Recevoir la newsletter

Retraites complémentaires : les suggestions de la Cour des comptes pour redresser les finances de l’AGIRC-ARRCO

Article réservé aux abonnés

« La situation financière actuelle des régimes de retraite complémentaire [qui présentent un déficit de plus de 4,4 milliards d’euros en 2013] est préoccupante », a pointé Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, lors de la présentation, le 18 décembre, d’un rapport sur l’avenir de l’AGIRC (cadres) et de l’ARRCO (non-cadres)(1). Il invite donc les partenaires sociaux gestionnaires de ces institutions à des « actions urgentes tant pour redresser la situation financière des régimes que pour améliorer l’efficience et la qualité de leur gestion ». Actions qu’il convient, selon les magistrats financiers, d’articuler « avec les décisions que prend l’Etat pour le régime de [retraite de] base, d’une part, et avec la conduite de l’ensemble des finances publiques, d’autre part ».

Epuisement des réserves à court terme

Après 11 années d’excédents entre 1998 et 2008, qui ont permis d’accumuler 60 milliards d’euros de réserves(2), les régimes de retraite complémentaire présentent des comptes déficitaires depuis 2009. Pour la Cour des comptes, plusieurs facteurs expliquent cette situation. Tout d’abord, le ratio cotisants/retraités se dégrade et devrait passer, entre 2013 et 2040, de 0,6 à 0,9 pour l’ARRCO et de 0,6 à 0,8 pour l’AGIRC.

Autre facteur aggravant : le « fort ralentissement de la croissance économique depuis 2009 » . En effet, la masse salariale sur laquelle sont prélevées les cotisations a faiblement progressé (+ 0,2 % en moyenne, contre + 2,4 % sur la période 1998-2008).

Enfin, la Cour des comptes estime que certaines décisions prises par le gouvernement en faveur du régime de retraite de base du régime général de la sécurité sociale ont eu « tendance à aggraver les déficits actuels et futurs des régimes complémentaires ». C’est notamment le cas avec la publication, en juillet 2012, du décret assouplissant les conditions de départ anticipé à la retraite pour les assurés ayant eu une carrière longue(3). « Ainsi, a indiqué Didier Migaud, à l’horizon 2020, l’effet cumulé du décret de juillet 2012 sur les carrières longues et de la loi du 20 janvier 2014 [garantissant l’avenir et la justice du système de retraite] devrait dégrader le solde annuel des régimes de 1,4 milliard d’euros. » En tout état de cause, « dans le scénario économique le plus optimiste, proche de celui retenu par le gouvernement à l’appui de la réforme des retraites [de 2014], l’épuisement des réserves globales de l’AGIRC et de l’ARRCO interviendrait avant 2029 et d’ici à 2019 pour l’AGIRC seule », estime la Cour des comptes.

Nécessité de combiner tous les leviers

Dans ce contexte, la Haute Juridiction financière juge urgent, à court terme, de « préserver la continuité du versement des pensions de l’AGIRC », en demandant un « effort spécifique » aux cadres. Toutefois, souligne-t-elle, « si les cadres devaient supporter seuls les efforts nécessaires par une baisse des pensions versées, ils subiraient entre 2015 et 2017 une réduction de plus de 10 % du pouvoir d’achat de leurs pensions ». Aussi estime-t-elle « inévitable » de faire appel à une « solidarité accrue de l’ARRCO ». L’instance préconisant même, « à brève échéance », de fusionner les deux régimes.

La Cour des comptes considère que les partenaires sociaux gestionnaires des régimes devront donc examiner tous les leviers dans le cadre des négociations qu’ils doivent ouvrir en ce début d’année et faire aboutir d’ici à la fin du premier semestre. Dans tous les cas, estime-t-elle, « il est indispensable qu’ils adoptent dès 2015 des mesures qui produiraient dès 2018 un impact annuel de plus de 5 milliards d’euros, pour un effet au moins égal à 120 milliards d’euros sur les soldes cumulés des régimes en 2030 ». Faut-il alors agir sur le niveau des pensions ? L’instance rappelle que, en 2013, les partenaires sociaux ont adopté le principe d’une « clause plancher » pour les années 2014 et 2015 conduisant à une sous-indexation des pensions en cas d’inflation supérieure à 1 %. Or, « en période de faible inflation prolongée », comme cela a été le cas en 2014 et le restera très vraisemblablement en 2015, « un tel mécanisme réduit le montant des économies attendues ». Il conviendrait donc de le revoir, selon la Cour des comptes.

