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« Formations au travail social : les grandes manœuvres »

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Robert Lafore. Professeur de droit public à l’université de Bordeaux-Institut d’études politiques.

Comme cela était prévisible, les « états généraux du travail social », toujours en cours, ont amené sur le devant de la scène la question des formations et notamment de leur architecture. Une commission professionnelle consultative (CPC) s’est mise au travail et a produit une note d’étape qui a suscité diverses réactions des organisations professionnelles ainsi que des centres de formation(1). En tout état de cause, tout cela agite le milieu dans un climat plein d’incertitudes.

L’idée avancée depuis plusieurs mois et qui s’est progressivement stabilisée comme une référence par rapport à laquelle chacun se situe, est de fondre les formations canoniques du travail social de niveau III (assistant de service social, éducateur spécialisé, conseiller en économie sociale et familiale, animateur) en un seul diplôme qui, de plus, serait clairement arrimé au dispositif LMD en vigueur à l’université. Le contenu de la formation serait divisé en trois ensembles : un « socle commun » de compétences se référant à une culture propre à tout le travail social ; une « spécialité » qui pourrait distinguer deux sous-ensembles d’activités professionnelles concernant, d’un côté, l’aide et le développement social et assurant, de l’autre, des accompagnements socio-éducatifs ; un « parcours optionnel », enfin, qui offrirait une formation que l’on pourrait dire « appliquée » parce que tournée par exemple sur la mise en œuvre de projets territoriaux ou sur la gestion de cas complexes.

Outre les débats, encore très ouverts, sur le contenu et la conception du cursus, on constate que le premier point débattu concerne le principe fondamental sur lequel repose la réforme : est-il opportun ou non d’unifier les formations au travail social en rompant avec un héritage constitué, au contraire, de filières de formations et de diplômes distincts ? Autrement dit, les notions de « travail social » et/ou d’« intervention sociale » doivent-elles revêtir une substance propre que les diplômes traduiraient en compétences à acquérir et en contenu à assimiler, ou doivent-elles en rester à cette dimension un peu nébuleuse qu’elles revêtent encore en recouvrant des activités diverses, mal circonscrites et peu homogènes dans leurs conceptions.

Bien sûr, la réponse à ces questions nous ramène aux affrontements habituels entre tenants du statu quo, tenants du conservatisme, et les modernisateurs, convaincus que le changement est nécessaire. A cet égard, les objections de l’Association nationale des assistants de service social, représentant non seulement la plus ancienne des professions sociales, mais la plus formalisée juridiquement et dans les représentations communes, n’ont rien de surprenant(2).

Comme il est hors de propos de se mêler ici de cette nouvelle querelle des anciens et des modernes, on se contentera d’une remarque générale. Les professions du travail social ont été conçues selon une « spécificité » technique portant sur les formes d’interventions et les publics concernés et aussi sur un positionnement organisationnel faisant d’eux des « médiateurs » entre les contraintes institutionnelles et les situations singulières des personnes. D’où la constitution de cultures professionnelles différenciées et fortement ancrées sur l’autonomie de chaque profession, maîtrisant ses techniques propres et seule juge des conditions de leur mise en œuvre. Mais voilà que les transformations organisationnelles, les logiques d’« insertion » et d’« inclusion », la découverte des « territoires », la prégnance de l’usager et de ses droits ont banalisé d’un côté le travailleur social en le transformant en un professionnel comme les autres, et indifférencié de l’autre les professions en les immergeant dans des dispositifs collectifs. Le chantier de la formation et des diplômes doit affronter un basculement des pratiques professionnelles lié à un changement du cadre institutionnel et organisationnel.

Comme en ce domaine, et dans tous les autres d’ailleurs, on ne peut commencer sans continuer, ni continuer sans commencer, il faudra bien que l’héritage se recompose pour tenir compte des mutations du cadre général tout en restant une source vivante et féconde… Certes, voilà qui est bien trop général pour esquisser un chemin praticable, mais cela devrait au moins réconcilier conservateurs et réformateurs pour qu’ils s’attellent ensemble à la tâche.

Notes

(1) Voir ASH n° 2888 du 19-12-14, p. 5.

(2) Voir ASH n° 2884 du 21-11-14, p. 15.

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