« Une prise en charge toujours très incomplète » : c’est le bilan dressé par la Cour des comptes à propos des soins palliatifs dans un chapitre de son rapport annuel rendu public le 11 février(1). Déjà en 2007, la Haute Juridiction financière avait critiqué le déploiement des soins palliatifs, soulignant en particulier leur insuffisant développement(2). Si la mise en œuvre du programme national de développement des soins palliatifs 2008-2012 a certes « contribué à de notables progrès au sein des établissements de santé », il n’est toutefois pas parvenu à corriger suffisamment des inégalités territoriales qui demeurent très fortes, tandis que « la prise en charge palliative reste encore particulièrement déficiente à domicile et en établissement médico-social », constatent ainsi les auteurs du rapport.
Rappelant que la prise en charge en soins palliatifs se révèle « nécessaire dans la plupart des situations de fin de vie », la Cour des comptes déplore d’abord qu’« aucune estimation globale du nombre de personnes ayant effectivement bénéficié de soins palliatifs sur une année donnée [ne soit] disponible ». Plus généralement, elle pointe « les lacunes de l’information sur ce sujet » et juge que « le défaut de données actualisées, fiables et complètes traduit la difficulté persistante à faire de la démarche palliative une réelle priorité de santé publique, contrairement à ce que l’on peut constater à l’étranger » où la démarche palliative est souvent plus développée, en particulier dans les pays anglo-saxons.
Par ailleurs, si les objectifs fixés par le programme 2008-2012 ont été atteints en matière d’unités spécialisées et que le nombre de lits identifiés de soins palliatifs (LISP) a augmenté « fortement », la qualité des prestations apparaît cependant « contrastée », déplorent les magistrats de la rue Cambon. « La présence d’au moins quatre LISP dans un service, considérée comme la condition d’une véritable démarche palliative et de l’attribution de moyens humains spécifiques, n’est souvent pas constatée », relèvent-ils. De même, si les équipes mobiles sont passées de 337 à 418 en 2011 (+ 24 %), « une évaluation a mis cependant en évidence de fortes disparités dans leurs moyens et dans leurs pratiques ». Autre faiblesse identifiée : la formation des médecins et des personnels paramédicaux qui, si elle a progressé au cours de la dernière décennie, reste cependant « très insuffisante ».
La Cour des comptes pointe ensuite des « modalités de financement inégalement adaptées » avec une tarification incitative au développement des soins palliatifs en court séjour mais une « absence de valorisation spécifique » en moyen et long séjour. Et ce, alors même que la montée en puissance des maladies chroniques est à l’origine de besoins croissants en soins de suite et de réadaptation (SSR) ou en unités de soins de longue durée (USLD) qui « accueillent de fait fréquemment des patients requérant des soins palliatifs, notamment des personnes âgées, sans que l’on puisse identifier les coûts éventuels de ces prises en charge. En effet, il n’existe pas de mécanisme de financement spécifique des séjours de soins palliatifs au sein de ces services, ce qui ne permet pas une estimation fine des besoins et constitue un frein au développement de ces soins en moyen et long séjour ».
Enfin, la Cour des comptes constate la « persistance de fortes disparités territoriales » en matière d’accès aux soins palliatifs et estime que la prise en charge extrahospitalière reste « toujours à construire », aussi bien à domicile, avec des interventions « à mieux organiser et à renforcer », que dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et pour personnes handicapées, où l’accompagnement des patients requérant des soins palliatifs « se heurte à la faible médicalisation » de nombre de ces structures.
« Le développement des soins palliatifs demeure ainsi dans notre pays très en deçà des besoins et des attentes, alors même que le vieillissement grandissant de la population et l’évolution des pathologies et des mentalités se conjuguent pour laisser anticiper une demande encore accrue au cours des années qui viennent », écrit la Cour des comptes en conclusion, avant de formuler six recommandations. La première d’entre elles est de « maintenir une politique clairement identifiée de développement des soins palliatifs, soutenue par un plan d’action spécifique, dans le cadre de la stratégie nationale de santé ».
Pour la Cour des comptes, il faut ensuite « donner la priorité » à la diffusion des prises en charge palliatives à domicile et dans les EHPAD, et mettre au service de cet objectif l’accord interprofessionnel en cours de négociation entre l’assurance maladie et les différentes professions de santé pour permettre l’intervention à domicile d’équipes pluridisciplinaires. Les magistrats financiers estiment aussi nécessaire de poursuivre à cette fin le développement des dispositifs d’accompagnement des aidants.
La Haute Juridiction financière appelle par ailleurs à « cibler plus finement l’élargissement des dispositifs de prise en charge à l’hôpital pour permettre la résorption des disparités territoriales » et, enfin, à mettre en place des modalités de financement spécifiques des soins palliatifs au sein des structures hospitalières de moyen et long séjour, afin de favoriser les prises en charge palliatives de longue durée.
(1) Rapport public annuel 2015 – Disp. sur