Le 23 juillet dernier, les parlementaires ont définitivement adopté la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dont le parcours législatif avait débuté un an auparavant. Le Conseil constitutionnel en a validé les mesures essentielles dans une décision du 31 juillet.
Pourquoi une loi pour l’égalité ? Plusieurs lois ont par le passé abordé la question de l’égalité professionnelle : lois « Roudy » de 1983, loi « Génisson » de 2001… La loi du 9 juillet 2010, elle, a traité des violences faites aux femmes. Mais la loi du 4 août 2014 pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes – qui s’appuie notamment sur les travaux du Haut Conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes(1) – est la première à « concerner toutes ces dimensions et à associer des mesures spécifiques et une logique transversale pour répondre aux inégalités avec la même cohérence », a expliqué Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des femmes, lors de la présentation du projet de loi initial en conseil des ministres le 3 juillet 2013, en précisant que toute l’action du gouvernement « n’est pas du ressort de la loi ». Ce texte est ainsi complémentaire des initiatives qu’il a pu prendre jusqu’à présent, telles que le 4e plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes 2014-2016(2) ou encore les feuilles de route pour l’égalité adoptées lors du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes du 6 janvier 2014(3).
La loi du 4 août 2014, qualifiée de « loi de progrès pour les femmes comme pour les hommes » par Najat Vallaud-Belkacem, comprend des dispositions qui favorisent l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (meilleur ciblage des négociations salariales, autorisations d’absence pour les examens prénataux de la mère…). Il améliore aussi la lutte contre la précarité des familles monoparentales, en instaurant, à titre expérimental, un dispositif de renforcement des garanties contre les impayés de pensions alimentaires. Le texte renforce également la protection des femmes victimes de violences conjugales (aménagement de l’ordonnance de protection, fin de la systématicité de la médiation pénale, généralisation du « téléphone grand danger »…) et de mariage forcé. Il améliore enfin la protection des victimes de harcèlement puisqu’il précise les notions de harcèlement moral dans le couple et au travail, et crée un délit de harcèlement général qui, jusqu’à présent, n’était considéré que sous le prisme de la vie conjugale ou professionnelle.
Signalons que, afin de favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales et la conciliation de la vie personnelle et professionnelle, la loi « égalité femmes-hommes » réforme le congé parental, actuellement de 3 ans au maximum, et la prestation qui y est associée, le complément de libre choix d’activité de la prestation d’accueil du jeune enfant – rebaptisé au passage « prestation partagée d’éducation de l’enfant »(4). Une mesure qui sera mise en œuvre selon des modalités qui doivent encore être fixées par décret et sur laquelle nous reviendrons dans un dossier spécifique une fois les textes parus au Journal officiel.
Selon le gouvernement, 37 % des femmes qui élèvent seules leurs enfants à la suite d’une séparation ou d’un divorce vivent sous le seuil de pauvreté, tandis que 40 % des pensions alimentaires sont payées de façon irrégulière. Afin d’améliorer la situation de ces familles monoparentales, l’article 27 de loi « égalité femmes-hommes » permet d’expérimenter un dispositif de renforcement des garanties contre les impayés de pensions alimentaires depuis le 23 octobre dernier – date de publication au Journal officiel des textes qui en fixent le cadre – pendant une durée de 18 mois. L’expérimentation se déroule selon des modalités qui ont été fixées, dès décembre 2013, dans un protocole paraphé par l’Etat, la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), complété par une circulaire de la CNAF.
Il s’agit d’expérimenter un mécanisme de renforcement des garanties contre les impayés de pensions alimentaires en faveur des bénéficiaires de l’allocation de soutien familial (ASF) et de l’aide au recouvrement des créances dues au titre de l’entretien des enfants mise en œuvre par les caisses d’allocations familiales (CAF). Ces bénéficiaires doivent résider ou avoir élu domicile dans l’un des 20 départements suivants : l’Ain, l’Aube, la Charente, la Corrèze, les Côtes-d’Armor, le Finistère, la Haute-Garonne, l’Hérault, l’Indre-et-Loire, la Loire-Atlantique, la Haute-Marne, la Meurthe-et-Moselle, le Morbihan, le Nord, le Rhône, la Saône-et-Loire, Paris, la Seine-et-Marne, le Territoire de Belfort et La Réunion (art. 27, I de la loi ; arrêté du 21 octobre 2014).
