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Arrêtons de dénigrer notre dispositif d’emploi des personnes handicapées !

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Contrairement à certaines affirmations, le dispositif d’emploi des personnes handicapées en France n’a rien à envier à celui d’autres pays européens, affirme Gérard Zribi, président de l’Association nationale des directeurs et cadres d’établissements et services d’aide par le travail (Andicat)(1). Et d’inviter, à l’occasion des dix ans de la loi du 11 février 2005, à optimiser un dispositif très diversifié et mal connu.

« A l’heure où le dispositif d’emploi français pour les personnes handicapées est souvent dévalorisé et à vrai dire travesti, il est sans doute utile d’apporter quelques clarifications et de le présenter dans sa diversité, ses potentialités et ses insuffisances. Les travailleurs handicapés exercent leur activité professionnelle au sein de grands secteurs d’emploi : l’emploi ordinaire et l’emploi protégé.

1. L’emploi ordinaire

Il relève, sous peine de sanctions, pour les personnes “reconnues handicapées”, d’une obligation d’emploi par les entreprises privées et publiques. Il est favorisé par un certain nombre d’aides humaines et de techniques attribuées notamment par le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), mais aussi financières (notamment “les aides à l’emploi liées à la lourdeur du handicap”).

De même, depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les entreprises adaptées (ex-ateliers protégés) n’appartiennent plus au secteur du travail protégé, mais font partie de l’emploi ordinaire.

Les “emplois subventionnés” selon le vocable européen(2) regroupent à la fois les emplois bénéficiant des “aides à la lourdeur du handicap” et les emplois créés par les entreprises adaptées ; on retrouve cette configuration dans plusieurs pays européens comparables.

Quant au terme “emploi accompagné” (ou support-employment)(3), il renvoie à l’exercice d’un emploi normal par des travailleurs handicapés bénéficiant d’une préparation et d’un accompagnement de plus ou moins longue durée. Cette mission est assurée, en France, par les Cap emploi ou par des services d’intégration professionnelle gérés, la plupart du temps, par des associations, et reliés ou non à des établissements de formation ou des établissements et services d’aide par le travail (ESAT). Il est donc totalement inexact d’affirmer, à l’instar du rapport “Le Houérou”(4), que la France diffère de ses voisins en la matière. Les logiques respectives des emplois accompagnés et des emplois subventionnés peuvent se cumuler, ce qui élève alors considérablement les chances de succès de l’intégration professionnelle. Pourtant, qu’il s’agisse de la France, ou d’autres pays européens, le niveau d’emploi reste faible (niveau de formation, crise économique, chômage, difficultés fortes pour les handicapés mentaux et psychiques, représentations collectives…).

2. L’emploi protégé

Il est représenté exclusivement par les ESAT, qui s’intègrent, dans leur grande majorité, dans les bassins d’emploi ; ces ESAT ont créé des coopérations fortes avec leur environnement social et économique et instauré beaucoup de fluidité entre le secteur ordinaire et le secteur protégé.

On parle aujourd’hui, comme s’il s’agissait d’entités inédites, d’ESAT “hors-murs”, une terminologie pourtant apparue en France il y a plus de trente ans, dans le rapport sur le travail protégé remis à Pierre Bérégovoy, alors ministre des Affaires sociales et de l’Emploi(5) ; le décret du 14 mars 1986 a officialisé cette proposition, confirmée ensuite par la réglementation issue de la loi du 11 février 2005. Il ne s’agissait pas de créer une nouvelle catégorie d’établissements mais de préconiser le désenclavement des institutions traditionnelles d’alors (fermées sur elles-mêmes, sans partenariats ni coopérations) et une ouverture sur leur environnement pour proposer à leurs usagers une pluralité des modes d’exercice professionnel et stimuler l’apprentissage des habiletés sociales. Cette option s’inscrivait dans la logique de désinstitutionnalisation qui prévalait dans les réformes des réponses en santé mentale ou du secteur social et médico-social.

Actuellement, il existe des ESAT exclusivement “hors-murs” qui organisent l’exercice des emplois au sein du milieu de travail ordinaire ; ils sont souvent partenaires d’un dispositif plus large d’emplois protégés ou de formation. Mais la très grande majorité des ESAT (sans qu’ils mentionnent une activité “hors-murs”) ont progressivement mis en place un ensemble d’activités professionnelles très diversifiées : travail en ateliers, détachements individuels et collectifs dans le milieu ordinaire, ateliers en entreprises, ou au sein d’hôpitaux ou de communes, mises à disposition, équipes d’espaces verts et d’environnement, restaurants, hôtels… Il est donc absurde de scinder les ESAT en ESAT “hors-murs” et ESAT traditionnels.

Un autre type d’établissement est l’ESAT de transition, dont le projet est d’accueillir des travailleurs handicapés pour une durée limitée (deux ou trois ans) afin de les préparer à un emploi de droit commun. Ces ESAT, peu nombreux, ont le mérite de stimuler, en lien avec d’autres partenaires (y compris du travail protégé), l’intégration en milieu ordinaire. Il serait très certainement utile de prévoir la présence d’un ESAT de transition dans chaque département.

Pour finir, le dispositif d’emploi des travailleurs handicapés en France n’a rien, bien au contraire, à envier à celui d’autres pays européens (notamment l’Allemagne, l’Angleterre, les Pays-Bas ou la Suède) ; il est très diversifié et pourrait offrir un emploi à un plus grand nombre ; pour cela, il faut mieux armer les travailleurs handicapés sur le plan de la formation et au moyen d’une mise en situation professionnelle progressive ; l’attribution plus simple et plus facile, des aides à l’emploi liées à la lourdeur du handicap (ce qui n’est absolument pas le cas actuellement) favoriserait également très sensiblement l’intégration en milieu ordinaire, notamment celle de plusieurs milliers de travailleurs d’ESAT ; un accompagnement dans l’emploi de longue durée serait un atout supplémentaire incontestable (voir notre décryptage, ce numéro, page 24).

Enfin, à l’heure du bilan des dix années de la loi du 11 février 2005, ce n’est pas en décriant l’actuel secteur du travail protégé qui est l’un des plus remarquables d’Europe (en termes d’adaptation et de créativité) que l’on trouvera des solutions alternatives adéquates. Il nous faut plutôt optimiser le dispositif existant, favoriser les innovations (bridées par les appels à projets) et accroître la fluidité entre les différentes solutions, ce qui permettrait aux personnes handicapées de bénéficier davantage du droit légitime au travail. »

Notes

(1) Egalement directeur général de l’Association des familles et amis pour l’accueil, les soutiens, l’éducation et la recherche en faveur des personnes handicapées mentales (Afaser).

(2) Voir le rapport annuel de l’Organisation de coopération et de développement économiques – Disponible sur www.oecd.org/fr/apropos/2506809.pdf.

(3) Voir le dispositif coordonné par la Fegapei, ASH n° 2887 du 12-12-14, p. 32.

(4) Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 5.

(5) « Le travail protégé » – Zribi et Alba-Gatinet – Ministère des Affaires sociales, 1984.

Contact : afaser@afaser.org

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