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La France épinglée par le Conseil de l’Europe sur le front des droits de l’Homme

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Dans un rapport alarmant rendu public le 17 février et rédigé à la suite d’une série de visites effectuées dans l’Hexagone à l’automne dernier(1), le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, le Letton Nils Muiznieks, fait part de ses préoccupations quant au respect des droits de l’Homme en France, notamment à l’égard des demandeurs d’asile, des mineurs isolés étrangers, des Roms migrants, des gens du voyage et des personnes handicapées.

Demandeurs d’asile et mineurs isolés étrangers

Lors de ses visites, le commissaire a notamment rencontré des demandeurs d’asile sans abri. Une situation « symptomatique des insuffisances graves et chroniques du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile » et à laquelle les autorités sont invitées à remédier. Alors qu’une réforme est actuellement en préparation(2), Nils Muiznieks juge, plus généralement, que les règles en matière d’asile et d’immigration en vigueur « posent de sérieuses questions de compatibilité avec les engagements internationaux de la France ».

A titre d’exemple, il s’inquiète particulièrement de l’absence d’effet suspensif des recours dirigés contre la décision de transfert vers l’Etat responsable de la demande d’asile en application du « règlement Dublin » et contre la décision de première instance dans le cadre de la procédure d’asile prioritaire. Le commissaire demande à la France de garantir la pleine effectivité de l’ensemble des recours ouverts aux demandeurs d’asile et aux immigrants, y compris en outre-mer. « A cette fin, plus d’efforts et des mesures concrètes sont nécessaires, y compris la mise à disposition d’une assistance juridique, pour permettre aux requérants de préparer correctement leur requête. » Nils Muiznieks demande encore aux autorités de « veiller à ce que toutes les décisions prises dans le cadre de ces procédures soient basées sur un examen individuel et rigoureux et soient dûment motivées ». Il les invite aussi à « ne pas procéder à l’adoption ou à la mise en œuvre de mesures législatives ou autres visant à accélérer encore plus les procédures d’asile avant la résolution des problèmes structurels des instances nationales d’asile ».

Enfin, la France est encouragée à rétablir la présentation des personnes placées en rétention administrative au juge des libertés et de la détention (JLD) au terme de deux jours de rétention. Paris est également invité à renoncer à la tenue d’audiences du JLD dans des annexes des tribunaux de grande instance situées à proximité immédiate de centres de rétention administrative ou de zones d’attente.

Autre sujet d’inquiétude pour Nils Muiznieks : la situation des mineurs isolés étrangers (MIE) « qui révèle une autre défaillance du système d’accueil des migrants en France ». « Malgré les mesures prises par les autorités », le commissaire se dit préoccupé notamment par la procédure de détermination de l’âge de ces jeunes migrants et par le recours à des tests d’âge osseux. Mais aussi par la qualité de leur prise en charge ou bien encore la privation de liberté que peuvent subir ces mineurs lorsqu’ils arrivent à la frontière d’une manière irrégulière. Il demande en conséquence à la France de tout mettre en œuvre pour protéger et accueillir ces mineurs vulnérables, en métropole comme en outre-mer, en particulier à Mayotte, et l’exhorte à mettre immédiatement un terme à la privation de liberté des MIE en zones d’attente.

Roms migrants

Le commissaire s’est également penché sur la situation des Roms migrants, qui font l’« objet d’une hostilité multiséculaire » en France. « Très préoccupé » par les violences subies par cette population – « commises par des particuliers et parfois même par des membres des forces de police » –, il invite les autorités françaises à tout faire pour y mettre un terme et conduire à la sanction effective de leurs auteurs.

Afin, par ailleurs, de « remédier aux conditions de vie très précaires qui sont celles de la majeure partie des Roms migrants », Nils Muiznieks demande aux autorités de prendre des mesures visant à leur garantir effectivement l’accès aux soins de santé, à l’éducation et à l’emploi, en conformité avec les dispositions de la Charte sociale européenne et les décisions du Comité européen des droits sociaux.

