Le Conseil constitutionnel a validé, le 23 janvier, la déchéance de la nationalité française d’un Franco-marocain condamné pour terrorisme, jugeant ainsi conformes à la Constitution les articles 25 et 25-1 du code civil ayant fondé cette décision.
Le premier permet de déchoir de la nationalité française l’individu qui a acquis la qualité de Français sauf si cette déchéance a pour résultat de le rendre apatride. Au nombre des cas de déchéance, il prévoit notamment celle de l’individu condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.
L’article 25-1 du code civil dispose, quant à lui, que la déchéance n’est encourue que si les faits reprochés à l’intéressé se sont produits antérieurement à l’acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition. Et qu’elle ne peut alors être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration desdits faits. Des délais portés à 15 ans si les faits reprochés à l’intéressé sont qualifiés de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou de crime ou de délit constituant un acte de terrorisme.
Dans cette affaire, le requérant – né à Casablanca en 1970 et naturalisé français en février 2003 – s’était vu retirer la nationalité française par un décret, le 28 mai 2014, au motif qu’il avait été condamné par un jugement devenu définitif du tribunal de grande instance de Paris pour avoir participé à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme. A l’appui du recours pour excès de pouvoir qu’il avait formé contre ce décret, il avait demandé au Conseil d’Etat que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 25 et 25-1 du code civil. Ce qui a été fait. Et, au final, dans un climat n’incitant pas vraiment à renforcer les droits de la défense pour les personnes condamnées pour terrorisme, les sages ont validé les dispositions contestées.
Dans leur décision, qui était très attendue, ils ont notamment souligné que, si les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation, pour autant, la différence de traitement instituée dans le but de lutter contre le terrorisme ne viole pas le principe d’égalité. Le Conseil constitutionnel a également jugé conforme à la Constitution la prise en compte des actes commis antérieurement à l’acquisition de la nationalité française et l’existence de délais plus longs en cas de condamnation pour des faits de terrorisme. Il a notamment relevé que le délai de 15 ans entre l’acquisition de la nationalité française et les faits reprochés ne concerne que des faits d’une gravité toute particulière.
Par ailleurs, estime encore la Haute Juridiction, eu égard à la gravité toute particulière que revêtent par nature les actes de terrorisme, les dispositions contestées instituent une sanction ayant le caractère d’une punition qui n’est pas manifestement hors de proportion avec la gravité de ces actes et qui ne méconnaît pas les exigences de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (lequel impose au législateur de n’établir que des peines « strictement et évidemment nécessaires »).
Le ministre de l’Intérieur s’est immédiatement félicité de la décision du Conseil constitutionnel qui, à ses yeux, « stabilise et sécurise le régime de la déchéance de la nationalité ». Il a d’ailleurs ajouté que, sous réserve que les conditions légales soient réunies, le gouvernement continuerait à prendre cette décision de déchéance à l’encontre des binationaux condamnés pour faits de terrorisme. S’agissant des terroristes français de naissance, le Premier ministre a indiqué le 21 janvier, lors de la présentation du plan gouvernemental de lutte contre le terrorisme (voir ce numéro, page 11), qu’il proposera aux présidents des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale de réfléchir à la réactivation d’une forme de « peine d’indignité nationale »(1).
(1) Cette peine, qui a existé en France entre 1944 et 1951, pouvait entraîner la perte de certains droits civiques (retrait du droit de vote, inéligibilité…).