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François Rebsamen dévoile ses solutions pour faire face au chômage de longue durée

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Fin 2014, en métropole, plus de 2,2 millions de chômeurs étaient, en comptant ceux exerçant une activité réduite, inscrits à Pôle emploi depuis au moins un an, soit 43 % de l’ensemble des inscrits. Pour remédier à ce fléau, érigé en « cause nationale » par le président de la République lors de la dernière conférence sociale de juillet 2014(1), le ministre du Travail a présenté, le 9 février, une série de mesures pour lutter contre le chômage de longue durée qu’il qualifie de « nouvelles solutions » mais dont certaines étaient déjà connues. Elaborées en concertation avec les partenaires sociaux, les collectivités territoriales, les acteurs de l’emploi et de l’insertion, ces mesures suscitent la déception du collectif Alerte et du Mouvement national des chômeurs et précaires (voir ce numéro, page 16). « Les obstacles qui éloignent le demandeur d’emploi du marché du travail sont nombreux et de natures différentes. Il n’y a pas de solution unique, et on ne peut s’attaquer à un seul de ces blocages sans s’attaquer à tous », a souligné François Rebsamen qui entend « les lever un à un, en multipliant les leviers d’actions ».

Intensifier le suivi

Lorsqu’un demandeur d’emploi s’inscrit au chômage, « il a deux fois plus de risques de tomber dans le chômage de longue durée s’il est âgé de plus de 55 ans ou s’il est sans diplôme, et 1,6 fois plus s’il est parent isolé », relève le ministère du Travail. Repérer ces risques dès le début du chômage et enclencher rapidement des solutions permettrait donc, selon lui, « de sortir des dizaines de milliers de demandeurs d’emploi de l’exposition au chômage de longue durée ». Or la priorité est donnée aujourd’hui aux démarches administratives et au montage du dossier d’indemnisation. En dématérialisant l’inscription administrative, Pôle emploi va dégager du temps pour ses conseillers et créer ainsi un « entretien de situation », qui interviendra entre deux et quatre semaines après l’inscription à Pôle emploi, a indiqué le ministre. Ce temps permettra aux conseillers de détecter les besoins réels du demandeur d’emploi et, ainsi, de prévenir un éventuel risque de chômage de longue durée.

De plus, Pôle emploi prévoit de doubler les places en accompagnement intensif d’ici à 2017. Ainsi, le nombre de places en « accompagnement renforcé » – pour les demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi suivis par un conseiller disposant d’un portefeuille réduit – et en « accompagnement global » – suivi, en partenariat avec les conseils généraux, destiné aux demandeurs d’emploi rencontrant des difficultés professionnelles et sociales (logement, santé…) – passera à 460 000, comme cela est inscrit dans la nouvelle convention tripartite Etat-Unedic-Pôle emploi signée en décembre dernier(2).

Par ailleurs, il est confié au Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE), avec la participation des structures de l’insertion par l’activité économique (IAE), un chantier visant à définir les modalités permettant de sécuriser les parcours des salariés en insertion, ainsi que les conditions de délivrance des agréments préalables à l’embauche dans des conditions de « fluidité et d’égalité de traitement maximales ». En parallèle, une mission de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sera chargée d’analyser les différentes expérimentations menées par le secteur de l’IAE, en matière notamment d’accompagnement des salariés en insertion. Elle devra également en tirer des enseignements pour appuyer les travaux à venir du CNIAE.

Renforcer l’accès à la formation

François Rebsamen veut également mettre en place un droit réel à la formation qualifiante gratuite pour les demandeurs d’emploi, mobilisable grâce au compte personnel de formation entré en vigueur le 1er janvier dernier(3). Il sera financé par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels à hauteur de 220 millions d’euros. Cet effort pourra être abondé si nécessaire par Pôle emploi et les conseils régionaux pour permettre aux demandeurs d’emploi qui n’auraient pas le nombre d’heures de formation requis de suivre quand même une formation.

En outre, Pôle emploi expérimentera avec l’AFPA (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes) la mise en place d’un système de réservation « zéro place de formation inoccupée » permettant à Pôle emploi de connaître en temps réel les places disponibles ou devenues vacantes dans les formations.

Enfin, deux nouveaux types de contrats de professionnalisation – contrat de travail permettant l’insertion ou le retour à l’emploi des jeunes et des adultes par l’acquisition d’une qualification professionnelle (diplôme, titre, certificat de qualification professionnelle…) – seront mis en place :

→ le contrat « nouvelle carrière » s’adressera aux demandeurs d’emploi qui ont bénéficié d’une longue expérience professionnelle, mais ont subi une rupture de leur contrat de travail à l’âge de 50 ans et plus. Il permettra d’adapter leurs compétences au marché du travail et sera applicable dans le courant du premier semestre ;

→ le contrat « nouvelle chance » sera adapté aux demandeurs d’emploi très éloignés de l’emploi. Il aura une durée plus longue que le contrat de professionnalisation de droit commun – qui est de 24 mois – pour permettre l’acquisition dans un premier temps du socle de compétences de base, puis d’une qualification professionnelle. Sa mise en œuvre nécessite l’adoption d’une mesure législative.

