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Partenaires dans la formation

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Dans les Pyrénées-Orientales, l’IRTS de Perpignan et le conseil général mettent en œuvre depuis 2009 une convention « site qualifiant ». Un système qui sécurise l’accès des étudiants aux stages et associe réellement les professionnels à la formation.

Ils sont une petite trentaine, réunis au conseil général des Pyrénées-Orientales. Dans cette salle de la direction de la solidarité, les yeux des travailleurs sociaux sont tournés vers Nathalie Audouard, Brigitte Mortier et Nathalie Roigt, respectivement responsable du pôle « conseil et ingénierie en travail social » au conseil général, directrice de l’institut régional du travail social (IRTS) de Perpignan(1) et responsable de la filière « assistant de service social » de ce même institut. « Nous essayons vraiment de prendre en compte ce que vous nous dites, lance Nathalie Roigt à son auditoire. Bien sûr, nous ne pouvons pas tout faire en formation, mais depuis que vous nous avez demandé de consacrer du temps aux écrits professionnels, nous l’avons fait. »

Tous les deux mois, des travailleurs sociaux formateurs du conseil général se réunissent afin d’échanger sur l’accueil des stagiaires. Une fois sur deux, comme ce vendredi, l’IRTS est présent, afin de travailler sur l’adéquation entre le contenu des formations et les attentes du terrain. Objectif : se conformer à la démarche « site qualifiant », introduite par la circulaire du 6 mars 2008(2). Un texte qui a fait passer l’alternance d’une conception en juxtaposition à une conception intégrative, plaçant les organismes accueillant des stagiaires en position d’organisations apprenantes, coactrices de la formation. Afin de se conformer à cette circulaire, le conseil général et l’IRTS ont signé une convention en 2009.

DE NOMBREUX STAGIAIRES AU CONSEIL GÉNÉRAL

L’IRTS de Perpignan a ouvert ses portes il y a seulement dix ans, en 2004, avec de tout petits effectifs. Les promotions ont pris de l’ampleur et, avec elles, le nombre des stagiaires envoyés au conseil général, passage obligé en particulier pour les assistants de service social. Aujourd’hui, 250étudiants assistants sociaux, éducateurs spécialisés, moniteurs-éducateurs et éducateurs de jeunes enfants sont accueillis à l’IRTS de Perpignan. Et, pour chaque niveau, un tiers des étudiants effectue un stage au conseil général. D’où la nécessité d’organiser leur accueil. « Auparavant, nous avions seulement le nom du stagiaire, il arrivait et nous démarrions. Pendant des années, nous nous sommes débrouillés tout seuls, de façon artisanale, en avançant dans l’à-peu-près. Nous étions confrontés à la solitude », se souvient Elise Pénas, assistante sociale à la maison sociale de proximité (MSP) Côte Vermeille d’Argelès-sur-Mer. Il y a plus de dix ans, elle avait accueilli des stagiaires peu investis, souvent en retard… « Je me suis remise en question », glisse-t-elle. Sa collègue, Anne Fontbonne, avec qui elle prend en charge les stagiaires en binôme, a connu elle aussi de mauvaises expériences. « On ne nous formait pas sur l’accueil et les difficultés que nous pouvions rencontrer. »

La mise en œuvre de la convention a permis d’améliorer les choses. « Nous souhaitions dépasser la logique de réseau informel et avoir un réseau structuré », se souvient Nathalie Audouard. Pour cela, le conseil général commence par « recruter » des formateurs au sein de ses équipes, parmi les travailleurs sociaux volontaires. « Nous identifions ceux qui sont en capacité de transmettre à un étudiant, de lui permettre d’acquérir telle ou telle compétence », explique Nathalie Audouard. La responsable de pôle du conseil général fait passer des entretiens aux candidats en présence de leur chef de service et du directeur de leur structure. Elle les interroge sur leurs motivations et sur l’organisation qu’ils prévoient de mettre en place pour gérer à la fois leur travail et l’accueil du stagiaire.

