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Les emplois d’avenir, un dispositif plébiscité mais perfectible

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Dans une étude qualitative, l’institut Bertrand-Schwartz montre comment le dispositif est perçu par les acteurs concernés, au premier rang desquels les missions locales et les jeunes. Il formule des propositions d’amélioration.

Alors que le bilan statistique des emplois d’avenir est globalement positif – 150 000 jeunes sont concernés, conformément aux objectifs du gouvernement(1) –, l’institut Bertrand-Schwartz rend publique une étude qualitative qui analyse le fonctionnement du dispositif tel qu’il est vu par ses acteurs – jeunes, employeurs, missions locales, services de l’Etat(2). Réalisé à partir d’une enquête de terrain menée dans six territoires aux caractéristiques hétérogènes(3) et de débats qui ont eu lieu autour de la restitution des résultats, le rapport examine la façon dont ont été mis en œuvre ces contrats, en particulier par les missions locales auxquelles a été confiée, pour la première fois, la gestion d’un contrat d’insertion (du repérage des publics et des employeurs potentiels jusqu’au montage des dossiers administratifs et à la coconstruction des plans de formation des jeunes).

La grande majorité des personnes interrogées juge le dispositif « globalement pertinent », en particulier la durée relativement longue (un à trois ans) du contrat. La logique de coconstruction des parcours de formation avec la mission locale, l’employeur et le jeune, est plébiscitée. Par ailleurs, « les emplois d’avenir ont permis de développer de nouvelles collaborations et des interconnaissances entre les missions locales et les services de l’Etat, ainsi que le rapprochement avec les organismes paritaires collecteurs agréés [OPCA] », indiquent les auteurs, qui voient dans les bons chiffres des emplois d’avenir la reconnaissance du travail des missions locales.

Les professionnels de leur réseau regrettent néanmoins que le dispositif ait été lancé « dans la précipitation » et sans préparation. Résultat, le déploiement a été inégal sur les territoires et souvent plus tardif dans les grosses agglomérations. Dans les territoires ruraux, la mobilisation des employeurs, associations et collectivités locales a pu se faire plus rapidement grâce aux liens entre les acteurs locaux. Dans l’ensemble, les missions locales « ont su s’adapter », pointent les auteurs, en mettant en place des équipes spécifiques chargées d’accompagner les jeunes vers l’emploi et de fournir un appui aux employeurs. Dans les structures les plus importantes, l’organisation n’a pas été simple mais a probablement favorisé les interactions entre les différentes catégories de professionnels des missions locales. Il apparaît aussi que le travail développé ces dernières années par les missions locales en matière de rapprochement avec les entreprises a été un atout dans le cadre de la mise en œuvre de ces contrats.

Parmi les critiques émises par les professionnels des missions locales, les critères d’éligibilité – qui limitent ce dispositif aux jeunes sans diplôme ou peu diplômés et ne permet des dérogations que pour les bacheliers résidant en zones de revitalisation rurale (ZRR) ou zones urbaines sensibles (ZUS) – sont « parfois difficiles à gérer ». Ce, alors que le nombre de jeunes diplômés au chômage qui viennent s’inscrire dans les missions locales augmente. Autre point noir, les objectifs fixés dans les ZUS se sont révélés « inatteignables » en raison notamment de la rareté des offres d’emploi d’avenir, du manque de mobilité des jeunes ou encore de la discrimination dont ils font l’objet. Parmi les autres freins figurent la fréquence des « offres fermées » – quand les employeurs ont déjà sélectionné leurs candidats avant que ceux-ci se rapprochent de la mission locale pour la contractualisation – ou encore la difficulté à faire valider les dossiers de dérogations par les unités territoriales Direccte (UT), certaines demandant par exemple une lettre argumentée des employeurs. Plus globalement, les professionnels déplorent l’insuffisance des moyens alloués aux missions locales pour gérer ce dispositif.

Peu de recrutements « opportunistes »

Les motivations des employeurs pour embaucher des jeunes en emplois d’avenir sont diverses : certains y voient l’opportunité d’anticiper les futurs départs à la retraite, d’autres y ont recours pour créer de nouveaux emplois parfois expérimentaux pour des associations ou des petites communes rurales qui construisent des postes mutualisés ou polyvalents. Les recrutements « opportunistes » restent « relativement minoritaires », relèvent aussi les auteurs, et sont plutôt le fait du secteur marchand (vente, restauration), autorisé dans certains cas à recruter des emplois d’avenir. En outre, les recrutements dans les entreprises « Grands comptes » (SNCF par exemple) sont moins nombreux que prévu. Dans les six territoires, les acteurs ont estimé que les emplois d’avenir n’entraient pas en concurrence avec les contrats d’apprentissage.

