« Un homme tremble au bas de l’immeuble. » Cet homme, c’est Martin. On ne sait pas s’il s’agit de son prénom ou de son nom. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il squatte entre le premier et le deuxième digicodes et qu’il incommode tout le monde. Défèque devant le bâtiment, reste vautré au sol avec sa copine Martine, fume sans gêne. « Martin promet qu’il respectera la loi antitabac dès que celle sur le droit au logement pour tous le sera », écrit Mathieu Lindon, journaliste littéraire de Libération, dans son roman Les hommes tremblent. Son antihéros, adepte du tapage nocturne, préfère dormir n’importe quand sauf la nuit, jugeant qu’« il y a toute la mort pour dormir ».
Dans les étages, on prend bien soin de ne pas l’inviter chez soi. En général, les locataires sont plus tolérants que les propriétaires, mais à l’exception de Cyrille, l’ado des Pernon, personne n’est franchement ravi de le croiser. Surtout que Martin apostrophe le moindre passant, résident comme invité, avec une passion certaine pour l’insolence et une volonté appuyée de mettre tout le monde mal à l’aise. Les frasques de ce voisin non désiré permettent de se plonger dans le huis-clos de l’immeuble, où chacun tient sa place : Léa, la jeune et jolie aide-soignante qui part travailler tôt le matin ; M. Sowoka, atteint d’un handicap mental et qui n’accorde pas la moindre attention à qui que ce soit ; ou M.Huris, qui a une pension d’invalidité et passe son temps à promener son chien. « Certains le regardent avec sympathie, d’autres avec antipathie ; certains l’écoutent, d’autres pas », mais personne n’ose franchement mettre l’homme qui tremble dehors. Quant aux policiers, ils finissent toujours par le relâcher, quand ils daignent se déplacer. Personne ne sait pourquoi Martin tremblote. « On dirait qu’il tremble pour donner mauvaise conscience, comme un salaud », concluent les personnages de cette satire sociale.
Les hommes tremblent
Mathieu Lindon – Ed. P.O.L – 14,90 €