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« Etats généraux du travail social » : les groupes de travail thématiques ont enfin remis leurs rapports aux ministres

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Synthèses des échanges menés en 2014 dans les régions, les cinq rapports balaient l’organisation et les pratiques du secteur, la formation, ou encore la place des usagers. A venir, une concertation sur l’architecture des diplômes, puis un plan d’action global prévu à l’automne.

Une étape supplémentaire a été franchie dans le cadre des « états généraux du travail social ». Le 18 février, les groupes de travail nationaux chargés de plancher sur cinq thématiques – coordination des acteurs, formation initiale et continue, métiers et complémentarité(1), place des usagers(2), développement social et travail social collectif – ont remis leurs rapports(3) à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, et à Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, en présence de Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France. Ces rapports, dont beaucoup de propositions se rejoignent, vont maintenant « faire l’objet d’une analyse détaillée », ont indiqué les ministres. Parallèlement, la députée (PS) du Pas-de-Calais, Brigitte Bourguignon, sera chargée de mener une concertation spécifique sur les évolutions possibles de l’architecture des diplômes avec les représentants des salariés et les fédérations d’employeurs. Elle devrait rendre ses conclusions « à l’été », ont indiqué les services de Ségolène Neuville aux ASH.

Sur cette base, ont-ils précisé, le gouvernement élaborera un plan d’action pour la reconnaissance et la valorisation du travail social (simplification des démarches, modalités d’organisation des travailleurs sociaux, accompagnement des personnes, architecture des diplômes…) qui devrait être dévoilé lors de la journée nationale de restitution des « états généraux », « au plus tôt à la mi-septembre et au plus tard à la mi-octobre, approximativement ».

Favoriser le développement social et le travail social collectif

Le groupe de travail « développement social et travail social collectif », emmené par Michel Dagbert, président du conseil général du Pas-de-Calais, estime qu’il appartient au pouvoir politique de redonner du sens au travail social car, finalement, il n’y a pas eu de texte fondateur sur ce sujet depuis « l’adresse » de 1982 aux travailleurs sociaux de l’ancienne ministre de la Solidarité nationale, Nicole Questiaux(4). A cette fin, il préconise de « redéfinir les orientations politiques données au travail social, à partir des métamorphoses de notre société, en rappelant ses fondements au service du développement de l’autonomie des personnes, dans le cadre d’un accord conjoint entre l’Etat et les associations d’élus, et de le mettre en discussion dans la perspective des “états généraux du travail social” ». Dans ce cadre, poursuit le groupe de travail, le développement social est une « orientation à consolider » : il s’agit là d’une logique de développement du territoire – à actionner sur le plan politique et stratégique – qui vise à articuler le champ social avec les autres dimensions des politiques locales, sur le plan de la culture, de l’économie, de l’urbain... Parallèlement, le travail social collectif – dont la mise en œuvre relève du niveau professionnel et technique – doit être favorisé. Deux modalités qui doivent permettre de transformer notre modèle social, mais qui, aujourd’hui, sont « contenues par une volonté politique qui n’est pas toujours partagée [en raison notamment d’une certaine défiance des autorités administratives et politiques à l’égard des communautés et de l’« agir collectif »] et un environnement institutionnel peu propice », relève le rapport, qui souligne la nécessité de renforcer le portage politique et institutionnel du développement social.

En outre, le texte suggère de « consolider les partenariats [notamment avec les associations, qui ne doivent pas être réduites à une fonction d’opérateur] en identifiant mieux le chef de file départemental porteur d’une gouvernance équilibrée ». Un chef de filat qui pourrait, selon lui, être renforcé dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, actuellement en discussion au Parlement(5). L’Etat conserverait, bien entendu, son « rôle de facilitateur, de catalyseur, d’arbitre ».