Par ailleurs, l’enquête met en lumière une « variété des pratiques en matière de tutorat » qui s’explique par l’absence de référentiel commun de la fonction de tuteur – qui doit être un salarié de l’employeur du jeune –, mais aussi par le type et la taille des structures accueillantes. Si la plupart des jeunes en emploi d’avenir sont inscrits dans un parcours de formation, de nombreux freins persistent : la réticence des employeurs – en particulier les plus petits – à laisser partir les jeunes en formation, l’offre de formation limitée dans certains territoires, les difficultés de financement des formations qualifiantes, la baisse des financements des OPCA. Les échanges ont notamment révélé que « les missions locales ne pouvaient assumer seules la fonction d’interface et de coordination entre tous les acteurs de la formation ». Parmi les pistes à explorer, l’institut relève que certaines missions locales ont mutualisé leurs actions. Ainsi, en PACA, la mission locale du pays de Martigues Côte Bleue a initié une formation spécifique dans le domaine de l’animation sportive, avec deux autres missions locales proches.

Parmi les autres pistes d’amélioration, les auteurs appellent à l’adaptation du dispositif à la spécificité des territoires. De nombreux acteurs estiment que le programme a été construit de façon descendante, sans concertation préalable avec le terrain. Les missions locales proposent que davantage de marges de manœuvre et de souplesse leur soient laissées dans la mise en œuvre, d’autres considèrent que le pilotage du dispositif aurait dû être confié aux conseils d’administration des missions locales qui réunissent tous les partenaires (y compris l’Etat). Sur les critères d’éligibilité notamment, certains acteurs suggèrent d’ouvrir les emplois d’avenir aux jeunes titulaires du bac ou du BTS, avec une prise en charge moindre pour les employeurs.

Par ailleurs, les professionnels jugent nécessaire de « développer les échanges de pratiques et favoriser une dynamique de réseau ». Les professionnels des missions locales ont ainsi exprimé le besoin de se retrouver pour échanger sur leurs difficultés, sur leurs pratiques et sur les éventuelles mutualisations possibles en matière de formation, mais aussi de recueil d’offres ou de regroupements de tuteurs. Alors que certains d’entre eux ont également fait part de leur isolement, le conseil général et le centre de ressources politique de la ville en Essonne ont pris l’initiative de constituer un réseau de tuteurs des emplois d’avenir.

Notes

(1)Le contrat d’avenir est un contrat d’aide à l’insertion destiné aux jeunes particulièrement éloignés de l’emploi. Il comporte des engagements réciproques entre le jeune, l’employeur et les pouvoirs publics. La DARES a publié récemment un bilan : Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 12. Une enquête de l’Association nationale des directeurs de mission locale (ANDML) a montré comment les emplois d’avenir ont modifié les pratiques des missions locales – Voir ASH n° 2853 du 28-03-14, p. 14.

(2)L’institut est à la fois un observatoire, un centre de ressources et un laboratoire de recherche sur l’accompagnement et sur l’insertion des jeunes. Il est présidé par Jean-Patrick Gilles, également président de l’Union nationale des missions locales (UNML) – Résultats de l’étude « Regards croisés sur les emplois d’avenir dans six territoires » disponibles sur www.institutbertrandschwartz.org.

(3) Missions locales du Pays salonais (Provence), du nord de l’Essonne, de l’agglomération de Montpellier, de l’arrondissement d’Aurillac, du Poitou et des Hautes-Pyrénées.

LE POINT DE VUE DES JEUNES SUR LES EMPLOIS D’AVENIR

Pour les jeunes, le bilan est largement positif. « Les entretiens ont montré combien ces emplois de longue durée et à temps plein étaient importants pour leur permettre de se stabiliser économiquement et socialement », indique l’étude. Pour certains, l’emploi d’avenir a été l’opportunité d’accéder à un emploi stable ; pour d’autres, il constitue l’occasion de se stabiliser dans le secteur d’activité choisi ou encore d’opérer une reconversion professionnelle.

Par ailleurs, l’institut Bertrand-Schwartz a mené, dans un deuxième volet de ses travaux, une enquête nationale auprès de près de 1 200 jeunes quasiment tous éligibles au dispositif des emplois d’avenir. Parmi eux, 750 jeunes (62 %) ont signé un contrat de travail en emploi d’avenir, pour la moitié des cas pour trois ans. Plus de 80 % ont signé leur contrat – qui constitue le plus souvent le premier emploi stable – moins de un mois après avoir été retenus pour le dispositif. Dans 74 % des cas, c’est la mission locale qui a proposé aux répondants de postuler sur le dispositif. 67 % des jeunes indiquent qu’avoir décroché un emploi d’avenir leur a donné confiance en eux, et dans l’ensemble ils se sentent « plutôt reconnus et considérés comme les autres salariés ». Pour la majorité, l’emploi d’avenir leur permet d’« être indépendant et de faire des projets ».

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