Au cours de l’année 2014, 13 483 Roms ont été évacués de force de leur camp par les autorités. Ces expulsions ont concerné 138 lieux de vie en France, précise le recensement annuel « Evacuations de Roms en France » réalisé par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et l’European Roma Rights Centre (ERRC) à partir d’informations fournies par des médias et des associations. « Même si ce chiffre est inférieur à celui de l’an dernier – 21 537 Roms expulsés[1] –, cela reste extrêmement élevé puisque cela représente 80 % de la population totale vivant dans les bidonvilles », martèle Philippe Goossens, référent sur les discriminations faites aux Roms à la LDH, qui juge la situation « toujours intolérable, insupportable ». Il précise, en outre, que les chiffres sont constants tout au long de l’année – « environ 260 personnes sont évacuées chaque semaine, ce qui signifie qu’il n’y a pas de trêve hivernale ». Le recensement pointe, par ailleurs, une répartition inégale des expulsions à travers le pays : en Ile-de-France, chaque Rom vivant en bidonville a été évacué au moins une fois dans l’année (9 061 expulsions pour 7 486 Roms), en Rhône-Alpes, chaque personne a été expulsée deux fois, alors que dans les Pays de la Loire, où les efforts d’intégration semblent porter leurs fruits, les évacuations sont rares. Un constat qui « démontre un harcèlement particulier contre ces populations dans certaines régions, résume Philippe Goossens. Harcèlement inefficace qui plus est, puisqu’on se contente finalement de les bouger d’un lieu à un autre. » La LDH souligne en effet que les Roms déplacés reconstruisent souvent un ou plusieurs bidonvilles à côté du lieu dont ils ont été expulsés.
Les deux organisations rappellent que la politique d’expulsion du gouvernement français a été pointée du doigt par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, le défenseur des droits ou encore le commissaire aux droits de l’Homme au Conseil de l’Europe. Au mois de septembre 2014, ce dernier demandait que soient arrêtées « les évacuations forcées de bidonvilles non accompagnées de solutions durables d’hébergement, car ces évacuations ne font que déplacer et amplifier le problème ». Il est, en outre, « impératif de donner la priorité à l’accès de tous les enfants à l’école », soulignait-il.
Manon Fillonneau, chargée de mission des droits de l’Homme au ERRC, précise que si la France compte moins de Roms en bidonvilles que l’Espagne, la Serbie ou la Grèce, elle est bel et bien « championne d’Europe en matière d’expulsion et de destruction de camps ». Si la LDH et ERRC reconnaissent que, à court terme, il n’est pas envisageable de reloger l’ensemble de la population concernée, ils demandent, en urgence, la sécurisation de leurs lieux de vie. « En effet, ces familles vivent dans des endroits insalubres. Leur donner l’accès aux fluides et faire intervenir le ramassage des ordures sur le camp permettra d’améliorer leurs conditions de vie et de créer un “sas” avant le relogement, assure Philippe Goossens. Ce n’est que dans un second temps qu’une politique de résorption pourra être mise en place pour ces personnes stabilisées. » Il insiste, enfin, sur un point : « Il est important que ce travail se fasse sur tout le territoire en même temps pour ne pas créer d’appels d’air. »