« Deux enjeux de la réforme des formations en travail social mobilisent les établissements de formation, les directeurs d’établissements sociaux et médico-sociaux et les dirigeants associatifs : la gratification des stages et la place de l’expérience dans le processus de formation.
1 – L’alternance constitue un aspect structurel et incontournable de la formation. La confrontation à une réalité de terrain par des stages permet l’expérimentation du positionnement socio-éducatif dans toutes ses dimensions sociales et psychiques. C’est pourquoi les stages constituent une pratique impliquée nécessaire au questionnement et au développement du sens critique dans les espaces de formations théoriques.
Les professions de l’accompagnement s’ancrent dans la relation à l’autre, un savoir-être et un savoir-faire nourris par la réflexion et qui prennent appui sur la pratique. Une inversion de logique, où la théorie serait déconnectée de la pratique effective, risque fort de former des intervenants sociaux qui ne sauraient plus se confronter à la relation !
Les stages permettent aussi de développer les compétences à travailler en réseau “sur le tas” avec les acteurs de la santé, de l’éducation, de la justice et avec la personne concernée. Des chercheurs en clinique de l’activité(2) ont montré l’importance de l’expérience subjective du travail, facteur d’humanisation, combien indispensable, aux métiers du social dans une société qui s’individualise.
Par ailleurs, les sites qualifiants desquels nous attendions une réelle participation à la formation ne produisent pas tous les effets escomptés. Dans cette période de contrainte budgétaire, les établissements orientent leurs ressources vers leurs missions premières, l’accompagnement et le soin des personnes. Cela nécessite de retravailler la notion de “site qualifiant”, les moyens attribués à cette mission dans un partenariat resserré avec les centres de formation sur une base régionale.
2 – La loi du 10 juillet 2014 préconise la gratification des stagiaires, afin de les protéger d’une éventuelle utilisation comme main-d’œuvre déguisée. La gratification est une manière de reconnaître leur contribution à la dynamique institutionnelle. Mais nous regrettons que la majorité des établissements et des services ne disposent pas des financements nécessaires pour les gratifier.
Pourtant plusieurs solutions sont envisageables : première option, la création d’une ligne budgétaire obligatoire, conséquente et pérenne, dans les budgets des établissements affectée à la gratification, sur la base d’un quota défini au regard du projet d’établissement ; seconde option, la mise en place d’un fonds dédié géré par un organisme externe et alimenté par la finance publique, comme pour les contrats aidés, auxquels les établissements feraient appel pour gratifier.
Les enjeux de la formation traduisent une vision, une conception politique de la solidarité à l’égard des personnes que nous accompagnons. Soit nous considérons que les maux sociaux relèvent de la seule responsabilité de la personne à se mobiliser… Soit nous sommes engagés ensemble dans un mouvement qui permet aux personnes en situation de vulnérabilité de trouver leur place dans le corps social. Il appartient aux représentants des associations, des établissements de formation, des collectifs de professionnels et d’étudiants de promouvoir des formations d’intervenants sociaux qui les préparent au mieux à l’accompagnement de proximité des personnes qui en ont le plus besoin dans notre société, dans la droite ligne des travaux du Congrès mondial du travail social de Melbourne(3). »
(1) Alain Minet, délégué Ile-de-France de l’ADC (Association de directeurs, cadres de direction et certifiés de l’EHESP), Michel Hochart et Hugues Dublineau, délégués territoriaux de l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale) Ile-de-France, Maryse Lépée, présidente de l’Uriopss Ile-de-France – Contact :
(2) Yves Clot et Dominique Lhuillier, professeurs du CNAM.
(3) En juillet 2014.