Les écoles de travailleurs sociaux se sont construites contre le modèle universitaire. Cela est dû au corporatisme d’un milieu professionnel qui revendiquait une forte autonomie de son système de formation et de certification, développe Stéphane Rullac, responsable du pôle recherche de l’école Buc Ressources (Yvelines). A la différence de ce qui s’est produit dans d’autres pays, le travail social ne s’est donc pas constitué en France comme une discipline de recherche. Mais, depuis quelques années, la question des conditions matérielles et conceptuelles de la recherche en travail social est l’objet de débats récurrents. Evoquant des antécédents de création de disciplines adossées à une activité professionnelle, comme les sciences de l’éducation en 1967, Stéphane Rullac inscrit sa réflexion – et ses critiques – dans le prolongement de la conférence de consensus sur « la recherche en/dans/sur le travail social » organisée en 2012. Celle-ci s’était prononcée pour la reconnaissance du travail social comme un champ disciplinaire spécifique(1). Tel est aussi l’avis du chercheur. Toutefois, il défend « une disciplinarisation qui prenne des distances avec le seul modèle universitaire », un cadre institutionnel hybride articulant logique académique et logique des écoles. « Il s’agirait finalement d’une “académisation” non universitaire des savoirs professionnels ». A cet égard, le projet de hautes écoles en action sociale, promu par l’Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis), représente une « opportunité historique », estime-t-il.
La scientifisation du travail social
Stéphane Rullac – Presses de l’EHESP – 22 €