Il estime encore que les conditions d’éloignement du territoire des Roms migrants en situation irrégulière soulèvent « une série de questions quant au respect de leurs droits ». Nils Muiznieks explique à cet égard avoir reçu des informations inquiétantes selon lesquelles, malgré les précisions apportées à la législation en 2012, des obligations de quitter le territoire français seraient délivrées en masse à l’occasion de l’évacuation de terrains occupés par des Roms migrants. Il se dit également préoccupé par les conditions dans lesquelles une partie de ces opérations d’évacuation a lieu, malgré les dispositions visant à les préparer et à les encadrer. Et « prie instamment » les autorités de mettre un terme « sans délai » aux évacuations forcées de terrains occupés illégalement « non assorties de solutions durables de relogement pour tous les occupants de ces terrains ».

Gens du voyage

Autre population dont la situation est mise à mal au regard du respect des droits de l’Homme, selon Nils Muiznieks : les gens du voyage qui, note-t-il, « rencontrent de sérieuses entraves, notamment dans la jouissance de leur liberté de circulation et l’exercice de leurs droits politiques ». Le constat est connu et la situation a déjà été dénoncée dans de nombreux rapports : « Malgré une décision rendue en 2012 par le Conseil constitutionnel, la loi française continue à imposer aux gens du voyage de détenir un livret de circulation et d’être rattachés à une commune pour pouvoir jouir de leurs droits de vote et d’éligibilité. » Le commissaire exhorte donc les autorités à abroger l’ensemble des mesures dérogatoires au droit commun qui instaurent un régime discriminatoire à l’encontre de cette population.

Il constate encore que, malgré une amélioration depuis 2008, le nombre d’aires d’accueil et de terrains de grand passage demeure insuffisant et que le stationnement des gens du voyage sur des terrains leur appartenant se révèle souvent impossible. Il s’inquiète aussi des problèmes d’accès des enfants à l’éducation. En matière de recommandations, le commissaire appelle donc les autorités à veiller à ce que les gens du voyage disposent d’espaces de stationnement en qualité et quantité suffisantes et à reconnaître à l’habitat mobile la qualité de logement. Il invite également la France à garantir l’accès effectif à l’éducation des enfants de voyageurs « en promouvant des solutions alternatives à la scolarisation classique et en favorisant la création, au niveau local, d’un contexte favorable au travail des médiateurs ou assistants scolaires ».

Personnes handicapées

Aux yeux du commissaire aux droits de l’homme, la France a aussi « un problème avec ses personnes handicapées ». Et ce bien que le cadre juridique en la matière soit développé et donne la priorité à l’autonomie et à l’inclusion dans la société. « Est-il normal que des milliers de handicapés adultes quittent leur pays pour rejoindre la Belgique parce qu’ils ne trouvent pas de solution de vie [des lieux adaptés] ? », interroge ainsi Nils Muiznieks. Il déplore en outre les difficultés d’accès à l’emploi et les conditions discriminatoires réservées aux travailleurs handicapés dans certaines structures spécialisées.

Face à cette situation, le commissaire invite les autorités françaises à « redoubler d’efforts » pour remplir leurs obligations tirées, notamment, de la Charte sociale européenne en matière d’accompagnement des personnes handicapées et d’accès à l’emploi, « faute de quoi ces personnes resteront marginalisées et exclues de la société ».

La question du droit à l’éducation et à l’inclusion scolaire des enfants handicapés – notamment ceux qui souffrent de troubles autistiques – a également retenu son attention. Nils Muiznieks s’inquiète ainsi de constater que certains enfants handicapés demeurent exclus du bénéfice du droit à l’éducation. Il salue toutefois les mesures adoptées en matière d’accompagnement des enfants handicapés afin de favoriser leur scolarisation, à tous les niveaux, en milieu ordinaire, en invitant là encore la France à redoubler d’efforts dans ce domaine « de manière à garantir qu’aucun enfant ne soit laissé au bord du chemin faute d’accompagnement ou d’instruction appropriés et continus ».

Notes

(1) Disponible sur http://goo.gl/rjBdDJ

(2) Dans une note d’observations en réponse au rapport, le gouvernement français indique que la future loi répondra à certaines préoccupations du commissaire.

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