« Comment ! Vous n’avez pas Canal + ? » La famille Lipo a du mal à comprendre que leur assistante sociale, Mme Bernon, qui gère leur budget, ne bénéficie pas du « minimum vital ». Elle se rend dans ce foyer dans le cadre de ses missions au sein de l’association tutélaire. Les dettes s’y accumulent, et pourtant les Lipo ne peuvent se passer de ce qu’elle juge superflu – tablettes, réfrigérateurs distributeurs de glaçons, jouets pour le rottweiler. « Si je travaille pour pas pouvoir changer de frigo quand je veux, c’est pas la peine ; vous croyez que c’est rigolo de tripoter de la volaille toute la journée si je peux pas me faire plaisir », justifie Mme Lipo, qui n’arrive pas à régler les factures de cantine de ses enfants. Comment, en effet, expliquer qu’il y a des priorités comme le loyer, l’eau, le gaz, les assurances ? Si Armelle Bernon sait que les aléas de la vie peuvent faire basculer n’importe qui dans une situation de surendettement, elle trouve tout de même que beaucoup de problèmes rencontrés par les personnes accompagnées témoignent d’un manque « de simple bon sens ». A 50 ans, cela fait de longues années qu’elle se rend au domicile de familles parfois véhémentes, sur la défensive, qui la reçoivent alcoolisées ou se plaignent de leur « hernie fiscale »… Dans les pages d’Assistante sociale en détresse, elle a l’impression de « ramer à contre-courant » et est pratiquement prête à baisser les bras devant le manque de solutions.
Françoise Buchet puise dans son vécu pour dresser le portrait de familles dont le point commun est souvent la précarité budgétaire mêlée à des carences affectives. Ces saynètes sont entrecoupées de passages situés au sein de l’association tutélaire où son double, Armelle Bernon, échange avec ses collègues, auprès desquels elle « décompresse ». Ces pages sont l’occasion de se pencher sur le rôle de l’assistant de service social. L’ouvrage représente ainsi une chronique très détaillée des journées de travail d’une professionnelle du social, parfois au bord de la crise de nerfs, échaudée par « tous ces éclopés de la vie », qu’elle tire, pousse, stimule, souvent en vain. Dans ces moments-là, la narratrice s’inspire de Goethe : « Si vous traitez un individu en fonction de ce qu’il est, il le restera. Si vous le traitez comme s’il était déjà ce qu’il pourrait être, il le deviendra. »
Assistante sociale en détresse
Françoise Buchet – Les Editions Baudelaire (