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Réforme des diplômes : le débat agite aussi ses partisans

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La validation, le 15 décembre, par la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l’intervention sociale, du rapport « Métiers et complémentarités, architecture des diplômes de travail social »(1), est loin de signifier que les dés sont jetés pour la réforme. En premier lieu, parce que le ministère doit encore préciser ses intentions dans le cadre des « états généraux du travail social ». Durant la période de concertation qui devrait suivre la remise officielle des rapports, à une date qui n’a pas encore été confirmée, le gouvernement devra par ailleurs compter avec la parole des organisations professionnelles et des syndicats, dont plusieurs ont déjà battu le pavé pour protester contre le démantèlement des diplômes et la dilution des identités professionnelles derrière un profil de « travailleur social unique ». Au sein des membres de la CPC, les six votes contre le rapport sont ceux de la CGT, de la CFDT et de FO, la CFTC s’étant abstenue. « Nous sommes pour une harmonisation pour favoriser les passerelles et fluidifier les parcours, mais la refonte proposée passe d’une logique de métiers à une logique d’employabilité que nous refusons », commente Xavier Guillot, secrétaire général de l’Union fédérale de l’action sociale de la CGT. Le syndicat prévoit d’organiser ses assises « alternatives » du travail social à la mi-mars. « Le rapport propose une ossature sans étayer ses éléments et sans avoir pris l’attache de ceux, sur le terrain, qui devront l’assumer, conteste également Nicole Peruez, secrétaire fédérale de la CFDT Santé-sociaux, chargée des professions sanitaires et sociales. On passe de diplômes construits par des pairs à des diplômes créés par des experts, pour former des opérateurs par fonction et par niveau ! »

Reste que les membres de la CPC favorables à la réforme proposée s’accordent à dire que les pistes doivent être affinées, voire même revisitées. La définition d’un socle commun par niveau de diplôme, dans l’objectif de cerner l’identité professionnelle du travail social, pour le reconnaître à la fois comme une pratique et un champ interdisciplinaire, fait certes consensus. Le rapport veut aussi contrer l’idée que la dimension clinique de l’intervention serait oubliée. Mais la poursuite des travaux promet d’être animée sur le contenu des socles communs, la définition des spécialités (l’accompagnement social et l’accompagnement éducatif ont été pour l’heure retenus, mais la réflexion porte aussi sur la médiation et l’animation), le « dosage » à trouver entre spécialité et parcours optionnels…

Un travailleur social unique ?

Pour Didier Tronche, coanimateur avec la direction générale de la cohésion sociale du groupe de travail, une chose est sûre : « Le modèle du travailleur social unique brandi comme un risque n’est pas fondé. » Pour l’ancien président de la CPC en effet, le canevas proposé – un diplôme par niveau de qualification – « devrait, entre le socle commun et la spécialité, permettre de retrouver le cœur de métier de ce qui fait les diplômes actuels », tandis que les parcours optionnels et le principe de l’alternance intégrative favoriseraient la connaissance « des publics et des modèles de prise en charge particuliers ». Le rapport est un « point d’étape » dans la refonte de l’architecture des diplômes, tient également à souligner Manuel Pélissié, vice-président de la CPC, représentant au groupe de travail de l’Unifed, par ailleurs directeur général de l’IRTS Paris Ile-de– France. « Il y a des craintes car nous ne nous sommes pas encore attaqués aux contenus qui résoudront la question des équilibres » et de la « tension évidente entre la spécialisation nécessaire et la dimension générique des métiers », explique-t-il. A ses yeux, « inutile de s’arrêter aux pourcentages et aux intitulés avant d’entrer dans cette mécanique de précision qui est une affaire de curseur ». Pour Isabelle Léomant, représentante de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) au groupe de travail, « il faut entendre les propositions du rapport comme une valorisation des emplois par rapport aux évolutions sociales et à celles des pratiques, pour mieux reconnaître le travail social et apporter une réponse adaptée aux personnes accompagnées ». Pour autant, estime-t-elle, « il faudra du temps pour s’approprier cette proposition, et les questionnements soulevés par les organisations professionnelles et syndicales devront être pris en compte dans la suite des travaux. »

Parce que le travail est encore loin d’être finalisé, l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale) a précisé ses attentes dans une motion. « Nous souhaitons que le groupe de travail soit mandaté pour mener, dès la remise du rapport, des travaux suffisamment rapides pour alimenter les négociations avec les partenaires sociaux, précise Diane Bossière, directrice générale. Nous sommes particulièrement prudents sur deux aspects encore non aboutis : le socle commun a pour l’instant été défini de façon trop floue et théorique et la question des spécialités a été insuffisamment travaillée. Or nous souhaitons que le cursus de professionnalisation permette d’avoir sur le terrain des profils ajustés à des besoins de compétences identifiés dans les différents champs professionnels. » Selon l’organisation, la définition des spécialités doit donc être réinterrogée, pas forcément au regard des métiers existants, « mais au moins par rapport à des champs professionnels plus précis que deux grandes spécialités fourre-tout ». Et cette précision devrait se retrouver, à ses yeux, dans l’intitulé du diplôme. Une façon, en quelque sorte, d’éloigner le spectre du travailleur social unique… L’Unaforis demande également que le parcours optionnel ne soit pas réduit à la portion congrue. « Il reste un travail à faire sur le volume, mais également la nature des parcours optionnels », précise Claude Noël, directeur de l’Irtess Bourgogne et membre de la CPC pour l’Unaforis.

L’Unaforis vigilante sur un nouveau diplôme bac + 2

Autre préoccupation, qui rejoint d’ailleurs celle des organisations professionnelles et des syndicats : les incidences que pourrait avoir la création d’un nouveau diplôme bac + 2, reconnu de niveau III, l’idée étant que ceux qui nécessitent trois années d’études soient reconnus au niveau II et bénéficient du grade licence. « Le risque serait que les collectivités soient tentées alors d’embaucher massivement des diplômés bac + 2, au lieu de bac + 3. Pour l’éviter, nous souhaitons que ces nouveaux diplômes de niveau III correspondent à des besoins en compétences identifiés, et non considérés comme une première marche vers la licence », explique Diane Bossière.

Difficile, compte tenu du chantier à venir, d’arriver à une mise en œuvre effective de la refonte à la rentrée 2015. « Si tout se passe bien, il faudrait plutôt attendre 2017, pronostique Claude Noël. Mais comment le gouvernement va-t-il se saisir de cette question ? Nous aurons la réponse dans sa feuille de route… »

Lors de sa séance du 15 décembre, la CPC a décidé de reporter la validation des référentiels devant fusionner les diplômes de niveau V (auxiliaire de vie sociale, aide médico-psychologique et assistant pour élève en situation de handicap). La réflexion sur la refonte des diplômes à tous les niveaux étant venue percuter ces travaux déjà en cours, un travail d’harmonisation lui a en effet semblé nécessaire. « Si la CPC valide les textes en juin, il sera difficile de mettre en œuvre la nouvelle formation de niveau V à la rentrée 2015 », comme l’avait prévu le gouvernement, estime Claude Noël. Carine Ryckeboer, représentante de la Commission paritaire nationale de l’emploi de la branche de l’aide à domicile, témoigne de la difficulté de l’exercice : « Il s’agit de coller à une nouvelle architecture encore en construction » et, par anticipation, « de définir des spécialités et des options qui correspondent aux réalités de travail ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2888 du 19-12-14, p. 5.

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