Au lendemain de son passage à la télévision, Isabelle Maurer a déambulé dans Paris, déboussolée. Dévisagée par les passants, arrêtée par un homme dans un square : « On vous a vue, hier soir, c’était magnifique ! Ma femme, au chômage, en a pleuré toute la nuit. » C’était en octobre 2013. Militante au Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), la Mulhousienne avait été choisie pour affronter Jean-François Copé dans l’émission de France Télévisions Des paroles et des actes. Elle y avait exprimé, avec un « débit de mitraillette », la colère et la frustration des allocataires de minima sociaux. Un an après cette expérience singulière, Isabelle Maurer raconte son parcours dans une autobiographie en forme de manifeste, Je ne baisserai plus les yeux. Elle y retrace une enfance alsacienne dans un milieu ouvrier pauvre mais fier, marqué par la guerre et expert dans « l’art de la débrouille », une adolescence en foyer à la suite du divorce de ses parents, et une vie de petits boulots sur fond de désindustrialisation. Mère de famille séparée de son compagnon, elle constate vite que, « payée au SMIC, une femme seule avec trois enfants ne peut pas s’en sortir ». Sa hantise ? « Etre inactive et entièrement dépendante des aides de l’Etat. » Obligée d’abandonner son activité professionnelle, elle s’investit alors avec passion dans l’engagement associatif (MNCP, Droit au logement, Bouchons d’amour). « Après vingt-cinq ans de bénévolat local, je suis devenue une sorte de travailleur social, estime-t-elle, mais plus efficace, parfois. J’ai l’expérience de la pauvreté. » En mai dernier, Isabelle Maurer représentait le parti Nouvelle Donne aux élections européennes pour le Grand Est. Bien décidée à ne pas se conformer au conseil donné jadis par sa mère : « Estime-toi heureuse de percevoir des aides, remercie et baisse les yeux. »
Je ne baisserai plus les yeux
Isabelle Maurer, avec Julia Pavlowitch-Beck – Ed. Les Arènes – 17 €