Dans les établissements de formation, beaucoup ne se reconnaissent pas dans l’analyse de Daniel Verba. « Il parle d’une époque révolue sans tenir compte des réformes de la formation de 1993 et de 2005. Si la psychanalyse et la psychologie du développement de l’enfant occupent toujours une place importante, la formation ne se réduit pas à ces disciplines », réagit Jean-Marc Brun, responsable de la formation d’EJE au Centre d’études et de recherches pour la petite enfance (CERPE) d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), évoquant par exemple l’ouverture à la sociologie et à l’anthropologie, indispensable pour monter des projets et prendre en compte l’environnement. « Notre volonté est de traverser tous les champs disciplinaires », affirme, dans le même sens, Véronique Tiberge, directrice du centre de formation aux métiers de la petite enfance L’Horizon à Malakoff (Hauts-de-Seine), qui rappelle l’orientation pédagogique de son institut. Le Centre régional de formation des professionnels de l’enfance (CRFPE) de Lille va encore plus loin, puisqu’il place « la promotion de l’égalité des chances au cœur de son projet pédagogique, souligne son directeur Jean-Pierre Feutry. On a développé une pédagogie de l’inclusion, un séminaire de conscientisation et de pratiques autour de l’accueil de tous les enfants en situation de handicap, issus de la diversité ou dont les parents sont en situation de précarité. »
Quant à la question du genre, « on en parle aujourd’hui comme si c’était une nouveauté ! Mais il y a longtemps que nous l’abordons à travers la question plus large des représentations sociales et des stéréotypes. Nous amenons les étudiants à réfléchir sur les choix des enfants, les gestes et les mots qui leur sont adressés », explique Françoise Favel, directrice du CERPE. A Lille, plusieurs contenus de formation mentionnent même expressément le genre(1). De la même façon, les responsables des centres de formation disent ne pas avoir attendu le programme « Parler bambin » pour s’intéresser au développement du langage de l’enfant. Mais pourquoi aller chercher une « méthode clé en main aux résultats limités dans le temps ? », interroge Didier Favre, directeur adjoint du centre L’Horizon. « On invente des procédures qui génèrent du stress chez les enfants et ne tiennent pas compte de leur rythme de développement. En outre, il y a d’autres éléments que le langage, qui est un vecteur de la pensée, à prendre en compte dans la relation », ajoute Jean-Marc Brun. Pour ces responsables de formation, la question n’est pas de savoir si les EJE doivent s’impliquer davantage dans le travail social. « Ils y sont, mais ils se distinguent des autres travailleurs sociaux car leur domaine d’intervention – l’accueil des enfants et des familles – n’est pas d’abord la réparation ou l’aide, mais le soutien au droit des familles de concilier vie familiale et professionnelle », souligne Didier Favre. Une « spécificité éducative » pas toujours bien comprise et que les centres de formation entendent bien défendre dans le cadre de la réforme des diplômes.
(1) « Inclusion et genre-égalité filles-garçonsle jeu » et « genre-accompagnement de l’enfant et exclusion sociale ».