Rappelons que l’ASF peut être attribuée à titre d’avance sur une pension alimentaire impayée depuis au moins 2 mois. La CAF peut alors intervenir à la place du parent créancier pour recouvrer la pension alimentaire.
Sont dans le collimateur des CAF, quel que soit leur lieu de résidence, les débiteurs d’une obligation d’entretien ou du versement d’une pension alimentaire mis à leur charge par une décision de justice, en défaut de paiement depuis au moins 1 mois, ainsi que ceux qui sont considérés comme hors d’état d’y faire face parce qu’ils sont insolvables ou sans adresse connue (art. 27, I et VI de la loi ; décret n° 2014-1227, art. 1, al. 1).
Sont considérés comme hors d’état de faire face à leur obligation (annexe du décret n° 2014-1227) :
→ les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) « socle », qu’il soit majoré ou pas, y compris en cas de cumul avec le RSA « activité » ;
→ les bénéficiaires du revenu de solidarité applicable dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
→ les personnes n’ayant aucune ressource ou des ressources inférieures au minimum absolument insaisissable, c’est-à-dire inférieures au RSA « socle » pour une seule personne sans enfant (509,30 € par mois depuis le 1er septembre 2014 ; 513,88 € par mois à compter du 1er janvier 2015) ;
→ les personnes dont la totalité des revenus est insaisissable ;
→ les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés à taux plein ou à taux réduit en complément d’un avantage de vieillesse ou d’invalidité ;
→ les débiteurs pour lesquels une décision judiciaire a suspendu le versement de la pension alimentaire déjà mise à leur charge par le juge aux affaires familiales (JAF) ou n’a pas fixé le montant de l’obligation d’entretien en raison de la faiblesse ou de l’absence de leurs ressources ou de l’absence d’éléments concernant leur situation ;
→ les personnes incarcérées (y compris dans les chantiers extérieurs), à l’exclusion de ceux qui bénéficient du régime de semi-liberté ;
→ les titulaires de l’allocation de solidarité spécifique, de l’ancienne allocation unique dégressive au taux plancher et de l’allocation temporaire d’attente ;
→ les parents mineurs ;
→ les personnes sans domicile fixe, sans ressources ou bénéficiaires de l’une des prestations sociales citées ci-dessus ;
→ les débiteurs pour lesquels il est impossible d’établir la solvabilité en raison de l’absence d’éléments identifiés lors du contrôle sur leur domicile ou sur leur situation financière.
Peuvent en outre être jugés comme hors d’état de faire face à leur obligation d’entretien ou de versement de la pension alimentaire les parents débiteurs (décret n° 2014-1227, art. 1er, al. 2) :
→ ayant fait l’objet d’une plainte déposée à la suite de menaces, de violences volontaires sur l’autre parent ou l’enfant ;
→ ayant fait l’objet de condamnations pour de telles violences ou en cas de mention de violences de leur part dans une décision de justice ;
→ domiciliés ou ayant leur résidence habituelle dans le pays d’origine du demandeur ou du bénéficiaire de l’ASF qui a obtenu la qualité de réfugié sur le territoire.
Dans tous les cas, la caisse d’allocations familiales doit contrôler la situation du parent débiteur au moins une fois par an. Et, s’il ne remplit plus les conditions décrites ci-dessus, il ne sera plus considéré comme étant hors d’état de faire face à son obligation d’entretien ou de versement de la pension alimentaire (décret n° 2014-1227, art. 1er, al. 3).
En pratique, la CAF peut, en vue de faciliter la fixation de la pension alimentaire par le juge aux affaires familiales, transmettre dans les meilleurs délais au parent bénéficiaire de l’ASF les renseignements dont elle dispose concernant l’adresse et la solvabilité du parent débiteur (art. 27, II de la loi ; décret n° 2014-1226, art. 1er) (5).
Selon l’étude d’impact du projet de loi initial, le taux de recouvrement obtenu par les CAF au titre des avances d’ASF n’est que de 40 %. Afin d’améliorer ce taux, l’expérimentation permet aux CAF (art. 27, V de la loi) :
→ de mettre en œuvre la procédure de paiement direct de la pension alimentaire sur les 24 derniers mois impayés (contre les 6 derniers en principe). Pour mémoire, cette procédure permet à la CAF d’engager, en lieu et place du parent créancier de la pension, toute action contre le parent débiteur pour obtenir le paiement de la pension ;
→ d’effectuer des prélèvements directs du terme mensuel courant et des 24 derniers mois impayés (contre les 6 derniers mois) de la pension alimentaire sur le salaire du parent débiteur.
