trouvent en grande partie dans les quartiers sensibles. Et note encore que l’offre nouvelle de logements sociaux est livrée à des prix inaccessibles pour une majorité de demandeurs de logements sociaux.
Le Haut Comité dénonce par ailleurs la défaillance de l’Etat dans l’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et de son quota de logements sociaux à respecter. « Il subsiste toujours un noyau important de communes totalement récalcitrantes à la réalisation de logements sociaux », indique-t-il, notant également « une véritable carence de certains préfets à appliquer les sanctions prévues par la loi ». « Seules 240 communes ont fait l’objet d’un constat de carence qui ouvre droit aux majorations de prélèvement et donne la main aux préfets pour produire du logement social sur leur territoire. » Et le HCLPD d’insister : la panoplie de sanctions prévue par la loi « est suffisante » mais, « exposés à la pression locale et parfois trop sensibles aux arguments sur l’impossibilité de produire des logements sociaux », les préfets « répugnent à prononcer le constat de carence et utilisent peu les outils » à leur disposition.
Enfin, le Haut Comité juge les politiques d’attribution des logements sociaux « pas toujours efficientes ». Majoritairement régies par le principe de la préférence communale – « les logements ne sont attribués souvent qu’à ceux qui habitent la commune » –, elles ne sont pas « menées à la bonne échelle ». Cette pratique « limite les redéploiements nécessaires pour assurer une vraie politique de mixité sociale au niveau de l’agglomération », indique l’instance, soulignant également les « stratégies d’évitement », développées par certaines communes de territoires ne rencontrant pas de problème de mixité sociale, pour écarter tous foyers considérés comme « à problème » sans aucun constat objectif.
Face à ce constat, la première des choses à faire, pour le HCLPD, est de rendre effective la loi SRU « afin d’assurer une meilleure répartition spatiale du parc social ». Autrement dit, veiller à la mise en œuvre par les préfets de l’ensemble des prérogatives que leur donne la loi. Comme nombre d’entre eux « manquent de volonté » à cet égard, l’instance propose de nommer, dans toutes les régions où le nombre de communes en infraction avec la loi SRU est important, un préfet à l’égalité des chances. « Entouré d’une force opérationnelle composée d’une équipe d’experts, son rôle consisterait à prononcer les sanctions » et à « gérer les constats de carence avec pour objectif principal de produire effectivement des logements sociaux sur le territoire des communes défaillantes en utilisant toute la panoplie disponible pour agir en substitution des maires concernés ».
Le Haut Comité estime également qu’il faudrait revoir à la hausse les plafonds d’imputation des coûts sur le budget des communes carencées en cas de réalisation directe par l’Etat des opérations de logement social. Pour mémoire, les préfets ont la possibilité de se substituer aux communes faisant l’objet d’un constat de carence afin de créer une offre sociale, soit par la production de logements sociaux, soit par la mise en place de dispositifs d’intermédiation locative. Les sommes engagées sont alors imputées sur le budget communal. Un plafond maximum d’imputation a été fixé par la loi mais, pour le HCLPD, il est trop bas dans les secteurs où le coût du foncier est élevé.
Le Haut Comité avance encore une série de propositions en matière d’attribution de logements sociaux, pour répondre aux stratégies d’évitement de certaines municipalités pour ne pas loger des ménages défavorisés et aux « protectionnismes locaux ». Il suggère notamment de confier aux intercommunalités la gestion des contingents communaux de logements sociaux. « L’objectif est de permettre un réel redéploiement au niveau des agglomérations. »
Dans un entretien au quotidien Ouest-France paru le même jour que l’avis du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (voir ci-dessus), la ministre du Logement a annoncé son intention de revoir le système d’attribution des logements sociaux afin de favoriser la mixité sociale. Concrètement, Sylvia Pinel souhaite instaurer plus de transparence, pour aboutir à plus d’efficacité. Et compte, pour cela, s’inspirer du dispositif mis en place à Rennes qui, a-t-elle expliqué, « fonctionne sur une centralisation des demandes, une stratégie commune des attributions partagée par tous les réservataires et un système de cotation pour déterminer les demandes prioritaires ». « C’est ce système-là qu’il conviendrait de généraliser dans les territoires tendus », affirme la ministre, soulignant que « les stratégies d’attribution doivent être mieux partagées et définies à une meilleure échelle, c’est-à-dire au niveau intercommunal ou métropolitain ». Sylvia Pinel appelle également à la construction de « logements sociaux dans les communes récalcitrantes » et veut voir les préfets se saisir « des outils qui sont à leur disposition, par exemple le recours aux préemptions ou la délivrance des permis de construire ». Enfin, elle propose d’« assouplir la politique des loyers sociaux dans le parc existant », loyers qui devraient plutôt être fixés « en fonction des revenus du ménage que l’on souhaite accueillir lorsque le logement se libère ».
(1) Voir en dernier lieu ASH n° 2896 du 6-02-15, p. 6.