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Asile en rétention : les consignes de l’Intérieur après le désaveu du Conseil d’Etat

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Dans un arrêt du 30 juillet 2014, le Conseil d’Etat a annulé partiellement la note du 5 décembre 2013 du ministre de l’Intérieur dans laquelle ce dernier indiquait aux préfets la marche à suivre en cas de demande d’asile en rétention(1) – modus operandi transitoire en attendant la future loi réformant le droit d’asile. Plusieurs mois plus tard, le ministère revient à la charge dans une nouvelle note d’information pour indiquer aux représentants de l’Etat la conduite à tenir « dans le respect des obligations énoncées dans la décision du Conseil d’Etat ». Dans ce document – qui abroge dans son intégralité la note précédente –, la Place Beauvau invite les préfets confrontés à une demande d’asile présentée par un étranger placé en rétention en vue de son éloignement, d’une part, à déterminer la procédure d’instruction de la demande (admission ou non au séjour) et, d’autre part, le cas échéant, à décider de son maintien ou non en rétention.

Un examen au cas par cas de la situation au regard du séjour

Dès la présentation d’une demande d’asile en rétention, le préfet doit examiner la situation du demandeur et soit l’admettre au séjour, soit prendre une décision de refus d’admission au séjour au titre de l’asile.

Concrètement, indique la note, le chef du centre de rétention – ou, le cas échéant, le responsable du local de rétention – doit informer systématiquement et immédiatement le préfet à l’origine de la mesure de placement en rétention. A charge ensuite, pour le représentant de l’Etat, de procéder « dans les plus brefs délais » à un examen individuel de la situation de l’étranger. En clair, il s’agit d’examiner si l’intéressé, demandeur d’asile, peut être admis au séjour à ce titre ou, au contraire, relever de l’un des cas prévus aux 2°, 3° et/ou 4° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, susceptibles de justifier un refus d’admission au séjour et, par suite, d’étudier la mise en œuvre de la procédure prioritaire pour l’examen de sa demande par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Ces cas sont les suivants : provenance d’un pays d’origine sûr, menace grave pour l’ordre public, fraude délibérée, recours abusif aux procédures d’asile ou demande n’étant présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée.

Le ministère précise que, pour déterminer si une demande a été présentée uniquement en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée, les préfets doivent apprécier l’ensemble des circonstances de l’espèce, « notamment si l’intéressé a été en mesure, préalablement à son placement en rétention, de déposer une demande d’asile ». La note d’information liste par ailleurs un certain nombre d’éléments sur lesquels les représentants de l’Etat peuvent se fonder pour porter leur appréciation s’il s’agit d’une première demande :

→ la date d’entrée en France de l’étranger, la durée et les conditions de son séjour sur le territoire ainsi que l’absence de démarches de l’intéressé en matière d’asile avant toute mesure d’éloignement et de rétention ;

→ les démarches éventuelles de l’intéressé en vue de son admission au séjour autre qu’au titre de l’asile (motif médical, vie privée et familiale, régularisation au titre du travail…) ;

→ les déclarations de l’intéressé lors de son audition suite à son interpellation (dans le cadre d’une garde à vue ou d’une retenue pour vérification du droit au séjour) quant à l’absence de menaces graves dans le cas d’un retour dans son pays d’origine ;

→ la circonstance que l’étranger a déjà fait l’objet antérieurement d’une ou de plusieurs mesures d’éloignement auxquelles il ne s’est pas soumis ;

→ pour les personnes détenues, puis placées en centre de rétention administrative à l’issue de leur incarcération, la circonstance que la personne n’a effectué aucune démarche tendant à solliciter l’asile au cours de sa détention.

Le ministère envisage également le cas où la demande est une demande de réexamen et donne des exemples d’éléments sur lesquels les préfets peuvent se fonder :

→ la circonstance que l’étranger a fait l’objet d’une mesure d’éloignement récente, suite au rejet de sa demande d’asile initiale par l’OFPRA et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d’asile ;

→ l’intéressé a déjà présenté une ou plusieurs demandes de réexamen qui ont été rejetées ;

→ les déclarations de l’intéressé lors de l’audition menée à la suite de son interpellation, quant à l’absence de menaces graves en cas de retour dans son pays d’origine ou à l’absence de tout élément nouveau à faire valoir auprès de l’OFPRA pour solliciter un réexamen.

La Place Beauvau précise toutefois qu’il n’appartient pas aux préfets de connaître des éléments intrinsèques à la demande d’asile, qui relèvent de l’appréciation de l’OFPRA. Ils peuvent en revanche « tenir compte de la situation générale prévalant dans le pays de renvoi » et se fonder sur l’ensemble de la situation de l’intéressé, « en particulier les circonstances qui l’ont conduit à ne présenter une demande d’asile qu’après son placement en rétention révélant soit une manœuvre dilatoire soit, au contraire, des obstacles l’ayant empêché auparavant d’entreprendre les démarches en matière d’asile ».

Si après cet examen individuel de situation, le préfet considère que la demande d’asile ne relève pas des cas de refus d’admission, il doit mettre fin à la rétention de l’intéressé et l’inviter à se rendre à la préfecture en vue d’y accomplir les formalités qui lui incombent en qualité de demandeur d’asile. Dans le cas contraire, le représentant de l’Etat doit notifier « dans les plus brefs délais » à l’étranger une décision de refus d’admission au séjour au titre de l’asile, motivée et assortie de la mention des voies et délais de recours de droit commun. La demande d’asile sera alors transmise « sans délai » à l’OFPRA. Un rappel au passage : la mesure d’éloignement ne pourra en tout état de cause être exécutée avant l’intervention de la décision de rejet de l’OFPRA. De plus, tant que la demande d’asile est en cours d’examen, le consulat du pays d’origine ne peut « en aucune manière » être sollicité en vue de l’identification et de l’obtention des laissez-passer.

Un examen au cas par cas de la nécessité du maintien en rétention

Il ressort de la décision du Conseil d’Etat que, dans le cas d’un refus d’admission provisoire au séjour, il appartient ensuite au préfet de statuer sur la nécessité de maintenir ou non le placement en rétention initialement décidé en vue de l’éloignement. Le ministère en détaille le mode opératoire.

Ainsi, si l’admission a été refusée parce que la demande d’asile a été jugée comme présentée dans le seul but de retarder ou de compromettre l’exécution de la mesure d’éloignement, les préfets doivent « apprécier de nouveau s’il est objectivement nécessaire et proportionné de maintenir la mesure de rétention ». Le ministère leur demande en particulier de réexaminer les motifs qui les ont conduits à placer l’intéressé en rétention, et notamment l’existence d’un risque de fuite de l’étranger et l’absence de garanties de représentation suffisantes.

En l’absence de changement dans la situation de l’intéressé à cet égard et si les préfets estiment nécessaire de maintenir la rétention pour éviter que ce dernier se soustraie définitivement à son retour, les représentants de l’Etat doivent notifier à l’étranger, en même temps que le refus d’admission au séjour, une décision de maintien du placement en rétention, « le temps strictement nécessaire à l’instruction de sa demande d’asile par l’OFPRA et à l’intervention de la décision de l’office ». Cette décision, précise la circulaire, doit être motivée « en droit » mais aussi « en fait » (existence d’un risque de soustraction définitive au retour). Elle doit également mentionner les voies et délais de recours de droit commun.

[Note d’information du 23 décembre 2014, NOR : INTV1430936N, B.O.M.I. n° 2015-1 du 15-01-15]
Notes

(1) Voir ASH n° 2874 du 12-09-14, p. 41.

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