Selon l’article L. 581-2 du code de la sécurité sociale, lorsque le parent débiteur de la pension alimentaire se soustrait totalement à son obligation, l’ASF est versée à titre d’avance sur la pension. Et, lorsqu’il s’y soustrait partiellement, l’ASF est versée sous forme d’allocation différentielle. Ce qui, selon Sébastien Denaja, rapporteur (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, présente des « effets pervers s’agissant des pensions dont le montant est inférieur à celui de l’ASF : dans ce cas précis, les deux parents ont intérêt à ce que la pension ne soit pas payée pour que le parent créancier puisse bénéficier d’une allocation dont le montant est supérieur à celui de la pension fixée par le juge. [Le] régime actuel désavantage [donc] les parents débiteurs qui font l’effort de payer intégralement la pension alimentaire » (Rap. A.N. n° 1663, Denaja, 2013, page 178). Pour pallier cet inconvénient, l’expérimentation permet aux CAF d’ouvrir un droit à l’ASF différentielle au parent dont la créance alimentaire est inférieure à l’ASF (95,52 € par mois depuis le 1er avril), même lorsque le parent débiteur s’acquitte intégralement du paiement de sa dette. L’allocation différentielle n’est alors pas recouvrée et reste acquise à l’allocataire (art. 27, III de la loi).
En l’absence de décision de justice fixant le montant de l’obligation d’entretien, cette allocation différentielle est due au-delà de la quatrième mensualité d’ASF sous réserve que le parent bénéficiaire saisisse le JAF pour faire fixer une pension alimentaire (décret n° 2014-1226, art. 2).
En principe, le droit à l’ASF cesse lorsque le parent qui en bénéficie se marie, conclut un pacte civil de solidarité (PACS) ou se met en concubinage. Dans le cadre de l’expérimentation prévue par la loi, les CAF peuvent maintenir pendant un certain temps le droit à l’allocation en cas de nouvelle union du père ou de la mère qui en est titulaire. Ainsi, l’allocation cessera d’être due à compter du premier jour du 6e mois civil suivant celui au cours duquel le parent titulaire de l’ASF s’est marié, a conclu un PACS ou vit en concubinage (art. 27, VII de la loi et décret n° 2014-1227, art. 2).
D’après le protocole signé entre l’Etat, la CNAF et la MSA en décembre 2013, des mesures de soutien et de conseil aux titulaires de l’ASF peuvent également être offerts dans le cadre de l’expérimentation. Les caisses peuvent, par exemple, procéder à « une information en direction des familles monoparentales pour lutter contre le non-recours ou la création d’un simulateur en ligne permettant de calculer le montant de la pension alimentaire de référence, en lien avec les services du ministère de la Justice ». Un tel simulateur a été mis en ligne sur
A l’échelon national, un comité de pilotage(6) est installé pour suivre le déroulement de l’expérimentation. Il se réunira à cet effet chaque mois. Parallèlement, des comités de pilotage locaux sont mis en place dans les départements expérimentateurs.
Par ailleurs, le gouvernement remettra au Parlement un rapport d’évaluation au plus tard 9 mois avant le terme de l’expérimentation. Y seront annexés une évolution comparée du taux de recouvrement des pensions alimentaires par les CAF selon qu’elles participent ou non à l’expérimentation et un diagnostic des disparités relevées entre elles (art. 27, VIII de la loi).
Afin de disposer des éléments utiles à l’évaluation de l’expérimentation et de mesurer son impact sur le recouvrement, les CAF, en lien avec le ministère de la Justice, établiront, pour les départements expérimentateurs, un suivi statistique informatisé des pensions alimentaires, des créanciers et des débiteurs ainsi que des motifs retenus pour qualifier les débiteurs comme étant hors d’état de faire face à leur obligation d’entretien ou au paiement de la pension alimentaire (art. 27, VIII de la loi).
La loi « égalité femmes-hommes » prévoit un certain nombre de mesures en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle. Des mesures qui impactent les négociations obligatoires que les entreprises doivent mener en ce sens. Elle confère par ailleurs de nouveaux droits aux salariés.
