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Mineurs isolés étrangers : le gouvernement donnera une base légale au dispositif issu de la circulaire « Taubira »

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Dans une décision du 30 janvier, le Conseil d’État a annulé plusieurs lignes de la circulaire « Taubira » du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers (1) . Trois courts alinéas divisibles du reste du texte, portant plus précisément sur la répartition entre les départements de la prise en charge des mineurs isolés étrangers. Et dont l’annulation ne porte pas un coup fatal au dispositif, le gouvernement ayant annoncé quelques jours plus tard son intention de lui donner une base législative.

La circulaire avait pour objectif, on s’en souvient, d’alléger la charge pesant sur les départements où se concentrent la plupart des cas, en répartissant le nombre de mineurs isolés étrangers entre les différents services d’aide sociale à l’enfance (ASE). Elle était contestée devant le Conseil d’État par une dizaine de départements(2) qui estimaient notamment ne pas avoir la capacité d’accueillir d’autres mineurs isolés étrangers (MIE) que ceux déjà pris en charge sur leur territoire.

Une simple circulaire ne pouvait pas fixer une clé de répartition

Pour bien comprendre la décision de la Haute Juridiction, il convient de rappeler la fin de la procédure mise en place par le texte, autrement dit la phase d’orientation du jeune une fois sa minorité et son isolement établis. La décision de son placement définitif – et par conséquent le choix du département – appartient alors au parquet ou au juge des enfants auquel le parquet a adressé des réquisitions proposant un département. Comment choisir ce département ? C’est sur ce point que la circulaire a été retoquée. Elle imposait en effet que ce choix soit guidé « par le principe d’une orientation nationale » s’effectuant d’après une « clé de répartition correspondant à la part de population de moins de 19 ans dans chaque département ». L’idée étant de déterminer le nombre de MIE que chaque conseil général est tenu de prendre en charge. Depuis juin 2013, une cellule nationale pilotée par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est du reste chargée de mettre « à tout moment » à leur disposition « des informations actualisées leur permettant de savoir dans quel département il sera opportun de placer le mineur, et qui sera en mesure de l’accueillir ». Sans se prononcer sur l’opportunité du critère choisi par la chancellerie (le pourcentage de la population de moins de 19 ans), le Conseil d’État a relevé qu’il n’était pas prévu par la loi. La garde des Sceaux ne pouvait par conséquent pas le prévoir par la voie d’une simple circulaire. Les sages ont donc annulé le texte sur ce point.

Les départements contestataires ont porté d’autres critiques à la circulaire, mais n’ont pas été suivis par la Haute Juridiction. Ils estimaient, par exemple, qu’elle avait pour effet de leur transférer sans compensation financière des compétences relevant de l’État et de porter atteinte à leur libre administration. Une critique écartée par les sages. En effet, en permettant aux parquets de confier un mineur isolé étranger à un département pouvant être distinct du département dans lequel ce mineur a été repéré, la circulaire s’est contentée de rappeler une possibilité prévue directement par la loi elle-même, indiquent-ils. En outre, elle n’a pas modifié la répartition des compétences entre l’État et les départements.

Entre autres critiques, les départements requérants soutenaient également que la circulaire portait atteinte à l’article 388-1 du code civil, qui prévoit que, dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Or, explique le Conseil d’État, aucune disposition du texte attaqué n’exclut la possibilité pour le mineur d’être entendu, « notamment pour exprimer son opinion sur le choix du département de placement définitif ».

Le gouvernement maintient le dispositif et va légiférer

Il reste que les quelques lignes annulées par la Haute Juridiction touchent au coeur du dispositif mis en place par la circulaire. Ou tout du moins à son dernier « étage », celui du placement définitif du mineur(3), de la répartition. La réaction du gouvernement était donc attendue. Elle est arrivée le 3 février, par le biais d’un communiqué de Matignon. Le Premier ministre se félicite que le Conseil d’État ait validé l’essentiel des dispositions de la circulaire attaquée, en soulignant – notamment – que le principe d’une bonne répartition des MIE entre les départements n’a pas été remis en cause en lui-même. « Le gouvernement, insiste-t-il, est attaché au maintien de ce dispositif, dont une majorité de départements reconnaît les effets positifs. ». A cet égard, « la cellule d’appui créée par le ministère de la Justice continuera à fonctionner », a-t-il assuré. « Elle apportera aux procureurs de la République et aux conseils généraux les informations et les conseils nécessaires à une bonne orientation des mineurs dans le cadre des dispositions légales existantes, qui permettent déjà un accueil en dehors du département dans lequel le mineur a été trouvé. » Le gouvernement maintiendra également le financement au profit des conseils généraux des évaluations réalisées pour la détermination de la minorité des jeunes concernés, ajoute le communiqué.

Pas de remise en cause du dispositif, donc. Toutefois, précise Matignon, le gouvernement prendra le soin de lui donner une base légale conforme à la décision du Conseil d’État, « afin de le sécuriser dans la durée ». « Il saisira rapidement le Parlement en ce sens, afin que les dispositions nécessaires puissent être adoptées. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2813 du 7-06-13, p. 42.

(2) Hauts-de-Seine, Alpes-Maritimes, Aveyron, Corse-du-Sud, Côte-d’Or, Eure-et-Loir, Indre, Loir-et-Cher, Loiret, Sarthe, Vendée et Var.

(3) Tout ce qui concerne la phase d’évaluation de la minorité et de l’isolement du jeune étranger mis à l’abri, prévue par la circulaire, n’est par exemple pas remise en cause.

[Conseil d’État, 30 janvier 2015, n° 371415, n° 371730 et n° 373356, disponible sur www.conseil-etat.fr]

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