Faut-il relever les cotisations ? Les mesures gouvernementales prises pour redresser les comptes du régime général de la sécurité sociale et agissant sur le pouvoir d’achat des ménages, le coût du travail et la compétitivité des entreprises « limitent fortement la capacité d’action des partenaires sociaux », souligne le rapport. En effet, l’Etat a relevé le taux des cotisations au régime général de même que celui du forfait social, et un décret a plafonné à 28 % le taux maximal des cotisations vieillesse (de base et complémentaire) pouvant être exigé. « Le taux moyen actuel atteignant déjà 27,5 %, les possibilités apparaissent marginales », conclut-il.

Faut-il modifier les conditions de liquidation des pensions (âge et durée d’assurance) ? Jusqu’à présent, les régimes de retraite complémentaire se sont toujours alignés sur le régime général. Mais, « étant donné l’ampleur de l’effort à fournir à court terme, concentrer les mesures sur seulement un ou deux paramètres (taux de cotisation ou niveau de pension) pénaliserait de façon très importante l’une ou l’autre des parties prenantes aux régimes (employeurs, retraités actuels, salariés actuels et futurs retraités) », prévient la Cour des comptes, qui estime qu’« une déconnexion avec les conditions de départ en retraite en vigueur pour le régime général ne devrait donc pas être exclue de l’examen des leviers possibles ».

Au final, pour l’instance, la meilleure solution résiderait dans la combinaison des trois leviers pour repousser l’horizon d’épuisement des réserves au-delà de 2030 en limitant l’impact sur le coût du travail et le pouvoir d’achat, et en permettant un partage des efforts. Ainsi, illustre-t-elle, « une augmentation de l’âge de départ de deux ans […], associée à une sous-indexation de un point reconduite de 2016 à 2018 et à une augmentation du taux de cotisation de 0,125 point par an de 2016 à 2018, serait suffisante pour accroître les réserves d’un montant supérieur à 125 milliards d’euros à l’horizon 2030 et supérieur à 230 milliards d’euros à l’horizon 2040 ».

Optimiser les coûts de gestion et la qualité du service rendu

Au-delà des mesures financières, Didier Migaud préconise de réduire significativement les coûts de gestion des régimes qu’il juge « élevés » : ils atteignaient 1,8 milliard d’euros en 2013 et représentaient 2,7 % de la masse des cotisations. Il remet surtout en cause « l’organisation encore très éclatée de la gestion », assurée par 37 institutions de retraite complémentaire différentes. Pourtant, un plan d’économies voté en 2013 prévoyait une économie de 300 millions d’euros par an sur les coûts de gestion d’ici à 2018. Jugeant cet objectif insuffisant, la cour suggère aux partenaires sociaux de fixer un « objectif encore plus ambitieux » : baisser de 25 % les coûts de gestion et « réaliser, d’ici 2020, 450 millions d’euros d’économies annuelles ».

Par ailleurs, la Cour des comptes recommande d’améliorer la qualité du service rendu aux assurés, déplorant notamment les « taux d’erreur élevés, supérieurs à ceux du régime général d’assurance vieillesse, dans le calcul des pensions à liquider » (proches de 10 % à l’AGIRC et de 20 % à l’ARRCO), et sources de multiples indus et régularisations. Ce sont ainsi 265 millions d’euros qui n’ont pas été versés en 2013. En outre, les délais de paiement se sont allongés en 2013 en raison de l’affluence de dossiers liés aux dispositifs de retraite anticipée « carrières longues » : « ils dépassent souvent 50 jours, voire parfois 100 jours, alors que le délai réglementaire est de 30 jours », regrette la cour, estimant que, « là aussi, des progrès sont indispensables ».

Notes

(1) « Garantir l’avenir des retraites complémentaires des salariés (AGIRC et ARRCO) » – Décembre 2014 – Disponible sur www.ccomptes.fr.

(2) Sur la même période, le régime de retraite de base du régime général de la sécurité sociale avait, lui, accumulé près de 8 milliards d’euros de déficits.

(3) Voir ASH n° 2789 du 28-12-12, p. 45.

Côté cour

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur