Lancés en décembre dernier dans la perspective du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement – qui doit être examiné au Sénat en première lecture du 17 au 19 mars –, les travaux visant à réformer le système de tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)(1) se sont poursuivis à un rythme soutenu avec les organisations du secteur. Pour autant, les scénarios d’évolution proposés ne répondent pas, à ce stade, à leurs attentes. En témoigne la colère de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) qui formule, dans une contribution de six pages, de vives critiques sur la méthode employée par le cabinet du secrétariat d’Etat aux personnes âgées, ainsi que sur les propositions qui ont été présentées aux fédérations depuis le début janvier.
Elle juge, en premier lieu, « incompréhensibles » les délais envisagés – la clôture des travaux est programmée pour le mois de juin – alors que, de son côté, la réforme de la tarification des établissements pour personnes handicapées doit s’étaler sur plusieurs années(2). Elle déplore que ces travaux ne soient pas « articulés » avec les différents chantiers menés sur la tarification des autres établissements et services du secteur (handicap, aide à domicile) « alors que les évolutions envisagées auront des répercussions sur l’ensemble du secteur des établissements sociaux et médico-sociaux ». Le temps imparti entre les réunions ne lui permet pas, en outre, de consulter ses adhérents. Elle regrette aussi qu’à l’approche des élections départementales, les élus soient exclus de ces travaux, cantonnés aux aspects techniques. Ainsi le contenu des projets envisagés jusqu’à présent se limite « à une analyse purement budgétaire et comptable, sans prendre le temps des choix politiques fondamentaux pour notre société ».
Les propositions qui sont sur la table – pour lesquelles l’union a le sentiment que « les choix ont déjà été arrêtés » – visent à remplacer la convention tripartite par un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) obligatoire « pluri-EHPAD » et à mettre en place un « dialogue de gestion » sur « des indicateurs partagés ». Insuffisant pour l’Uniopss, qui estime que ce projet se résume à « une tarification automatique, déconnectée du projet associatif et des besoins personnalisés de la personne accueillie ». Elle demande que « le projet d’établissement soit “la colonne vertébrale” dans la construction autour d’objectifs communs et partagés ». Par ailleurs, elle refuse que le CPOM soit rendu obligatoire, ce caractère cœrcitif ne permettant pas d’établir « un réel partenariat » entre les financeurs et l’établissement. Elle plaide pour la constitution d’un contrat type qui serait « un socle pour construire le contrat et non des éléments s’imposant d’un bloc à l’établissement ».
Autre point critique pour l’Uniopss : la volonté du ministère d’encourager la concentration des établissements, « qui ne convient aucunement au développement de la vie associative locale ». Pour l’union, les associations doivent rester actrices de leur coopération et « les mutualisations ne peuvent être imposées dans le cadre d’un CPOM ». Enfin, elle demande que la professionnalisation et la définition d’un ratio de personnels figurent parmi les objectifs partagés entre les financeurs et les gestionnaires.
Plus globalement, les fédérations reprochent au ministère de vouloir, à travers ce CPOM « nouvelle génération », davantage contrôler les établissements. Pour Didier Sapy, directeur de la Fnaqpa (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées), alors que la feuille de route présentée en décembre affichait l’ambition de créer un outil « responsabilisant, qui permettrait de donner plus de souplesse au gestionnaire », les propositions du cabinet risquent de créer « une usine à gaz qui va complexifier le système ». En particulier, l’obligation qu’auraient les gestionnaires de rencontrer les financeurs chaque année, alors que le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens serait signé pour cinq ans, fait bondir les organisations, qui y voient la traduction d’un sentiment de méfiance à leur égard. Concernant les indicateurs de gestion présentés en décembre comme la contrepartie à « une autonomie de gestion accrue », les acteurs jugent qu’ils sont trop nombreux (43), et pour certains dangereux. « Par exemple, le nombre de chutes pourrait faire partie des indicateurs de résultats, dans ce cas, on va finir par attacher les résidents ! », alerte Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées), qui appelle à la mise en place d’indicateurs d’accompagnement en lieu et place des indicateurs de gestion.
Enfin, Claudy Jarry, président de la Fnadepa (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées), met en garde contre le dispositif des tarifs d’hébergement socles – dans lequel doivent figurer les prestations minimales relatives à l’hébergement – prévu par le projet de loi sur l’adaptation au vieillissement et qui fait l’objet d’un des sujets du groupe de travail. La proposition du ministère se compose d’un double dispositif : un panier minimal que devraient proposer tous les EHPAD quel que soit leur statut et qui serait couvert par l’aide sociale, et un volet facultatif dans lequel seraient mentionnées d’autres prestations. « Tout dépend de ce qui est compris dans ce panier facultatif : si on y met l’entretien du linge, cela signifie qu’il faudrait aller chercher l’argent auprès des personnes âgées, c’est indécent ! », s’insurge le président de la Fnadepa. Pour évoquer tous ces points de friction, plusieurs fédérations – dont la Fnadepa, la Fnaqpa, l’AD-PA – doivent rencontrer le cabinet de la secrétaire d’Etat avant les prochaines réunions du groupe de travail. Le ministère prévoit un bilan intermédiaire des travaux mi-avril.