Dix ans après la création des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques (Caarud), l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) rend publique sa quatrième enquête nationale auprès des usagers de ses structures(1). Réalisée à partir de près de 3 000 questionnaires adressés aux professionnels et usagers de 142 Caarud, l’étude dresse le portrait des personnes qui fréquentent ces centres et examine leurs usages des drogues. Il en ressort que l’âge moyen du public des Caarud est passé de 33 à 36 ans entre 2006 et 2012. Par rapport à 2008, les auteurs observent que les usagers les moins fragiles sur le plan socio-économique sont plus nombreux (24 % en 2012 contre 20 % quatre ans plus tôt) et ceux qui vivent en squat ou sont sans abri sont plutôt moins nombreux (27 % contre 31 %).
L’étude distingue six profils d’usagers. Les jeunes précaires ou en errance représentent 14 % de l’ensemble du public accueilli. La majorité d’entre eux est dans une situation de forte précarité, plus de la moitié n’ont aucune ressource légale et 37 % vivent en squat ou sont sans abri. Ils se caractérisent par « un monousage de substances psychotropes », ce qui signifie qu’ils n’ont consommé qu’une ou deux substances différentes durant le mois précédant l’enquête. Autre groupe identifié par les auteurs : les « anciens », âgés de 44 ans en moyenne et qui consomment majoritairement de l’alcool et/ou du cannabis au(x) quel(s) s’ajoute une autre substance (opiacé, cocaïne ou benzodiazépine). Deux autres groupes sont composés de « polyusagers modérés » (trois ou quatre substances différentes en moyenne par mois). Parmi eux, si certains sont plutôt bien insérés sur le plan socio-économique (14 %), d’autres sont en situation de forte précarité (19 %), ont souvent été incarcérés dans l’année (20 %) et ont fréquemment recours à des soins institutionnels (hospitalisation, CSAPA, Caarud). Enfin, parmi « les polyusagers affirmés » – qui consomment entre cinq et sept substances différentes par mois –, l’étude distingue deux types de publics. Les premiers sont âgés de plus de 35 ans, vivent souvent seuls et constituent le groupe qui consomme le plus de benzodiazépines (médicaments psychotropes). Plus jeunes, « les polyusagers de profil festif » vivent plus souvent en couple ou « avec des amis », probablement dans des squats. Ils prennent aussi plus de risques (partage de matériel, surdose). Concernant les modes d’usage, l’étude relève qu’en 2012, 64 % des usagers avaient déjà eu recours à l’injection au cours de leur vie et 46 % au cours du dernier mois. « Ce qui confirme la stagnation de la prévalence de cette pratique observée depuis 2008 », relèvent les auteurs.
L’étude propose une approche par régions de la pratique des usagers des Caarud. En Ile-de-France, la population fréquentant les Caarud est la plus masculine et la plus âgée des régions françaises et se caractérise par un fort niveau de précarité. Les Caarud de la zone Ouest reçoivent un public plus féminin majoritairement âgé de 25 à 34 ans et marqué par un fort polyusage intégrant les substances emblématiques de l’espace festif (hallucinogènes, stimulants). Autre fait marquant : près d’un usager sur cinq de l’interrégion Centre (Centre, Bourgogne Auvergne, Limousin) a moins de 25 ans.
(1) Rendue publique le 15 janvier lors d’une journée organisée par la direction générale de la santé et l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies – Disponible sur