Accumulation de dispositifs et de mesures, démultiplication des procédures, des textes devenus « plus compliqués, plus longs »... autant de facteurs ayant « éloigné ou plutôt fragmenté l’action auprès des personnes accompagnées, limitant une approche globale des personnes, de leurs besoins, développant une comitologie chronophage », estime le rapporteur. C’est pourquoi il suggère avant tout de « sortir des politiques publiques dites en “silos” et [de] faire le choix d’une transversalité organisée au service des habitants ». Mais aussi de « s’engager dans un programme national et territorial de simplification en définissant une équipe dédiée présidée par une personnalité »(6). L’objectif étant, selon lui, de « libérer l’initiative et d’établir les conditions du pouvoir d’agir des acteurs locaux ». Le groupe de travail avance quelques pistes en ce sens : « assouplir les dispositifs par une révision de l’ensemble des “dispositifs d’action sociale” à la charge de l’Etat (harmonisation, fusion, élimination des redondances...) en vue de redonner une marge d’initiative et d’appréciation aux acteurs locaux et aux travailleurs sociaux ». Ou encore alléger les tâches administratives de ces derniers : « mettre en œuvre une simplification des dossiers sociaux et une organisation de leur transférabilité », « explorer les pistes d’un accès direct et simplifié aux droits sociaux pour libérer le temps relationnel »(7).

S’agissant des pratiques professionnelles, le groupe de travail pointe l’insuffisante formation des travailleurs sociaux à l’intervention collective. Aussi préconise-t-il d’« élaborer un référentiel d’orientation sur les diverses formes de travail social collectif [travail social de groupe, travail social communautaire, intervention de réseau...] réaffirmant leur intérêt et leur diversité, définissant des orientations de pédagogie pour les formations initiales, notamment dans la pratique des stages, des pistes d’innovation souhaitables, de nouveaux instruments en matière de formation permanente ». Pour lui, il s’agirait de « renforcer la reconnaissance de l’action collective dans les lois et textes d’application et [de] lui faciliter le cas échéant la mise en place de financements en dérogeant à certaines normes sanitaires et de marché public, par exemple ».

Développer la formation initiale et continue

Plus globalement, en matière de formation, le groupe de travail « formation initiale et continue », piloté par Florence Perrin, conseillère déléguée aux formations sanitaires et sociales du conseil régional de Rhône-Alpes, suggère, dans l’attente de la réingénierie des diplômes, d’engager immédiatement un travail pour développer les pratiques pédagogiques permettant la prise en compte des quatre grands enjeux actuels du travail social que sont la participation des personnes, le travail social collectif, la participation aux projets de territoire et la formation des cadres. Sur ce dernier point, son rapport souligne en effet que « les cadres issus du travail social doivent être mieux outillés qu’ils ne le sont aujourd’hui sur la dimension managériale et la conduite du changement, et ceux issus des filières universitaires ou d’autres secteurs d’activité devraient intégrer les éléments essentiels de connaissance des publics auxquels s’adressent les politiques et les équipes de professionnels qui les accompagnent ». En outre, estime le groupe de travail « coordination interinstitutionnelle entre acteurs », dirigé par Philippe Metezeau, vice-président du conseil général du Val-d’Oise, « il est particulièrement dommageable qu’une véritable filière de l’encadrement social ne soit pas structurée, ni même réellement pensée dans le secteur public ». Aussi recommande-t-il de travailler sur les équivalences possibles entre les diplômes d’Etat de travail social (certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale, diplôme d’Etat d’ingénierie sociale, certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale) et les formations statutaires dans la fonction publique.

Au-delà, le groupe de travail de Florence Perrin appelle à diversifier les modalités de la professionnalisation. Il conviendrait d’abord de repenser les modalités de l’alternance intégrative, qui devait permettre de « dépasser la classique alternance ». Un constat qui rejoint celui qui est dressé par le groupe de travail « métiers et complémentarités » de la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale. En pratique, il n’y a eu aucun changement dans l’organisation de cette alternance qui consiste en un stage classique auprès d’un professionnel ou d’une équipe. Sans compter d’autres difficultés qui sont venues freiner son développement (réticences grandissantes à accueillir des stagiaires, questions liées à la gratification des stages…). « Si un stage long dans le secteur, auprès de professionnels diplômés, reste une modalité nécessaire [...], elle peut associer d’autres expériences », estime le groupe de travail, comme les stages pluri-institutionnels ou les travaux de groupe en lien avec une commande institutionnelle(8). De façon générale, il recommande, dans le cadre de la refonte des diplômes, de remettre à plat les mécanismes de l’alternance pour en « réinterroger le sens, le rythme, le sequençage et les modalités des stages et périodes de professionnalisation ». Autre axe de travail avancé : mieux définir ce qui peut être demandé au stagiaire, notamment dans le contexte de la gratification, « qui pouvait conduire certains employeurs à envisager l’idée d’une “contrepartie” au versement de celle-ci », ont constaté certains membres du groupe de travail. Ils proposent donc, « afin d’éviter les interprétations locales divergentes et de garantir une forme de régulation par les pouvoirs publics sur cette question », d’élaborer une convention de stage type, propre au champ du travail social, permettant de mieux définir les missions pouvant être assignées au stagiaire. Convention à laquelle pourrait être adossée une lettre de mission indiquant les responsabilités qui lui seraient confiées dans le cadre de son stage.

Le rapport s’attarde aussi sur la politique de formation tout au long de la vie des travailleurs sociaux, qu’il souhaite plus cohérente. Il convient, selon lui, que l’Etat, les collectivités locales et les partenaires sociaux puissent « partager régulièrement [sur les] nouveaux besoins et se fixer des priorités partagées pour la formation continue pour répondre aux besoins de professionnalisation attendus des salariés et des employeurs du secteur ». Certes, admettent certains membres du groupe de travail, il existe déjà des « orientations nationales des formations sociales », arrêtées par l’Etat tous les trois ans après concertation de l’ensemble des acteurs, mais cet outil souffre de deux limites. D’une part, il porte exclusivement sur la question des diplômes en travail social alors que les besoins se situent au niveau des contenus des enseignements ou des pratiques pédagogiques. D’autre part, le fait que ces orientations soient arrêtées par l’Etat méconnaît les compétences des régions et des partenaires sociaux en la matière. Aussi le groupe de travail suggère-t-il de les remplacer par un accord-cadre signé entre l’Etat, les collectivités locales et les partenaires sociaux sur les orientations à cinq ans des formations sociales. Accord qui devrait être opposable aux partenaires sociaux dans le cadre de la négociation de leurs accords de branche sur la formation. Les orientations ainsi définies devraient aussi être intégrées aux schémas régionaux des formations sociales.

Par ailleurs, le rapport plaide pour l’amélioration de la qualité des formations, par exemple en révisant les textes fixant les exigences minimales relatives à la qualification des formateurs et en distinguant, dans ce cadre, les formateurs permanents des formateurs occasionnels et de terrain. En outre, il préconise de « développer une réelle évaluation des formations » fondée sur des critères partagés (Etat-régions-OPCA), en complément du décret à paraître relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle continue pris en application de l’article 8 de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale(9). Parallèlement, il conviendrait que les établissements de formation répondent aussi à des critères de qualité (diversité des profils et des formations de l’équipe pédagogique, participation à la recherche, capacité à se soumettre à une évaluation interne et externe...), estime le groupe de travail, « certains devant être communs à l’ensemble des établissements de formation, d’autres pouvant être plus spécifiquement rattachés aux établissements dispensant des formations post-bac ». Ces critères pourraient être définis dans un cahier des charges élaboré par l’Etat et les régions, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes aux schémas régionaux des formations sociales.

CREER UN « REFERENT DE PARCOURS », UNE IDEE QUI FAIT CONSENSUS

Pour le groupe de travail « coordination interinstitutionnelle entre acteurs », piloté par Philippe Metezeau, vice-président du conseil général du Val-d’Oise, il faut coordonner les acteurs du terrain pour garantir l’exercice des droits des personnes et renforcer le « vivre ensemble ». Il recommande, par exemple, d’« assurer un premier accueil de qualité pour réussir une meilleure prise de relais ». Un accueil qui serait « inconditionnel et non spécialisé afin d’assurer à chacun un premier contact lui permettant d’exposer, s’il le souhaite, la globalité de sa situation ». Cette démarche pourrait être entreprise en collaboration avec le Commissariat général à l’égalité des territoires qui élabore actuellement des schémas territoriaux d’accessibilité des services au public.

Au-delà, alors que, à l’heure actuelle, une multitude de professionnels peuvent agir auprès d’une même famille, sans coordination, le groupe de travail préconise, lui, d’assurer un accompagnement global des personnes. Un « référent de parcours » pourrait être alors désigné pour assurer le suivi des personnes et organiser autour d’elles le travail en réseau des professionnels. Si l’idée « fait consensus », souligne-t-il, les critères pour le désigner « ne font pas l’unanimité ». Mais, pour lui, une chose est sûre : il faut « tenir compte à la fois de la préférence éventuellement exprimée par la personne, mais aussi de critères relevant de l’analyse objective de la situation de la personne, des capacités des différents professionnels en présence et du fait qu’ils peuvent d’ores et déjà avoir à assumer le rôle de référent de parcours pour un nombre important de personnes. Le choix semble donc devoir relever d’une délibération collective. » Le référent de parcours aurait au final pour missions de « définir les besoins de la personne, [de] réaliser un diagnostic et un projet global avec elle ».

Par ailleurs, le groupe de travail estime nécessaire que le référent de parcours s’inscrive dans un « fonctionnement en réseau intégré pour assurer un meilleur accompagnement ». Une démarche qui, pour réussir, doit faire l’objet d’un portage institutionnel, insiste- t-il. Il conviendrait, par exemple, d’« élaborer de façon partenariale un guide méthodologique sur la constitution et l’animation d’un réseau collaboratif de professionnels ».

Notes

(1) Dès décembre, les ASH avaient pu se procurer le rapport sur l’architecture des diplômes de travail social lors de sa validation, par la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale – Voir ASH n° 2888 du 19-12-14, p. 5.

(2) Les principales préconisations du rapport sur la place des usagers ont été reprises dans le rapport du Conseil supérieur du travail social intitulé « Refonder le rapport aux personnes » – Voir notre « Décryptage » dans les ASH n° 2898 du 20-02-15, p. 26.

(3) Les cinq rapports et leurs synthèses sont disponibles sur www.social-sante.gouv.fr.

(4) Voir notre « Rencontre » avec Nicole Questiaux dans les ASH n° 2781 du 2-11-12, p. 28.

(5) Sur les grandes lignes du projet de loi initial, voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 21.

(6) Cette équipe regrouperait des acteurs techniques (inspection générale des affaires sociales, caisse nationale des allocations familiales…) et des acteurs de terrain, y compris les usagers et les associations.

(7) François Chérèque préconise ainsi, dans son rapport réalisant le bilan de la deuxième année de mise en œuvre du plan « pauvreté », de prévoir l’accès automatique des titulaires de minima sociaux à la couverture maladie universelle complémentaire et à l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé – Voir ASH n° 2895 du 30-01-15, p. 5.

(8) Il peut s’agir, par exemple, de réaliser un diagnostic de territoire ou de la gouvernance locale d’un dispositif, ou de concevoir un projet de mise en réseau des acteurs.

(9) En vertu de cette disposition, les organismes paritaires collecteurs agréés, l’Etat, les régions, Pôle emploi et le fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés s’assurent, lorsqu’ils financent une action de formation professionnelle continue et sur la base de critères définis par décret, de la capacité du prestataire de formation à dispenser une formation de qualité.

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