C’est une revendication portée notamment par l’association ATD quart monde et par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) : reconnaître en France un critère de discrimination à raison de la pauvreté. Mais qu’en est-il ailleurs ? C’est la question à laquelle le Sénat apporte des éléments de réponse dans une note(1) comparant la situation de huit pays étrangers : l’Afrique du Sud, l’Allemagne, la Belgique, la Bolivie, l’Equateur, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
Parmi les Etats européens, la Belgique fait « figure de modèle en matière de lutte contre la pauvreté puisqu’elle prévoit cette interdiction depuis 2007, poursuivant le mouvement général engagé par l’Afrique du Sud depuis 2000 ». Un mouvement auquel « se sont ralliés, plus récemment, la Bolivie en 2010 puis l’Equateur en 2014 », commente le Sénat dans un communiqué sur cette étude de législation comparée, commandée par le sénateur socialiste Yannick Vaugrenard (Loire-Atlantique) et réalisée par la délégation sénatoriale à la prospective. Un document à caractère purement informatif qui décrit la situation de chacun des Etats considérés après avoir rappelé les grands traits du régime qui prévaut en France en matière de discrimination.
Chapeauté par la Constitution qui assure « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », le dispositif français de répression des discriminations passe en particulier par le code pénal, qui détermine 19 critères de distinction illicite : l’origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l’apparence physique, le patronyme, le lieu de résidence, l’état de santé, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l’orientation ou l’identité sexuelle, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales, l’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Rien sur la pauvreté ou la précarité sociale n’est ainsi prévu en France, au contraire de la moitié des Etats examinés, qui ont « institué, dans leur législation, une interdiction explicite de discrimination à raison de la pauvreté, entendue au sens large », puisque aucun d’entre eux « n’utilise explicitement le terme “pauvreté” », tandis que les quatre autres ne font pour leur part aucunement « référence à une telle prohibition ». Ce qui n’exclut toutefois pas qu’ils puissent avoir ratifié et qu’ils appliquent des traités internationaux prohibant des formes équivalentes de discrimination, nuance la note, par exemple le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1996 ou le protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Cette analyse comparative souligne enfin « l’importance qui s’attache à la nature de la norme relative à la sanction de la prohibition de la discrimination à raison de la pauvreté », au contenu des définitions retenues pour la pauvreté et la discrimination ainsi qu’à la possibilité d’instituer une discrimination positive. Ce qu’elle s’attache à mettre en évidence pays par pays, dans une monographie détaillée de chacun d’entre eux.
(1) « La discrimination à raison de la pauvreté » - Etude de législation comparée n° 251 - Disponible sur