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La chancellerie explicite le dispositif de libération sous contrainte

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La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a instauré une procédure d’examen obligatoire de la situation des personnes condamnées à une peine maximale de cinq ans lorsqu’elles ont exécuté les deux tiers de leur peine(1), l’objectif étant d’apprécier s’il y a lieu qu’elles bénéficient ou non d’une mesure de sortie encadrée (libération sous contrainte). « Dans un contexte où il convient de lutter efficacement contre les “sorties sèches”, qui représentent encore 80 % des sorties de détention, ce pourcentage étant porté à 97 % s’agissant de la situation des personnes condamnées à une peine de moins de six mois d’emprisonnement[2], de forts enjeux découlent de ces nouvelles dispositions », admet la chancellerie. Aussi explicite-t-elle aujourd’hui, dans une circulaire et une note de cadrage, le nouveau dispositif dont les modalités d’application ont été récemment fixées par décret et s’appliquent depuis le 1er janvier dernier(3).

Champ de la mesure

La libération sous contrainte s’applique aux personnes condamnées, mineures ou majeures, récidivistes ou non :

→ exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à cinq ans. Selon la circulaire, « le quantum de peine à considérer est le cumul des peines portées à l’écrou, qu’elles soient déjà exécutées, en cours d’exécution ou à exécuter ». Et doit « s’entendre de la seule partie ferme de l’emprisonnement » ;

→ et dont la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir(4). Lorsqu’une mesure de libération sous contrainte a été une première fois refusée, la situation des personnes doit de nouveau être examinée à ce titre si une nouvelle peine d’emprisonnement est ultérieurement portée à l’écrou et a pour conséquence de modifier la date à laquelle la personne détenue atteint les deux tiers de la peine, le quantum total devant rester inférieur ou égal à cinq ans. Si ce dernier est supérieur à cinq ans, la situation de la personne doit être examinée au titre de la libération conditionnelle.

Si la libération sous contrainte ne peut être appliquée aux condamnés ayant d’ores et déjà fait l’objet d’une décision d’aménagement de peine, elle peut toutefois concerner les personnes ayant déposé une requête d’aménagement de peine qui n’a pas encore été examinée, souligne le ministère de la Justice. Par ailleurs, ajoute-t-il, si un détenu « s’est vu interdire de déposer une demande d’aménagement de peine avant l’expiration d’un délai déterminé, sa situation devra, à défaut de précision contraire dans la loi, être examinée en vue d’une libération sous contrainte ».

Pour la chancellerie, il convient d’orienter vers la libération sous contrainte les détenus qui ne disposent pas de projet d’insertion ou de réinsertion et dont la situation, au vu du reliquat de peine notamment, n’en permet pas la construction. Les détenus qui en ont un doivent avant tout être dirigés vers une mesure d’aménagement de peine. Cependant, souligne la note de cadrage, « la faiblesse du reliquat de peine ne doit pas constituer, en tant que telle, un obstacle à la construction, si les circonstances le permettent, d’un projet d’aménagement de peine », la libération sous contrainte étant en quelque sorte « la dernière possibilité d’accorder une mesure de libération anticipée ». Cette mesure est en effet « conçue pour offrir un accompagnement, même de courte durée, aux personnes sortant de détention n’ayant pas été en mesure de bâtir un projet d’insertion, et leur permettre d’accomplir des démarches sous le contrôle du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) ». « Ainsi, une personne incarcérée en exécution d’une courte peine, qui ne serait pas à jour de ses droits sociaux (RSA, CMU…), pourrait, sous réserve de l’évaluation du SPIP et de l’appréciation du magistrat, bénéficier d’une mesure de libération sous contrainte sous le régime du placement sous surveillance électronique si elle dispose d’un hébergement, ou d’une semi-liberté dans le cas contraire, uniquement pour lui permettre de réaliser les démarches de nature à rétablir ses droits (CAF, CPAM…) qui ne pourraient matériellement pas être effectuées pendant le temps de détention », illustre l’administration.

Examen des situations

Pour le ministère de la Justice, « il est souhaitable que l’examen en vue d’une libération sous contrainte ait lieu avant l’expiration d’un délai de un ou deux mois à compter des deux tiers de la peine selon le quantum de celle-ci ». Dans la mesure où la situation des détenus doit être examinée dans de courts délais, il est alors « indispensable que la libération sous contrainte soit anticipée par les services pénitentiaires ». « Compte tenu du flux de personnes concernées par ces nouvelles dispositions et ces contraintes de délai attachées aux situations pénales, il est essentiel que les personnes en cours d’exécution de courtes peines soient identifiées prioritairement de façon à engager au plus tôt un travail spécifique à leur profit et de favoriser leur sortie accompagnée, sous le régime de l’aménagement de peine ou, à défaut, de la libération sous contrainte », indique la circulaire. Dans cette perspective, « la mise en place, dès les tout premiers jours de l’incarcération, d’un circuit de repérage, d’évaluation et d’échange d’informations entre tous les acteurs de la préparation à la sortie doit être envisagée ».

Pour l’instruction des demandes de libération sous contrainte, la commission d’application des peines (CAP), présidée par le juge de l’application des peines (JAP)(5), doit disposer d’un certain nombre d’éléments pour prendre sa décision, tels que la fiche pénale à jour du détenu ou encore les avis de l’administration pénitentiaire et de l’intéressé. L’accord de ce dernier doit porter à la fois sur le principe de la mesure et ses modalités précises d’exécution (placement sous surveillance électronique, semi-liberté…). La circulaire précise que, même si le détenu refuse la libération sous contrainte, sa situation doit quand même être évoquée en commission. Le JAP constatera alors son opposition et rendra une décision de refus de lui octroyer la mesure. En outre, lors de la commission d’application des peines ou avant celle-ci, le JAP peut, s’il l’estime utile, entendre le détenu, et le cas échéant son avocat, afin de disposer d’un éclairage supplémentaire sur sa situation ou bien encore ordonner des actes d’investigation complémentaires. Dans cette dernière hypothèse, l’examen du dossier est renvoyé à une commission ultérieure.

Rappelons que la mesure est applicable depuis le 1er janvier dernier. Les condamnés qui, à cette date, avaient déjà accompli les deux tiers de leur peine doivent, eux, voir leur situation examinée dans un délai de un an, « quand bien même celle-ci évoluerait ultérieurement à la faveur d’un événement postérieur (confusion des peines, nouvelle peine portée à l’écrou…) », indique la circulaire. En pratique, insiste-t-elle, « il conviendra d’essayer de programmer la CAP dans des délais ayant du sens au regard du reliquat de peine, les fins de peine les plus proches devant être examinées dans les plus brefs délais ».

Décision du JAP

Les critères permettant au JAP de prononcer une libération sous contrainte se distinguent de ceux qui sont évoqués pour l’octroi d’un aménagement de peine, qui sont fondés sur l’existence d’un projet de sortie (exercice ou recherche d’une activité professionnelle, participation essentielle à la vie de famille…) et d’efforts sérieux de réadaptation sociale, souligne le ministère de la Justice. Conformément à l’article 707 du code de procédure pénale, le magistrat peut accorder une libération sous contrainte en vue de « préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d’agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d’éviter la commission de nouvelles infractions ». En clair, explicite la chancellerie, « la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée ainsi que l’objectif de réinsertion dans le respect des intérêts de la société et en vue d’éviter la récidive devront ainsi guider les avis de la CAP et la décision du JAP ». « Pour autant, insiste-t-elle, l’absence de projet de sortie ou d’efforts de réinsertion n’est pas un obstacle à l’octroi d’une libération sous contrainte », qui doit permettre l’accompagnement de personnes ne disposant pas des ressources et des capacités pour se mobiliser. La mesure peut ainsi « viser les plus fragiles socialement, le cas échéant incapables de disposer d’un logement, de trouver facilement un emploi ou une formation ». En revanche, une « grande dangerosité caractérisée » du détenu ou un « risque de récidive très élevé » peuvent justifier le refus du JAP de prononcer une libération sous contrainte.

Au final, le JAP doit rendre une ordonnance de refus ou d’octroi motivée, qui doit également préciser les conditions d’exécution de la mesure : régime sous lequel le reliquat de peine sera exécuté (semi-liberté, placement à l’extérieur, surveillance électronique ou libération conditionnelle…), date d’exécution, modalités (horaires de sortie, lieu d’écrou…), obligations et interdictions. Elle doit être notifiée par le greffe pénitentiaire au détenu et est susceptible d’appel dans les 24 heures de sa notification devant le président de la chambre de l’application des peines.

Suivi du détenu

Il appartient au JAP et au SPIP d’assurer le suivi du détenu bénéficiant d’une libération sous contrainte. Après une évaluation des besoins et des risques ainsi que de la réceptivité du détenu, un plan de suivi individualisé doit « immédiatement être défini [avec lui] et progressivement mis en place », indique la circulaire, « des étapes et des échéances » devant lui être fixées. Si nécessaire, les modalités de prise en charge peuvent être réévaluées et adaptées. Dans ce cadre, le ministère de la Justice appelle à une « coopération dynamique entre tous les partenaires institutionnels et associatifs locaux dont l’animation relève du SPIP. Ce dernier doit s’inscrire dans un effort permanent d’entretien et de développement du partenariat, gage d’efficacité ».

La libération sous contrainte prend fin à l’issue de l’exécution de la ou des peines auxquelles elle était attachée. En cas d’incident au cours de la mesure, le JAP peut ordonner que le condamné retourne en détention, révoquer la mesure (libération sous contrainte sous la forme d’une libération conditionnelle) ou la retirer (sous la forme d’un aménagement de peine sous écrou).

[Circulaire du 26 décembre 2014, NOR : JUSD1431153C, B.O.M.J. complémentaire du 15-01-15 ; note de cadrage du 26 décembre 2014, NOR : JUSK1540005N, B.O.M.J. n° 2015-01 du 30-01-15]
Notes

(1) Voir ASH n° 2869-2870 du 18-07-14, p. 34 et n° 2871 du 22-08-14, p. 48.

(2) D’après la note de cadrage, 56 % des personnes détenues ont passé moins de six mois en détention.

(3) Voir ASH n° 2893 du 16-01-15, p. 41.

(4) Ce temps d’épreuve est calculé en tenant compte des réductions de peine dont a effectivement bénéficié le détenu.

(5) La commission réunit le JAP, le SPIP, le chef de l’établissement pénitentiaire et le procureur de la République.

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