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François Chérèque appelle le gouvernement à se mobiliser pour réduire la pauvreté des enfants

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Plan d’aide pour les familles pauvres (accès aux crèches, accompagnement des parents vers l’emploi…), réforme de l’hébergement d’urgence, définition d’un calendrier et du périmètre des « états généraux du travail social »… Voici quelques-unes des suggestions du second rapport d’évaluation du plan « pauvreté ».

Si le taux de pauvreté a stagné en 2012 (13,9 %, contre 14,3 % un an avant), l’intensité de la pauvreté a, elle, augmenté : « le niveau de vie médian des personnes les plus pauvres était de 672 € et s’éloignait du seuil de pauvreté [évalué à 987 € mensuels] ». Tel est le constat des inspecteurs généraux des affaires sociales (IGAS) François Chérèque, Christine Abrossimov et Mustapha Khennouf, qui, le 26 janvier, ont remis à Manuel Valls ainsi qu’à Marisol Touraine et à Ségolène Neuville, respectivement ministre des Affaires sociales et secrétaire d’Etat chargée de la lutte contre l’exclusion, leur rapport d’évaluation de la deuxième année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale(1), adopté en janvier 2013(2). Globalement, ont souligné les inspecteurs, la feuille de route gouvernementale a été « plutôt bien suivie » et les principales mesures du plan, comme la garantie jeunes et les « rendez-vous des droits », ont été mises en œuvre. Toutefois, ils déplorent le retard pris, par exemple, pour la construction des logements sociaux et très sociaux et l’abandon du dossier de demande unique de prestations.

Sur la base de ce rapport et des échanges à venir avec les associations du secteur, le Premier ministre présentera une feuille de route actualisée de mise en œuvre du plan début mars, à l’occasion d’un comité interministériel de lutte contre l’exclusion. Dans tous les cas, estime François Chérèque, celle-ci devra « se mettre en place dans un cadre rénové et simplifié de la gouvernance des politiques sociales tant au niveau de l’Etat, par une amélioration à poursuivre de l’interministérialité, qu’au niveau territorial dans la coordination entre les différents acteurs, Etat, collectivités et, en premier lieu, les départements et les associations ».

Lutter contre la pauvreté des enfants

Mais surtout, l’ancien secrétaire général de la CFDT sonne l’alarme à propos de l’augmentation constante des taux de pauvreté des enfants et des familles monoparentales, qui, en 2012, s’élevaient respectivement à 19,6 % (+ 0,1 point en un an) et à 36 % (+ 1,4 point). Les enfants et les familles monoparentales demeurent ainsi « les premières victimes de la crise ». Si des mesures ont été prises en leur faveur (majoration de 50 % du complément familial pour les ménages modestes et de 25 % du montant de l’allocation de soutien familial…), il faut aller plus loin, selon François Chérèque. Il préconise donc de « mettre en place un plan d’aide pour les familles pauvres, en particulier les familles monoparentales […] par une accélération de l’accès aux structures d’accueil collectif et des accompagnements renforcés vers l’emploi pour leurs parents ». D’autant plus que l’objectif d’accueil de 10 % d’enfants de familles pauvres en crèche prévu dans le plan « pauvreté » « n’est pas atteint ».

Plus globalement, les auteurs du rapport recommandent de « poursuivre le développement des différents modes de garde, avec une attention particulière pour les enfants en situation de pauvreté ». Le nombre de créations de places en établissement d’accueil de jeunes enfants a en effet été inférieur à l’objectif en 2013 pour les dispositifs financés par la branche famille (54 % de l’objectif). Le gouvernement a d’ailleurs d’ores et déjà pris des mesures pour accélérer la mise en œuvre du plan « crèches »(3). Pour pallier les inégalités territoriales, François Chérèque suggère également de « fixer les zones prioritaires pour le développement des places d’accueil de la petite enfance et [de] les accompagner dans le cadre d’un plan rigoureux de rattrapage ».

Il convient aussi, selon lui, de diversifier les modes de garde pour les familles modestes. Dans ce cadre, la loi du 4 août 2014 relative à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes prévoit l’expérimentation, pendant 18 mois, du versement en tiers payant, directement à l’assistante maternelle agréée, du complément de libre choix du mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant(4). Si cette expérimentation s’inscrit dans le cadre du plan « pauvreté », « il n’en reste pas moins que [sa] durée est anormalement longue, estiment les inspecteurs. Un bilan accéléré de l’expérimentation avec une généralisation du dispositif, corrigé le cas échéant, se justifie pleinement. »

Accélérer la réforme de l’hébergement d’urgence

Pour François Chérèque, il faut aussi « en finir avec les mises à l’abri, les nuitées d’hôtel et la problématique des déboutés du droit d’asile [non expulsables] »(5). Cette dernière, en particulier « empêche toute avancée significative sur l’hébergement ». Si les efforts du gouvernement convergent vers la fin de la « gestion au thermomètre » de l’hébergement d’urgence, « la réalité conjoncturelle [les] contredit », estime l’IGAS. Celle-ci a en effet relevé que le budget de l’hébergement d’urgence continuait de croître alors que la part des places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale était en légère diminution (39 100 places en 2013, contre 39 500 en 2010). Parallèlement, les places en centre d’hébergement d’urgence et les nuitées d’hôtel sont « en croissance constante (25 500 nuitées d’hôtel en 2013, contre 20 700 en 2012 et 14 000 en 2010) ». Les inspecteurs préconisent donc « d’établir un plan massif d’accès à l’hébergement et au logement afin de résorber l’utilisation excessive des nuitées hôtelières [qui doivent devenir l’exception], en particulier par l’intermédiation locative et en prenant en compte la situation des familles déboutées du droit d’asile ». Une préconisation que la ministre du Logement, Sylvia Pinel, a anticipée en annonçant, lors des « assises nationales de l’urgence sociale » du 15 janvier dernier, qu’un plan de réduction des nuitées d’hôtel serait présenté dans les prochaines semaines(6).

