Ecrouée en octobre 2012 pour l’exécution d’une sanction prononcée en 2010, Sophie venait de mettre au monde un petit garçon. Agé de dix jours, l’enfant a été placé en pouponnière et, pendant presque un an, n’a vu sa mère qu’une heure au parloir, une fois par mois. Le fils aîné de Summer, lui, vit seul dans l’appartement payé par sa mère, sur les économies qu’elle possède encore. Depuis l’incarcération de celleci, ses deux petites sœurs, âgées de 14 et 3 ans, ont été placées, l’une dans une famille d’accueil, l’autre dans un foyer. Condamnée pour des escroqueries au préjudice de l’Urssaf, Murielle se désole que sa fille de 3 ans cache son visage lorsqu’elle la rencontre au parloir et refuse de s’asseoir sur ses genoux. En prison, assumer ses responsabilités de mère est « mission impossible », constate Isabelle Rome dans l’essai Dans une prison de femmes. Successivement juge de l’application des peines, juge d’instruction, juge des libertés et de la détention, juge en correctionnelle et aux assises, désormais conseillère à la cour d’appel de Versailles, la magistrate a enquêté pendant un an à la maison d’arrêt des femmes, située à deux pas de l’illustre château. Elle souhaitait, écrit-elle, voir « de [ses] propres yeux la manière dont les décisions judiciaires et les sanctions sont perçues derrière les barreaux, et comment on se prépare concrètement à sortir de là ». Son bilan ? « Si la mission de l’administration pénitentiaire ne se borne pas à assurer l’exécution des sanctions, mais à favoriser aussi la réinsertion sociale des détenus, elle peine à réussir ce second objectif. » Evoquant le travail des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, Isabelle Rome pointe leurs difficultés, faute d’effectifs suffisants, à « assurer un suivi individualisé ». Elle plaide notamment pour une véritable politique de maintien des liens familiaux : aménagement d’espaces de rencontre, mise en place d’un carnet de liaison entre la mère et les services sociaux, extraction systématique de la mère pour toute audience concernant ses enfants, assouplissement des permissions de sortie… « De cette année d’échanges derrière les barreaux, je retire la conviction que, dans le souci du respect de la dignité de chacun, notre société doit mieux traiter les personnes qu’elle punit et emprisonne, comme celles à qui elle en confie la garde, conclut Isabelle Rome. Elle doit également faire évoluer sa conception de la prison, qu’elle devrait considérer comme une institution au cœur du pacte républicain, et non comme une annexe de celui-ci. »
Dans une prison de femmes.
Une juge en immersion
Isabelle Rome, préface de Robert Badinter – Editions du Moment – 16,95 €