Le décret du 4 janvier 2013 relatif à la tarification et au financement des lieux de vie et d’accueil (LVA) et modifiant le code de l’action sociale et des familles est annulé « en tant qu’il introduit dans ce code le 3° du IV de l’article D. 316-6 et en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions transitoires à son entrée en vigueur ». C’est ce qu’a décidé le Conseil d’Etat le 23 décembre dernier. Une annulation partielle qui « n’a pas paralysé l’entrée en vigueur des dispositions du décret [plus précisément, des dispositions autres que le 3° du IV de l’article D. 316-6]. Ces dispositions sont donc applicables », a indiqué la Haute Juridiction aux ASH. Tout en soulignant que celle-ci « a validé le reste du décret », la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a quant à elle estimé que, « dans l’attente de nouvelles dispositions, le financement des LVA pourra continuer à être assuré sur la base d’une convention, comme c’était le cas dans tous les LVA avant l’intervention de ce décret et comme c’est encore le cas lorsque les arrêtés de tarification n’ont pas été pris localement ».
Pour mémoire, le décret du 4 janvier 2013 a fixé les règles de tarification et de financement des LVA après que ces règles – prévues par le décret rectificatif budgétaire et comptable du 7 avril 2006 – ont été annulées en 2008 par le Conseil d’Etat au motif que le pouvoir réglementaire était incompétent pour les fixer en l’absence de disposition législative le prévoyant(1). Le décret de 2013 a donc repris la réglementation annulée quasiment à l’identique, suscitant le mécontentement des associations(2). L’association FASTE Sud Aveyron, le Groupe d’étude et de recherche sur la pratique des lieux d’accueil et la Fédération nationale des lieux de vie et d’accueil ont saisi le Conseil d’Etat pour demander son annulation. Bien que censurant une partie du texte, la décision du 23 décembre a pour effet de valider l’essentiel des dispositions du décret, et en particulier l’instauration d’un forfait journalier incluant un forfait de base ne pouvant être supérieur à 14,5 fois la valeur horaire du SMIC. Les sages du Palais-Royal ont en effet considéré qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier que le plafonnement à ce montant serait entaché d’erreur manifeste d’appréciation ». Ils ont en outre validé la liste des dépenses couvertes par le forfait de base, y compris la mention de la TVA en considérant que la circonstance qu’elle soit devenue sans objet en raison de l’exonération de TVA dont bénéficient les lieux de vie et d’accueil est sans incidence sur sa légalité. Sont également validées l’application aux LVA de la nomenclature budgétaire et comptable des établissements et services sociaux et médicosociaux, la convention triennale de prise en charge conclue entre l’organisme financeur et le lieu de vie ainsi que l’obligation de transmettre chaque année un compte d’emploi.
La censure – partielle – du décret porte en premier lieu sur le 3° du IV de l’article D. 316-6 selon lequel les lieux de vie et d’accueil doivent reverser, totalement ou partiellement, aux organismes financeurs les sommes allouées au titre de la tarification si celles-ci ont couvert « des dépenses dont le niveau paraît excessif, au regard de l’activité et des coûts des lieux de vie fournissant des prestations comparables ». Certes, a reconnu le Conseil d’Etat, le pouvoir réglementaire est compétent pour prévoir les conditions dans lesquelles les sommes procurées par la tarification qui n’auraient pas été utilisées pour la fourniture des prestations en vue desquelles elles avaient été allouées ou dont l’emploi ne serait pas justifié doivent être totalement ou partiellement reversées aux organismes financeurs. En revanche, a-t-il observé, le pouvoir réglementaire a excédé l’habilitation dont il dispose en imposant un reversement des sommes qui correspondent à des dépenses admises lors de la fixation du forfait et qui ont été effectivement utilisées à cette fin. Cette mesure est donc annulée.
En second lieu, le Conseil d’Etat a condamné l’absence de mesures transitoires dans le décret du 4 janvier 2013. Le pouvoir réglementaire peut modifier à tout moment les normes qu’il définit sans que les personnes auxquelles sont imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation, a-t-il tout d’abord rappelé. En principe, les nouvelles normes ont vocation à s’appliquer immédiatement mais il incombe aussi au pouvoir réglementaire d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Pour les sages, il en va ainsi lorsque l’application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l’objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. Dans cette affaire, l’entrée en vigueur immédiate du décret a eu pour effet de soumettre les LVA à un nouveau régime de tarification sans prévoir le délai indispensable à l’élaboration de la proposition de forfait journalier qu’ils doivent soumettre aux autorités compétentes et à la fixation du forfait par ces autorités. Cette application immédiate de la nouvelle réglementation était susceptible d’entraîner une rupture dans le financement de certains de ces lieux, qui constituent de petites structures aux ressources limitées, et de faire obstacle à l’accueil de nouvelles personnes. Par conséquent, l’application immédiate du décret a porté une atteinte excessive aux intérêts des lieux de vie et d’accueil en cause et à ceux des personnes susceptibles d’être accueillies, a décidé la Haute Juridiction.
Sans remettre en cause l’entrée en vigueur du décret, la décision du 23 décembre « impose au pouvoir réglementaire d’intervenir pour prendre les mesures transitoires qu’il avait oublié de prendre », a indiqué le Conseil d’Etat aux ASH, en précisant que sa portée concrète se trouve sur le terrain indemnitaire. Ainsi, il revient aux lieux de vie et d’accueil estimant que l’absence de mesures transitoires leur a causé un préjudice de rechercher la responsabilité de l’Etat devant le juge administratif. De son côté, la DGCS entend « tirer les conséquences » de cette décision quant à l’absence de mesures transitoires et au manque d’habilitation du pouvoir réglementaire « dans les meilleurs délais ».
(1) La loi « hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009 a donc habilité le gouvernement à fixer les règles de financement et de tarification pour ces structures – Voir ASH n° 2585 du 5-12-08, p. 19 et n° 2632 du 13-11-09, p. 44.