En vertu de l’article L. 2241-7 du code du travail, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels doivent se réunir au moins une fois tous les 5 ans pour examiner la nécessité de réviser les classifications professionnelles. Des classifications qui, aux yeux du gouvernement, « déterminent indirectement les niveaux de rémunération, en valorisant les postes en fonction des compétences reconnues nécessaires pour exercer les métiers correspondants, introduisent parfois des facteurs de discrimination, souvent indirecte. Les compétences mobilisées pour exercer des métiers à prédominance féminine sont souvent moins valorisées, induisant ainsi une moindre rémunération pour des postes pourtant similaires. »
Pour tenir compte de l’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, la loi précise que ces négociations doivent prendre en compte non seulement l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais aussi désormais celui de mixité des emplois (code du travail [C. trav.], art. L. 2241-7, al. 2 modifié). Concrètement, a indiqué le gouvernement, « les partenaires sociaux devront analyser, identifier et corriger les critères d’évaluation des postes de travail susceptibles d’induire des discriminations et mieux garantir la prise en compte de l’ensemble des compétences des salariées ».
En outre, lorsqu’un écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes est constaté, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels doivent faire de sa réduction une priorité (C. trav., art. L. 2241-7, al. 3 nouveau).
Enfin, à l’occasion de cette négociation quinquennale, les critères d’évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail doivent être analysés, afin d’identifier et de corriger ceux d’entre eux susceptibles d’induire des discriminations entre les femmes et les hommes, et de garantir la prise en compte de l’ensemble des compétences des salariés (C. trav., art. L. 2241-7, al. 4 nouveau).
( A noter ) A l’issue des négociations sur les classifications, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels doivent dorénavant remettre à la Commission nationale de la négociation collective et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes un rapport quinquennal sur la révision des catégories professionnelles et des classifications portant sur l’analyse des négociations réalisées et sur les bonnes pratiques (C. trav., art. L. 3221-6, al. 3 nouveau).
Les entreprises devaient auparavant engager deux négociations annuelles obligatoires, l’une sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et l’autre sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs (dite « NAO »). La loi du 4 août 2014 a simplifié ce cadre juridique, en créant une négociation unique et globale sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes, ainsi que sur les mesures permettant de l’atteindre. Cette négociation doit porter notamment sur (C. trav., art. L. 2242-5, al. 1 modifié) :
→ les conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle ;
→ les conditions de travail et d’emploi, et en particulier celles des salariés à temps partiel ;
→ l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle ;
→ la mixité des emplois (nouveau) ;
→ la définition et la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération – qui atteignent 27 % au niveau national, selon le gouvernement – et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes (nouveau).
La négociation doit dorénavant s’appuyer sur les rapports relatifs à la situation économique de l’entreprise (entreprises de moins de 300 salariés) et à la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes (entreprises d’au moins 300 salariés), complétés par les indicateurs contenus dans la base de données économiques et sociales que l’employeur met à la disposition du comité d’entreprise et par toute information qui paraît utile aux négociateurs (C. trav., art. L. 2242-5, al. 1 modifié).
Sans changement, lorsque l’entreprise a signé un accord comportant de tels objectifs et mesures, l’obligation de négocier devient triennale. Dans ce cas, les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes n’ont pas à être renégociées lors de la NAO. Seule leur mise en œuvre sera examinée à cette occasion (C. trav., art. L. 2242-5, al. 2 modifié). En l’absence d’accord, la NAO doit également porter sur la définition et la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes (C. trav., art. L. 2242-5, al. 3 nouveau).
(A noter) Si l’employeur ne prend pas l’initiative d’organiser la négociation annuelle sur les salaires effectifs, cette dernière peut être engagée dans les 15 jours suivant la demande d’une des organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2242-7 modifié).
Sans changement, lors de la première réunion tenue dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires, l’employeur doit préciser aux délégués syndicaux et aux salariés composant la délégation le lieu et le calendrier des prochaines réunions. En outre, il doit leur remettre les informations sur les sujets qu’il souhaite aborder et la date de cette remise. Ces informations doivent à l’avenir permettre une analyse de la situation comparée entre les femmes et les hommes, compte tenu de la dernière mise à jour du rapport sur la situation économique de l’entreprise (entreprises de moins de 300 salariés) ou de celui qui est relatif à la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes (entreprises d’au moins 300 salariés) (C. trav., art. L. 2242-2, al. 2° modifié).
