La mise en œuvre d’« I-MILO », nouveau traitement informatisé de données relatives à l’accompagnement des jeunes par les missions locales, soulève des débats symptomatiques des interrogations liées à l’utilisation des fichiers informatisés dans le travail social. Autorisé par un décret paru le 26 janvier (voir ce numéro, page 41), il est destiné à remplacer l’outil précédent, afin d’aider les missions locales et les permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO) à mener « leurs actions d’insertion, de concertation et d’évaluation » et de favoriser le développement d’une « politique locale d’insertion coordonnée ». Déjà expérimenté dans cinq missions locales, le logiciel doit être généralisé à partir de cet été.
Dans un courrier adressé le 13 janvier au ministre du Travail, aux présidents du Conseil national des missions locales (CNML), de l’Union nationale des missions locales (UNML) et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), la CGT Fédération des organismes sociaux dénonce « une atteinte aux libertés individuelles ». Parmi les objets de sa contestation : la saisie du numéro de pièce d’identité des jeunes, qui contrevient à ses yeux au principe suivant lequel leur inscription « s’effectue sur le déclaratif ». Arguant que les conseillers ne sont pas habilités à contrôler l’identité d’une personne, elle exige la suppression de la donnée « identité vérifiée » dans l’outil. Une requête partagée par le Synami (Syndicat national des métiers de l’insertion) – CFDT qui, au-delà, pointe que si des professionnels ont été associés au projet piloté par le CNML et la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, « les organisations syndicales n’ont pas été consultées ».
Selon le décret autorisant le logiciel, les données à caractère personnel « ne peuvent être enregistrées dans le traitement que dans la stricte mesure où leur exploitation est nécessaire pour la mise en place des mesures relevant des attributions des missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes et des permanences d’accueil, d’information et d’orientation ». Outre les professionnels des missions locales, sont destinataires des données à caractère personnel « strictement nécessaires à l’exercice de leurs missions » les personnels des administrations et organismes intervenant dans l’accueil, l’information, l’orientation et l’accompagnement des jeunes, désignés et habilités par l’autorité responsable de ces institutions.
Selon Serge Kroichvili, délégué général de l’UNML, présente dans les instances de pilotage du projet, les garanties sont réunies en matière de droits et de libertés du jeune accompagné. Il précise que « la carte d’identité n’est pas demandée lors de l’accueil du jeune, cette pièce étant nécessaire seulement quand il rentre dans un dispositif public ». Par ailleurs, « la terminologie “identifiée vérifiée” devrait être revue ». Quant à la donnée sensible qu’est le « NIR » – le numéro de sécurité sociale –, « elle n’est enregistrée que pour mobiliser un contrat aidé », ajoute Serge Kroichvili, selon qui « une charte de saisie » est en cours d’élaboration.
Pour autant, la CGT réfute ces arguments. Dans le cadre d’un contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) par exemple, « une photocopie des papiers d’identité est faite mais le numéro n’est jamais saisi, rétorque Jean-Philippe Revel, responsable CGT pour les missions locales et PAIO.On nous dit qu’il est nécessaire pour le projet personnalisé d’accès à l’emploi, mais Pôle emploi n’est pas autorisé à l’enregistrer ! En outre, la CNIL relève que les missions locales indiquent déjà le “NIR” dans les formulaires relatifs aux contrats aidés alors qu’elles n’avaient jamais été autorisées à le traiter… » Dans un avis préalablement rendu sur le projet de décret, la CNIL émet sur ce sujet des réserves de portée générale à l’intention du gouvernement, soulignant qu’elle demeure « particulièrement attentive aux risques qu’induit pour les libertés l’utilisation extensive d’un identifiant national particulièrement signifiant tel que le “NIR” ». Selon Jean-Philippe Revel, le texte qui autorisait l’utilisation du logiciel précédent limitait explicitement les données accessibles par les organismes partenaires. « Sans compter qu’“I-MILO” comporte des rubriques sur la date de péremption du titre de séjour et l’indication d’un parent né à l’étranger, inutiles et pouvant entraîner des dérives »…