Avancer sur les « états généraux du travail social »

Plusieurs fois reportés, les « états généraux du travail social » devraient, sous toute réserve, se tenir à la fin du premier semestre 2015(7). C’est pourquoi François Chérèque insiste auprès du gouvernement pour qu’il définisse un « calendrier définitif » et précise les contours des sujets qui y seront traités. Il lui demande également de tenir un « discours fort pour les travailleurs sociaux » à l’instar de ce qui a été fait pour les personnels de l’Education nationale. Ce, d’autant que leur rôle de prévention est mis en avant depuis les récentes attaques terroristes.

Aller plus loin dans l’accès aux droits

Beaucoup a été fait en matière d’accès aux droits, reconnaissent les inspecteurs : revalorisation des minima sociaux, relèvement du plafond de ressources à pas dépasser pour l’octroi de l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé (ACS), mise en œuvre de la garantie jeunes et des « rendez-vous des droits »… Toutefois, ceux-ci notent un certain retard dans la mise en place des points conseils budget ou encore dans la simplification de la demande des prestations sociales. Sur ce dernier point, le gouvernement avait envisagé de créer un dossier de demande unique de prestations. Mais, en raison de difficultés juridiques, le projet a été abandonné pour laisser place à un coffre-fort numérique et à un simulateur des droits, actuellement testés par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale(8). « Tout en reconnaissant l’utilité de cette démarche », le rapport « en relativise l’intérêt car elle est conduite à droit constant sans se préoccuper des possibilités de simplification ou de fusion des mesures, ou de l’unification des bases ressources ». De même, insiste-t-il, « l’usage du simulateur ne peut se concevoir qu’avec un accompagnement du demandeur à l’usage du logiciel, pour aider à comprendre si, effectivement, il est éligible et, le cas échéant, indiquer les démarches à suivre pour ouvrir ses droits ».

François Chérèque exprime par ailleurs son inquiétude face à la suppression de l’aide personnalisée au retour à l’emploi(9) dont il avait recommandé le maintien dans son précédent rapport. « L’accompagnement des personnes éloignées de l’emploi est renvoyé implicitement aux dispositifs d’accompagnement global de Pôle emploi, en lien avec les collectivités territoriales », en déduit-il. Toutefois, prévient l’ancien syndicaliste, cette option sera inopérante si le gouvernement ne lui alloue pas les crédits adéquats. Aussi recommande-t-il à ce dernier de veiller à ce que Pôle emploi mette en place un dispositif permettant de remplir les mêmes fonctions et à ce qu’il soit en mesure de le suivre et de l’évaluer.

Signalons enfin que l’ancien leader de la CFDT suggère une nouvelle fois au gouvernement de prévoir l’accès automatique à la couverture maladie universelle complémentaire et à l’ACS des titulaires de minima sociaux.

Remobiliser les territoires

Après la forte mobilisation territoriale de la première année du plan « pauvreté » du fait de la tenue en région de réunions qu’il avait organisées, François Chérèque note un « essoufflement de cette dynamique » et pointant un « retard dans les instructions de l’administration centrale aux services déconcentrés de l’Etat[10] mais aussi des difficultés de coordination par les services des différents plans nationaux dans leur champ d’activité (plan “pauvreté”, plan pour la jeunesse, politique de la ville) ». Il a même constaté un « retrait partiel de l’engagement de certains conseils généraux mais aussi de l’Assemblée des départements de France sur certaines actions du plan suite à l’annonce par le gouvernement d’une réforme territoriale d’envergure »(11). L’ancien syndicaliste recommande donc de mettre en place une nouvelle mission d’appui aux territoires – sous la responsabilité de la direction générale de la cohésion sociale – pour la troisième année de mise en œuvre du plan.

Pour l’IGAS, le plan « pauvreté » pâtit toujours d’un « manque de notoriété et de visibilité du fait d’une communication gouvernementale trop segmentée sans présentation globale donnant du sens à son effet systémique dans la lutte contre la pauvreté ». « Il souffre également, selon elle, d’une crainte, particulièrement du monde associatif, de ne pas être mis en œuvre totalement pour des raisons financières. » C’est pourquoi les inspecteurs préconisent de « programmer à mi-parcours une rencontre bilan/adaptation avec les partenaires ayant participé à la conférence de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », qui s’était tenue en décembre 2012.

Notes

(1) Rapport disponible sur www.gouvernement.fr.

(2) Voir ASH n° 2794 du 25-01-2013, p. 39.

(3) Voir ASH n° 2879 du 17-10-14, p. 6.

(4) Voir ASH n° 2889 du 26-12-14, p. 45.

(5) Il s’agit de personnes qui ne sont ni régularisables ni expulsables, souvent parce qu’elles sont parents d’enfants nés en France.

(6) Voir ASH n° 2894 du 23-01-15, p. 7.

(7) Voir ASH n° 2884 du 21-11-14, p. 15.

(8) Voir ASH n° 2883 du 14-11-14, p. 6.

(9) Cette aide a pour objet de prendre en charge tout ou partie des coûts exposés par le bénéficiaire du revenu de solidarité active qui commence ou reprend une activité professionnelle.

(10) En effet, les instructions de la direction générale de la cohésion sociale n’ont été diffusées qu’à l’été dernier via une circulaire du 16 juillet – Voir ASH n° 2872 du 29-08-14, p. 34.

(11) Voir ASH n° 2845 du 31-01-14, p. 36 et n° 2889 du 26-12-14, p. 43.

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