Alors qu’elles dressent un bilan très mitigé de la loi « handicap » de 2005(1), les associations du secteur ont voulu savoir quelle en était la perception du grand public, des personnes handicapées et des élus de terrain. Commandé par le Comité d’entente(2), un sondage IFOP – auprès de 2 000 citoyens représentatifs de la population, 2 000 personnes handicapées et leurs aidants, ainsi que 300 maires et conseillers généraux – montre « des écarts de perception très forts » entre ces trois profils.
La quasi-totalité des personnes interrogées considèrent que la loi est « nécessaire » et « prioritaire », ce qui atteste de « l’incontestable légitimité » du texte, dont le grand public déclare à 70 % connaître l’existence, relève le comité. Interrogés sur l’impact de la loi, les citoyens valides sont plutôt sévères à l’égard de l’action publique en faveur du handicap : si près des deux tiers pensent que le texte de 2005 a eu des effets concrets, seulement la moitié jugent qu’il a eu un impact sur les mentalités et 80 % considèrent que les pouvoirs publics n’en font pas assez pour le handicap. Sans surprise, les interviewés concernés par un ou plusieurs handicaps sont encore plus critiques : près d’une personne handicapée sur deux estime que son quotidien ne s’est pas amélioré depuis dix ans, et pour 22 %, qu’il s’est même dégradé. Seulement un quart d’entre eux jugent que les pouvoirs publics prennent des mesures concrètes pour améliorer leur situation.
A l’inverse, les élus sont beaucoup plus positifs : plus de quatre élus sur cinq considèrent que la loi a fait évoluer les mentalités sur le handicap et qu’elle a eu des effets concrets sur l’intégration des personnes handicapées. Plus inquiétant, « seule la moitié d’entre eux concèdent être informés du contenu de la loi » tout en déclarant – à 70 % – connaître ses incidences sur leur commune ou leur département. Un tiers des élus indique voir dans les règles encadrant les politiques relatives au handicap « un frein au développement des territoires ».
Alors que les dérogations et reculs en matière d’accessibilité ne cessent d’être dénoncés par les associations – qui manifestaient une nouvelle fois le 11 février devant l’Assemblée nationale pour exiger des députés qu’ils ne ratifient pas l’ordonnance du 26 septembre 2014 –, la moitié du panel constitué de citoyens valides estime que l’accessibilité s’est améliorée. De leur côté, les élus sont environ deux tiers à le penser. Ces derniers affichent d’ailleurs un plus grand enthousiasme en matière d’accès aux services (qu’ils évaluent à sept sur une échelle de un à dix), d’intégration à l’école ou d’accès aux soins (sept sur dix). Pour Michel Girard, vice-président de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam), « cette autosatisfaction » des élus est « très éloignée de ce que nous vivons ». Elle témoigne, pour Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH (Association des accidentés de la vie), de leur « incompréhension des besoins des personnes handicapées ».
Si les critiques sont vives concernant l’accès à la formation et à l’emploi, la plupart des actifs interrogés se disent « indifférents » à l’arrivée d’une personne handicapée dans leur entreprise et considèrent que « ce sera un ou une collègue comme un ou une autre avec qui [ils auront] ou non des affinités ». Cette « facile intégration » est d’ailleurs confirmée par les personnes handicapées travaillant en milieu ordinaire, qui sont 84 % à se dire bien intégrées. Parmi les mesures les plus efficaces pour favoriser l’insertion professionnelle, les répondants – handicapés ou non – plébiscitent le renforcement des sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas leur obligation légale. Sur la question des ressources, le grand public se montre plus inquiet sur la capacité des personnes handicapées à s’en sortir avec leurs revenus (90 %) que les personnes handicapées elles-mêmes (65 %).
Fort de ces résultats, le Comité d’entente demande le lancement d’une campagne de communication auprès des élus et des citoyens pour faire connaître la loi et réclame que les associations soient associées à la rédaction du volet « handicap » qui doit désormais figurer dans chaque projet de loi. Par ailleurs, pour que l’accessibilité ne relève pas seulement du ministère chargé des transports, il réclame la création d’une délégation interministérielle à l’accessibilité universelle, rattachée au Premier ministre. Parmi ses autres revendications figurent la révision du périmètre des besoins couverts par la prestation de compensation du handicap ou encore l’engagement d’une action en faveur de la prévention de la désinsertion professionnelle et du maintien dans l’emploi. Plus globalement, il déplore que les politiques soient « en retrait » sur le sujet du handicap et appelle à « changer de vision afin de faire évoluer la place et la représentation des personnes en situation de handicap dans la société ». Il rejoint la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles (Fegapei) qui, si elle admet que la loi de 2005 a constitué un « temps fort de l’évolution de la société face au handicap », appelle à « changer définitivement de paradigme ». Et à considérer les personnes handicapées comme des acteurs à part entière afin de créer « une véritable société inclusive ».
(1) Voir notre « Décryptage », ASH n° 2896 du 6-02-15, p. 24.
(2) Il regroupe 70 organisations nationales représentatives des personnes handicapées et des parents d’enfants handicapés, dont la Fédération des APAJH, l’APF, le Clapeaha, le CFPSAA, la FFAIMC, la FNATH, le GIHP National, l’Unafam, l’Unapei et l’Unisda.