Le contenu de ces rapports est par ailleurs enrichi puisqu’il doivent apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail – et c’est une nouveauté – de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale. Ils doivent aussi désormais analyser les écarts de salaires et de déroulement de carrière des salariés en fonction de leur âge, de leur qualification et de leur ancienneté. Et décrire l’évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2323-47, al. 3 modifié et L. 2323-57, al. 2 modifié).
Aucun employeur ne peut à l’avenir rompre le contrat de travail d’un père salarié pendant les 4 semaines suivant la naissance de son enfant (C. trav., art. L. 1225-4-1, al. 1 nouveau). Une disposition qui s’inspire des mesures de protection dont la salariée enceinte bénéficie durant son congé maternité et les 4 semaines suivant l’expiration de ce dernier. « Sur un plan symbolique, souligne le rapporteur à l’Assemblée nationale, cet article, en rapprochant la situation juridique des jeunes pères de celle des jeunes mères, envoie un signal fort aux entreprises : il présuppose en effet que les pères s’impliquent autant que les mères dans les responsabilités parentales à la naissance de l’enfant » (Rap. A.N. n° 1663, Denaja, 2013, page 120).
Toutefois, l’employeur peut mettre fin au contrat de travail en cas de faute grave du salarié ou d’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant (C. trav., art. L. 1225-4-1, al. 2 nouveau).
Jusqu’à présent, seule la femme enceinte salariée pouvait être autorisée à s’absenter pour se rendre à ses examens prénataux obligatoires (7 au total). Désormais, son conjoint, concubin ou partenaire salarié peut aussi bénéficier d’une autorisation d’absence pour se rendre à 3 des examens médicaux obligatoires au maximum de sa compagne (C. trav., art. L. 1225-16, al. 2 nouveau). Pour le rapporteur à l’Assemblée nationale, cette disposition est « en cohérence » avec l’article interdisant de licencier le père salarié dans les 4 semaines suivant la naissance de son enfant (voir ci-dessus), car cela « permettra aux salariés concernés de s’impliquer davantage dans leur rôle de futurs pères » (Rap. A.N. n° 1663, Denaja, 2013, page 122).
Rappelons que, comme pour la femme enceinte, le conjoint, concubin ou partenaire salarié ne doit subir aucune diminution de sa rémunération. En outre, ses absences doivent être assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis au titre de son ancienneté dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1225-16, al. 3).
Les salariés qui reprennent leur activité initiale à l’issue d’un congé parental d’éducation ou d’une période d’activité à temps partiel pour élever un enfant doivent se soumettre à un entretien professionnel avec leur employeur consacré à leurs perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi (C. trav., art. L. 1225-57, al. 1 et L. 6315-1, I). A cette occasion, l’employeur et le salarié doivent dorénavant organiser le retour à l’emploi de ce dernier. Ils doivent ainsi déterminer ses besoins de formation et examiner les conséquences éventuelles du congé sur sa rémunération et l’évolution de sa carrière (C. trav., art. L. 1225-57, al. 2 nouveau). Lors des débats au Sénat, Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des femmes, a indiqué que « l’entretien pourra être l’occasion de faire en sorte que [les salariés] puissent bénéficier d’une partie des augmentations que tous les autres salariés de l’entreprise auront reçues pendant leur absence » (Rap. A.N. n° 1663, Denaja, 2013, pages 124-125).
Reprenant une recommandation du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes(7), la loi a prévu que le salarié peut aussi demander à bénéficier de cet entretien avant la fin de son congé parental d’éducation (C. trav., art. L. 1225-57, al. 3 nouveau).
A l’instar de ce qui existe pour le mariage, les salariés peuvent désormais, sur justification, bénéficier d’une autorisation exceptionnelle d’absence de 4 jours pour la conclusion d’un PACS (C. trav., art. L. 3142-1, al. 3 nouveau). Pour Najat Vallaud-Belkacem, « il s’agit d’une simple mesure d’égalité partant du principe que le PACS et le mariage sont deux modes différents de reconnaissance des couples qui ont tous les deux leur raison d’être. Or nombre d’entreprises aujourd’hui ne permettent pas aux salariés qui se pacsent de profiter de ce […] « congé nuptial ». Nous voulons simplement remédier à cette inégalité » (J.O. Sén. [C.R.] n° 97 S du 18-09-13, page 8196).
