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Mineurs et majeurs protégés sont au cœur d’une nouvelle loi de simplification du droit

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Un peu plus de un an après le début de son parcours législatif, la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a été définitivement adoptée par les parlementaires le 28 janvier et a reçu l’aval du Conseil constitutionnel le 12 février. Ce texte vise notamment à simplifier les règles de l’administration légale du patrimoine des mineurs et des majeurs protégés et celles qui sont relatives à la protection juridique des majeurs.

Gestion du patrimoine des mineurs et des majeurs protégés

Actuellement, lorsque l’un des parents d’un mineur est décédé ou se trouve privé de l’autorité parentale, ou s’il n’y a qu’un seul titulaire de l’autorité parentale, le patrimoine du mineur est géré sous le régime de l’administration légale « sous contrôle judiciaire »(1). L’administrateur peut alors effectuer seul les actes conservatoires et d’administration, mais il doit en revanche requérir l’autorisation du juge des tutelles des mineurs – en la personne du juge aux affaires familiales – pour réaliser des actes de disposition ou considérés comme dangereux pour le patrimoine du mineur. En l’état, ce dispositif soulève des difficultés, pointe la rapporteure (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Colette Capdevielle. Tout d’abord, explique-t-elle, « en l’absence de recensement des familles relevant de ce dispositif, toutes les situations familiales [notamment celle des familles monoparentales] qui devraient normalement relever de l’administration légale “sous contrôle judiciaire” ne sont pas, en pratique, soumises au contrôle du juge ». En outre, poursuit-elle, le juge intervient la plupart du temps à l’occasion du décès d’un des parents, une intervention « ressentie fréquemment comme une immixtion dans la sphère privée et mal vécue » (Rap. A.N. n° 1808, Capdevielle, 2014, pages 33 et 34). Aussi la loi habilite-t-elle le gouvernement à prendre une ordonnance visant à réserver l’autorisation systématique du juge des tutelles aux seuls actes qui pourraient affecter de manière grave, substantielle et définitive le patrimoine du mineur.

En outre, en matière d’administration légale du patrimoine des mineurs et des majeurs sous tutelle, les administrateurs légaux sont tenus d’établir un compte de gestion tous les ans et de le transmettre, accompagné de pièces justificatives, au tribunal de grande instance. En pratique, déplore la rapporteure, cette obligation « n’est pas respectée s’agissant de l’administration légale “pure et simple” » (Rap. A.N. n° 1808, Capdevielle, 2014, page 36). La loi autorise donc le gouvernement à prendre une autre ordonnance visant à clarifier les règles applicables au contrôle des comptes de gestion du mineur et du majeur sous tutelle. Concrètement, souligne Colette Capdevielle, il va s’agir de « mettre les textes en conformité avec la pratique, dans un souci de sécurité juridique et de simplification » (Rap. A.N. n° 1808, Capdevielle, 2014, page 36).

Enfin, le gouvernement va pouvoir également, par ordonnance, instaurer un dispositif d’habilitation intrafamiliale alternatif au prononcé d’une mesure de protection judiciaire. Le juge des tutelles pourra alors permettre aux ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin d’une personne majeure hors d’état de manifester sa volonté de la représenter ou de passer certains actes en son nom.

Le gouvernement doit prendre toutes ces ordonnances dans un délai de huit mois à compter de la publication de la loi au Journal officiel, soit avant le 18 octobre 2015.

Protection juridique des majeurs

En vertu de l’article 426, al. 3 du code civil, lorsque le placement en établissement du majeur protégé est envisagé, sa famille peut disposer de son logement et de ses meubles (vente, conclusion ou résiliation d’un bail de location), sous réserve d’y être autorisé par le juge ou le conseil de famille s’il a été constitué. Dans ce cas précis, l’avis préalable d’un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République était jusqu’à présent requis. « En pratique, les personnes concernées rencontrent des difficultés pour recueillir l’avis des médecins inscrits sur ces listes, car ceux-ci sont peu nombreux. La tarification de l’avis à 25 € […], peu incitative pour les médecins, contribue sans doute aussi à ces difficultés », note la rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 1808, Capdevielle, 2014, page 38). Pour y remédier, la loi supprime cette condition d’inscription sur une liste tenue par les parquets et permet dorénavant à tout médecin de délivrer cet avis à condition qu’il n’exerce pas de fonction ou n’occupe pas d’emploi dans l’établissement où le majeur protégé doit être accueilli. Dans la plupart des cas, il s’agira du médecin traitant de l’intéressé. Si tel n’est pas le cas, le médecin qui délivrera cet avis pourra solliciter celui du médecin traitant du majeur protégé.

Par ailleurs, l’article 441 du code civil prévoit que, sans changement, le juge fixe la durée initiale de la mesure de tutelle ou de curatelle sans que celle-ci puisse excéder cinq ans. La loi ajoute que, lorsque l’avis du médecin requis pour prononcer une telle mesure constate que l’altération des facultés personnelles de l’intéressé n’est manifestement pas susceptible de connaître une amélioration, le juge peut, par une décision spécialement motivée, décider d’une durée initiale plus longue, fixée au maximum à dix ans(2). En outre, à l’article 442 du code civil, il est désormais inscrit que le juge peut toujours renouveler la mesure pour une durée plus longue que la durée initiale, sans toutefois, ajoute la loi, que cette durée ne puisse dépasser 20 ans. Cette dernière disposition s’applique au renouvellement des mesures de tutelle et de curatelle prononcées à compter du 18 février 2015 (date d’entrée en vigueur de la loi). Les mesures renouvelées pour une durée supérieure à dix ans avant cette date doivent faire l’objet d’un renouvellement avant le 18 février 2025(3). A défaut, elles prendront fin de plein droit.

Enfin, la loi énonce qu’il appartient désormais au tuteur – et non plus au conseil de famille ou, à défaut, au juge – d’arrêter le budget de la tutelle en déterminant, en fonction de l’importance des biens de la personne protégée et des opérations qu’implique leur gestion, les sommes annuellement nécessaires à son entretien et au remboursement des frais d’administration de ses biens. Il doit en informer le conseil de famille ou, à défaut, le juge des tutelles. En revanche, en cas de difficulté, le budget est défini par le conseil de famille ou, à défaut, le juge des tutelles.

[Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 et décision du Conseil constitutionnel n° 2015-710 DC du 12 février 2015, J.O. du 17-02-15]
Notes

(1) Par opposition, le régime d’administration légale « pure et simple » s’applique lorsque les deux parents exercent l’autorité parentale. Ils peuvent alors accomplir les actes conservatoires, d’administration et de disposition, sous réserve d’être d’accord. Si tel n’est pas le cas, ils doivent recourir au juge des tutelles des mineurs.

(2) Selon le bilan du ministère de la Justice, après deux ans d’application de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, « les mesures de tutelle et de curatelle sont renouvelées plus de neuf fois sur dix, ce qui laisse supposer un taux encore plus élevé, sans doute proche de 100 %, s’agissant des mesures de tutelle prononcées pour les personnes souffrant d’une altération [irrémédiable] de leurs facultés » (Rap. A.N. n° 1808, Capdevielle, 2014, page 42).

(3) A savoir à l’expiration d’un délai de dix ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi.

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