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Handicap psychique : reconnu, mais toujours méconnu

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Pour la première fois, la maladie psychique – auparavant assimilée au handicap mental – est considérée par la loi comme un handicap à part entière. Ses spécificités ne sont toutefois pas encore bien identifiées.

« La loi de 2005 a permis de faire un grand pas en sortant les personnes malades psychiques du seul champ de la psychiatrie pour les faire entrer dans celui du handicap qui leur donne accès à des aides spécifiques, notamment à l’accompagnement social et médico-social, ce qui favorise une meilleure insertion sociale, voire professionnelle », se félicite Roselyne Touroude, vice-présidente de l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques). Un progrès de taille mais dont les effets restent limités. Premier point de blocage : l’évaluation du handicap par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). « Elle reste surtout centrée sur les handicaps physiques ou sensoriels, ce qui n’est pas adapté aux personnes avec handicap psychique, dont l’incapacité à effectuer certaines activités n’est pas liée à une incapacité physique ou sensorielle mais à un trouble de la motivation », explique Béatrice Borrel, également vice-présidente de l’Unafam.

UN HANDICAP MAL ÉVALUÉ

En outre, le dossier remis à la MDPH est souvent mal renseigné : « Le médecin se contente parfois d’indiquer une pathologie dans le certificat médical. Or, à pathologie identique – par exemple, la schizophrénie –, le degré de handicap et les besoins sont très différents d’une personne à l’autre, et évolutifs », relève Roselyne Touroude. Ces lacunes se traduisent par une sous-évaluation du taux d’incapacité des personnes handicapées psychiques et par des difficultés à prendre en compte leurs besoins réels de compensation : « Certaines sont déclarées aptes à travailler, alors qu’elles vivent recluses chez elles et/ou souffrent d’une instabilité telle qu’elles auraient besoin d’un accompagnement important. » Pour recueillir les informations pertinentes nécessaires à l’instruction du dossier, la MDPH des Yvelines a imaginé trois questionnaires destinés à la personne handicapée psychique, à son entourage et à l’équipe soignante. En 2012, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) les a validés et mis à disposition des autres maisons départementales des personnes handicapées sur son site extranet. Afin d’améliorer encore l’évaluation du handicap psychique, la CNSA projette d’élaborer une aide au remplissage de l’outil d’évaluation des besoins de compensation (le GEVA) adaptée à ce type de handicap. Il faudrait aller plus loin, observe néanmoins Roselyne Touroude, « en formant les équipes pluridisciplinaires des MDPH [certaines ont d’ailleurs mis en place des équipes spécialisées “handicap psychique”] ou en externalisant à des professionnels compétents ces évaluations particulières ».

Deuxième difficulté : l’éligibilité à la prestation de compensation du handicap. « Elle leur est très peu accordée, explique Béatrice Borrel, notamment parce que les MDPH ne reconnaissent pas que ces personnes ont besoin d’une aide humaine qui les stimule et les guide, comme une auxiliaire de vie, pour la réalisation de certaines activités de la vie quotidienne [faire les courses, préparer les repas…]. »

Troisième obstacle : l’emploi. « Il n’existe aucune statistique officielle sur l’emploi des personnes handicapées psychiques, regrette Béatrice Borrel. Il est vrai que les chiffres sont difficiles à agréger : en milieu protégé, ces personnes ne sont pas forcément reconnues sous cette étiquette, et en milieu ordinaire, elles ne se font pas toujours connaître en tant que telles par leur employeur. » L’Unafam estime toutefois à moins de 20 % le nombre de personnes handicapées psychiques qui travaillent. Concernant le secteur protégé, « comme il existe très peu d’ESAT dédiés au handicap psychique, celles-ci se retrouvent en général avec des personnes déficientes intellectuelles, précise Béatrice Borrel. Si cela peut se concevoir, encore faudrait-il que les professionnels soient formés aux spécificités du handicap psychique, qui se caractérise par une forte variabilité dans le temps et par des réticences aux changements. Les personnes ont, en outre, un niveau de formation plus élevé en moyenne que celui des autres adultes handicapés ; leur handicap est souvent apparu tardivement, ce qui leur a laissé le temps de faire des études, parfois supérieures. » Aussi les tâches répétitives, qui peuvent convenir à des personnes handicapées mentales, ne répondent-elles pas forcément à leurs besoins.

MANQUE DE REPRÉSENTATIVITÉ

Autre point noir : les personnes handicapées psychiques ne sont toujours pas représentées au conseil d’administration de l’Agefiph, déplore Béatrice Borrel. De surcroît, rares sont les commissions communales d’accessibilité dans lesquelles le handicap psychique est pris en compte.

Si la reconnaissance des spécificités de ce handicap singulier n’en est qu’à ses balbutiements, les lignes commencent à bouger : le handicap psychique a fait l’objet d’une attention particulière dans le rapport « Le Houérou » sur l’insertion professionnelle des personnes handicapées(1). Par ailleurs, François Hollande a, lors de la conférence nationale du handicap du 11 décembre dernier, évoqué le handicap psychique – « alors que, jusqu’à présent, on ne le citait jamais », relève Béatrice Borrel.

Notes

(1) Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 5.

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