À SUIVRE
Pensions alimentaires. Une garantie contre les impayés de pensions alimentaires est actuellement expérimentée. Il s’agit de faciliter le paiement des pensions, d’ouvrir un droit à l’allocation de soutien familial (ASF) différentielle au parent dont la créance alimentaire est inférieure au montant mensuel de l’ASF (95,52 €) ou encore de lui proposer soutien et conseil.
Vie professionnelle. Les négociations obligatoires que les entreprises doivent mener en matière d’égalité femmes-hommes doivent désormais mieux prendre en compte la mixité des emplois et faire de la suppression des écarts de salaires une priorité. Au-delà, la loi crée de nouveaux droits pour les salariés (instauration d’un congé pour la conclusion d’un PACS, autorisations d’absence du salarié pour les examens prénataux de la mère, interdiction de licencier un père salarié pendant les 4 semaines suivant la naissance de son enfant…).
Dans ce numéro
I. Lutte contre les impayés de pensions alimentaires
A. Publics concernés
B. Etendue de la garantie
C. Pilotage et évaluation
II. Egalité dans la vie professionnelle
A. Impact sur la négociation collective
B. De nouveaux droits pour les salariés
Dans un prochain numéro
III. Protection des victimes de violences
• Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 et décision n° 2014-700 DC du 31 juillet 2014 du Conseil constitutionnel, J.O. du 5-08-14.
• Décrets n° 2014-1226 et n° 2014-1227 du 21 octobre 2014, J.O. du 23-10-14.
• Arrêté du 21 octobre 2014, NOR : AFSS1423398A, J.O. du 23-10-14.
• Circulaire CNAF n° 2013-16 du 31 décembre 2013, non publiée.
• Circulaire du ministère de la Justice du 7 août 2014, NOR : JUSC1419203C, B.O.M.J. n° 2014-08 du 29-08-14.
• Circulaire de politique générale du ministère de la Justice n° ?CRIM AP 2014/0130/C16, à paraître au B.O.M.J.
La loi du 4 août 2014 comprend un article introductif qui définit la politique en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Un article « nécessaire pour construire les éléments d’un nouveau projet collectif, mêlant des mesures spécifiques pour prévenir ou compenser les désavantages que subissent les femmes et la prise en compte de manière transversale des enjeux de l’égalité dans l’ensemble des politiques publiques », souligne l’exposé des motifs du projet de loi initial.
Selon la loi, l’Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une « approche intégrée » et veillent à l’évaluation de l’ensemble de leurs actions.
Cette politique comporte notamment :
•des actions de prévention et de protection permettant de lutter contre les violences faites aux femmes et les atteintes à leur dignité ;
•des actions destinées à prévenir et à lutter contre les stéréotypes sexistes ;
•des actions visant à assurer aux femmes la maîtrise de leur sexualité, notamment par l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse ;
•des actions de lutte contre la précarité des femmes ;
•des actions visant à garantir l’égalité professionnelle et salariale et la mixité dans les métiers ;
•des actions tendant à favoriser une meilleure articulation des temps de vie et un partage équilibré des responsabilités parentales ;
•des actions visant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ;
•des actions visant à garantir l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et leur égal accès à la création et à la production culturelle et artistique ainsi qu’à leur diffusion ;
•des actions visant à porter à la connaissance du public les recherches françaises et internationales sur la construction sociale des rôles sexués.
Paiement de la pension alimentaire (art. 28)
En cas de séparation des parents, ceux-ci peuvent saisir le juge aux affaires familiales, afin de faire homologuer la convention par laquelle ils souhaitent organiser les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixer la pension alimentaire pour l’entretien des enfants. La loi du 4 août a prévu que cette convention ou, à défaut, le juge peut stipuler que le versement de la pension alimentaire se fera par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement (code civil, art. 373-2-2, al. 4 modifié). Bien que cette possibilité existe déjà en pratique, la commission des lois de l’Assemblée nationale a estimé « concret et utile de prévoir expressément cette possibilité dans le code civil ». En effet, a expliqué Sébastien Denaja, rapporteur (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, « cette précision vise à renforcer la protection des victimes de violences conjugales en évitant autant que possible le contact entre conjoints. Le versement de la pension alimentaire par un autre moyen peut en effet contribuer à entretenir l’emprise exercée par l’auteur des violences sur la victime » (Rap. A.N. n° 2043, Denaja, 2014, page 66).
