C’est un « bilan contrasté » – pour reprendre sa formulation – que la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion a dressé de la loi « handicap » du 11 février 2005 lors du cinquième colloque de la Fondation Jacques-Chirac, organisé le 5 février à l’occasion des dix ans de ce texte relatif à l’égalité des droits et des chances, à la participation et à la citoyenneté des personnes handicapées. L’occasion aussi pour Ségolène Neuville de préciser certaines mesures concernant les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les aides techniques, des mesures plutôt bien accueillies par les associations (voir ce numéro, page 20).
« Il y a bien un avant et un après 2005 dans la manière de vouloir appréhender le handicap dans notre pays », a affirmé Ségolène Neuville. « Si la notion de handicap suppose toujours une altération d’origine diverse, elle est désormais appréhendée au travers des difficultés et des conséquences qui en résultent pour la vie en société des personnes handicapées. Elle reconnaît également le rôle joué par l’environnement dans l’aggravation ou l’atténuation de ces difficultés. » En est découlée la création du droit à compensation, qui s’est traduit par la prestation de compensation du handicap (PCH) chargée de couvrir les besoins aussi divers que les aides humaines, les aides techniques ou encore l’aménagement du logement, a rappelé la secrétaire d’Etat. Mais « diverses mesures ambitieuses » de la loi de 2005 ne sont pas parvenues à « atteindre parfaitement les objectifs assignés », a-t-elle reconnu.
S’agissant d’abord de l’inscription « dans le marbre » du principe de l’accessibilité universelle, Ségolène Neuville a souligné que, avec « 30 % seulement d’établissements recevant du public mis en accessibilité, notre pays a accumulé du retard et manqué le rendez-vous de janvier 2015 ». Quant à l’application du principe d’accessibilité à l’école, en dépit de la progression d’enfants handicapés scolarisés (240 000 aujourd’hui contre 126 000 en 2006), Ségolène Neuville a pointé les difficultés persistantes « que connaissent les secteurs éducatif et médico-social à travailler ensemble » et reconnu que la publication du décret du 2 avril 2009 organisant leur coopération « n’aura pas suffi à lever ce blocage » qu’elle a qualifié de « culturel ».
Dans le domaine de l’emploi, le « bilan n’est pas bon », a poursuivi la secrétaire d’Etat, tandis que, en matière de citoyenneté, et en particulier du droit de bénéficier des aménagements permettant de voter de façon autonome, quel que soit le handicap, là aussi « beaucoup reste à faire ». De même, en termes d’accès aux soins et à la santé des personnes en situation de handicap, « force est de constater que des inégalités importantes existent encore ».
S’agissant de la création des MDPH, Ségolène Neuville estime que ces guichets uniques ont mis fin au « parcours du combattant » pour les personnes handicapées et leurs familles. Mais elles « sont aujourd’hui beaucoup trop absorbées par leurs tâches administratives au détriment du suivi individualisé des personnes ». C’est pourquoi elle entend recentrer l’action des MDPH sur leur « métier originel » : l’accompagnement des parcours des personnes. Aussi, et comme le prévoit la feuille de route du ministère des Affaires sociales rendue publique le 13 janvier dernier dans le prolongement de la conférence nationale du handicap(1) et des recommandations du rapport « Zéro sans solutions » de Denis Piveteau(2), il est prévu de mettre à la charge des MDPH « une obligation d’orientation permanente des personnes », c’est-à-dire « l’obligation de mettre en regard deux décisions », la première se concentrant uniquement sur le projet de la personne, la seconde s’attachant à retenir les réponses qui peuvent lui être immédiatement proposées. Cette obligation sera mise en place via un amendement au projet de loi « santé »(3), a annoncé Ségolène Neuville. « Pour dégager les marges en personnel nécessaire à cette évolution, un plan de simplification des tâches administratives sera mis en œuvre, et un accompagnement au changement sera mis en place », a-t-elle ajouté.
Conformément à une décision prise lors de la conférence nationale du handicap du 11 décembre dernier(4), un autre amendement législatif au projet de loi « santé » permettra quant à lui aux départements de « mettre en place un tiers payant pour les aides techniques, ce qui évitera aux personnes d’avancer parfois des sommes importantes ». Il convient cependant, a insisté Ségolène Neuville, « d’approfondir encore la réflexion sur la PCH, dont l’attribution non réévaluée au cours des dix dernières années reste inégale ». La secrétaire d’Etat a donc prévu, « en relation avec les départements et dans le cadre de l’enveloppe actuelle, [d’ouvrir] un chantier pour viser à une plus grande équité et pour promouvoir une meilleure prise en compte des besoins d’aide pour la vie domestique ». Dans ce cadre, concernant les aides techniques, l’objectif est de mieux évaluer le service rendu afin de garantir une meilleure adéquation des aides aux besoins des personnes mais aussi d’optimiser le financement public.
(1) Voir ASH n° 2893 du 16-01-15, p. 5.
(2) Voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 11.
(3) Ce projet de loi, présenté en conseil des ministres le 15 octobre dernier, devrait être examiné par le Parlement au début avril. Sur les grandes lignes du texte, voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 14.
(4) Voir ASH n° 2888 du 19-12-14, p. 7.