Aider à surmonter les « obstacles de la vie »

Indépendamment de leurs difficultés liées à l’emploi recherché ou aux compétences, les demandeurs d’emploi connaissent souvent des freins à la recherche d’emploi propres à leur situation personnelle. La garde d’enfants, en particulier pour les mères isolées, constitue ainsi un frein majeur au retour à l’emploi. En collaboration avec son homologue aux Affaires sociales et la secrétaire d’Etat chargée de la famille, le ministre du Travail a donc engagé des discussions avec la caisse nationale des allocations familiales, Pôle emploi et les entreprises de crèche afin :

→ d’élaborer dans les six mois des solutions concrètes pour que tout demandeur d’emploi puisse faire garder ses enfants le temps d’un entretien d’embauche, d’une formation, voire de sa période d’essai. Cela pourrait prendre la forme de réservation de places en crèches d’entreprise ;

→ d’engager un soutien à la création de crèches à vocation d’insertion professionnelle dans les quartiers défavorisés, en lien avec les conventions d’accompagnement global entre Pôle emploi et les conseils généraux.

Autre frein au retour à l’emploi : la mobilité. En effet, « les zones où existent des offres d’emploi en nombre sont aussi souvent des zones où les prix de l’immobilier sont élevés », relève le ministère du Travail. Ce qui exclut, de fait, de nombreux demandeurs d’emploi. Pour les aider à accéder au logement locatif, les partenaires sociaux d’Action logement ont décidé, dans la convention quinquennale 2015-2019 conclue le 2 décembre dernier avec l’Etat(4), d’étendre le bénéfice du dispositif de garantie de loyers, qui se substituera à l’actuelle garantie des risques locatifs, aux demandeurs d’emploi reprenant un emploi par tout contrat de travail hors contrat à durée indéterminée, y compris une mission d’intérim ou une promesse d’embauche. Les partenaires se sont également engagés à étudier une extension du dispositif aux demandeurs d’emploi en mobilité.

Enfin, constatant qu’« une période d’inactivité induit parfois des difficultés d’accès aux soins », François Rebsamen veut renforcer la possibilité de déclencher un bilan de santé du demandeur d’emploi dans le cadre de son accompagnement. Au-delà, une mission sera confiée à l’IGAS sur la prise en compte des problématiques de santé dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Accompagner les employeurs

Une prestation « suivi dans l’emploi » pour accompagner l’employeur et le nouveau salarié du recrutement à la fin de la période d’essai sera mise en place cette année, a par ailleurs annoncé François Rebsamen. Centrée sur les demandeurs d’emploi de très longue durée ou sortant de dispositifs d’insertion (IAE, contrats aidés…), elle fera intervenir des experts du champ de l’intervention sociale et professionnelle. Les opérateurs de placement (Pôle emploi, missions locales, Cap emploi) pourront la mobiliser pour inciter les employeurs à recruter ces publics.

Dans le cadre des contrats aidés, une expérimentation dite « CASA » (contrats aidés-structures apprenantes) va être menée dans dix départements en 2015. Le service public de l’emploi va ainsi sélectionner et accompagner les employeurs proposant à des chômeurs particulièrement éloignés de l’emploi un environnement de travail garantissant leur montée en compétences. Ces employeurs seront sélectionnés sur la base des caractéristiques des métiers et postes de travail offerts et de l’accompagnement proposé (tutorat, modalités d’accueil, formation…).

Un plan de développement des GEIQ (groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification) devrait également être lancé début 2015 : plus grande ouverture de l’accès au label, revalorisation des aides à l’accompagnement, meilleure mobilisation du dispositif dans les actions du service public de l’emploi. Pour mémoire, les GEIQ permettent à des employeurs engagés dans l’insertion professionnelle de publics en difficulté de mutualiser leurs moyens pour les recruter et assurer leur suivi.

Enfin, pour tirer parti de la multitude d’initiatives qui, sur le terrain, partent de besoins non couverts par le marché pour créer des activités nouvelles, adaptées à l’emploi de personnes éloignées du marché du travail, un « accélérateur d’innovation sociale » devrait être mis en place. Ce dispositif, géré par l’Agence nouvelle des solidarités actives, aura pour objet d’identifier ces projets et de leur apporter un appui méthodologique et une recherche de financements pour s’étendre à d’autres territoires, voire se généraliser. Les partenaires sociaux, les acteurs de l’emploi et de l’insertion et les collectivités territoriales participeront au choix des projets et au suivi de leur développement.

Notes

(1) Voir ASH n° 2868 du 11-07-14, p. 6.

(2) Voir ASH n° 2889 du 26-12-14, p. 10.

(3) Voir ASH n° 2878 du 10-10-14, p. 49 et n° 2891 du 9-01-15, p. 6.

(4) Voir ASH n° 2886 du 5-12-14, p. 7.

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