Recours aux assistantes maternelles facilité (art. 31)
Afin d’aider les familles modestes – c’est-à-dire celles dont les ressources sont inférieures à un plafond qui doit être fixé par décret et qui variera selon le nombre d’enfants – à recourir à une assistante maternelle agréée, le versement en tiers payant, directement à cette dernière, du complément de libre choix du mode de garde (CMG) de la prestation d’accueil du jeune enfant va pouvoir être expérimenté. Ce, pendant 18 mois à compter de la publication au Journal officiel de l’arrêté qui désignera les caisses d’allocations familiales expérimentatrices, et jusqu’au 1er juillet 2016. Au plus tard à cette date, le gouvernement devra avoir remis au Parlement un rapport d’évaluation de la mesure. Lors de la signature, le 25 novembre dernier, du schéma départemental des services aux familles de la Seine-Saint-Denis, la secrétaire d’Etat chargée de la famille, Laurence Rossignol, a indiqué que l’expérimentation serait lancée dans 11 départements volontaires dont elle dévoilerait la liste en janvier.
Suppression de la notion de « bon père de famille » (art. 26)
La loi « égalité femmes-hommes » supprime du code civil et de divers autres codes la notion de « bon père de famille ». Une notion qui renvoie à une « conception patriarcale de la famille, dans laquelle l’homme ou le père se voit seul investi du pouvoir de décision au sein de la cellule familiale, conception aujourd’hui dépassée au regard de l’évolution de la société française et des standards tant européens qu’internationaux », a expliqué l’ancienne sénatrice (PS) et rapporteure de la loi, Virginie Klès (Rap. Sén. n° 443, Klès, 2014, page 45). Aussi l’expression « bon père de famille » a-t-elle été remplacée par celle de « raisonnable » ou « raisonnablement ».
Financement des services à la personne par le CET (art. 18)
En vertu de l’article L. 3152-1 du code du travail, le compte épargne-temps (CET) peut être institué par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. A titre expérimental et jusqu’au 1er octobre 2016, prévoit la loi « égalité femmes-hommes », la convention ou l’accord collectif peut autoriser le salarié à utiliser une partie des droits affectés sur le compte épargne-temps, dans la limite maximale de 50 % de ces droits, pour financer l’une des prestations de services prévues à l’article L. 1271-1 du code du travail (prestations d’aide à domicile, garde d’enfant…) au moyen d’un chèque emploi-service universel (CESU). D’après le décret d’application de cette disposition(8), le salarié doit ainsi formuler une demande auprès de son employeur – « sans formalisme particulier », souligne la notice du texte –, précisant le montant des droits CET qu’il souhaite utiliser à cet effet. L’employeur lui remet alors le montant demandé sous la forme d’un CESU unique. L’évaluation de l’expérimentation devra intervenir avant le 1er octobre 2016 sur la base des éléments recueillis lors du dépôt de la convention ou de l’accord collectif prévoyant cette expérimentation auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
Formation professionnelle (art. 6)
En cohérence avec la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle(9), la loi relative à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes modifie l’article L. 6313-1 du code du travail pour intégrer, parmi les catégories d’actions de formation professionnelle continue, les actions de promotion de la mixité dans les entreprises, de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Congés parentaux (art. 22)
Après une concertation entre les partenaires sociaux, le gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport portant, d’une part, sur une harmonisation des conditions d’ouverture et d’indemnisation des droits aux différents types de congés existants, tant parentaux que personnels, et, d’autre part, sur la portabilité de ces droits et le cadre de leur mise en œuvre. Mais, à ce jour, aucune discussion n’a été engagée sur ce sujet.
(1) Voir ASH n° 2825 du 20-09-13, p. 12.
(2) Voir ASH n° 2835 du 29-11-13, p. 5.
(3) Voir ASH n° 2841-2842 du 10-01-14, p. 7.
(4) Sur les grandes lignes de la réforme, voir ASH n° 2872 du 29-08-14, p. 32.
(5) Rappelons en effet que les CAF sont aujourd’hui autorisées à croiser les fichiers fiscaux, bancaires et de prestations sociales.
(6) Ce comité est composé de représentants des ministères chargés des droits des femmes, de la famille et de la justice, de la CNAF, d’une CAF pilote et de la CCMSA.
(7) Voir ASH n° 2825 du 20-09-13, p. 12.
(8) Décret n° 2014-1535 du 17 décembre 2014, J.O. du 19-12-14.
(9) Voir ASH n° 2862 du 30-05-14, p. 47.