UN CHOIX DE STAGE DICTÉ PAR LA PÉNURIE

Les formateurs préparent ensuite un livret recensant les différents lieux de stage, les spécificités de chacun et les compétences particulières qu’ils peuvent apporter, afin que les étudiants choisissent en bonne intelligence. Du moins, en théorie. « En réalité, les étudiants ne le consultent pas vraiment. Avec la pénurie de stages, ils vont où ils peuvent », confie Naïs Montefusco, en troisième année de cursus d’assistant de service social, stagiaire pour six mois à la MSP Côte Vermeille. Elle s’est retrouvée dans cet établissement car celui où elle devait initialement se rendre était trop éloigné de son domicile. Une fois déterminé son lieu de stage, chaque étudiant est reçu dans le service où il a postulé pour expliquer son parcours et ses attentes. Chacun, étudiant comme formateur, est libre d’accepter ou de refuser la collaboration. Ainsi, à l’issue de cette rencontre, un étudiant avait renoncé à un stage où les professionnels étaient régulièrement confrontés à la fin de vie.

Regroupant l’ensemble des formateurs et des stagiaires, une réunion de « mise en stage » a ensuite lieu au conseil général. « Les formateurs sont ainsi au courant de tous les travaux que nous avons à faire, ce qui nous permet de nous rendre disponibles pour les rendez-vous liés à la préparation de notre mémoire, précise Naïs Montefusco. Nous devons aussi remettre un projet de stage, puis nous en discutons. Nous faisons le point sur les expériences que nous avons eues avant, ce que nous avons vu et ce qui nous reste à voir. » Nathalie Audouard, de son côté, accueille collectivement les étudiants durant les quinze premiers jours de stage pour leur présenter le conseil général, dont le fonctionnement semble à leurs yeux souvent obscur et complexe.

Les réunions bimestrielles organisées au conseil général visent, elles, à accompagner les formateurs, à répondre à leurs interrogations et à leur donner des outils pour suivre les étudiants. De plus, les séances avec l’IRTS ont pour but de les tenir informés du contenu de la formation, afin que le stage réponde aux attentes académiques. « Cela nous met en lien avec l’évolution de la profession, c’est important pour nous d’avoir un œil dessus car les étudiants ne sont plus formés comme nous l’avons été, l’approche n’est plus la même, reconnaît Anne Fontbonne, assistante sociale. Le groupe des formateurs nous apporte toutes les informations sur l’évolution du diplôme d’Etat. Sans cela, nous serions perdus. »

Ce vendredi, Nathalie Roigt refait le point sur les domaines de compétences abordés en cours et au travers des mémoires, et présente les taux de réussite de l’an passé… Elle en profite également pour revenir sur un sujet qui a beaucoup fait parler lors des séances précédentes : l’accueil en cursus allégé de stagiaires qui viennent d’une licence professionnelle et intègrent l’IRTS directement en deuxième année. Ils se sont aussitôt retrouvés en stage, sans avoir eu l’opportunité – comme leurs camarades du cursus classique – d’effectuer le stage d’observation de première année. Résultat : bien souvent, ils n’étaient pas prêts pour leur stage de deuxième année. Au point qu’un certain nombre de formateurs refusaient explicitement d’accueillir ces étudiants provenant de licence pro. « Nous avons eu des remontées négatives du conseil général. Désormais, ces étudiants font un stage de découverte en deuxième année. En contrepartie, nous avons demandé au conseil général de jouer le jeu et de les prendre », détaille Brigitte Mortier, la directrice de l’IRTS. En outre, un représentant du conseil général fait désormais partie du jury de sélection de ces étudiants.

UNE COLLABORATION FRUCTUEUSE

Sur le terrain, ce travail en étroite collaboration entre tous les acteurs porte ses fruits. Assistante sociale à la mission enfance-famille de la MSP de Céret, Marie-Claude Pujolar accueille des stagiaires depuis dix-sept ans. « Si j’ai un souci, j’appelle immédiatement l’IRTS, je ne suis plus isolée. Nous avons des gens à notre écoute qui nous aident. Il n’y a pas photo, c’est mieux qu’avant, le partenariat avec l’IRTS est de haute qualité. » En cas de problème, Brigitte Mortier peut intervenir dans un établissement et même, si le besoin s’en fait sentir, mettre un terme à un stage. Dans ce cas, « cela se fait en bonne intelligence », assure-t-elle. « Travailler en confiance avec un acteur aussi important que le conseil général, on ne peut pas rêver mieux », se félicite-t-elle.

Le travail de réflexion mené avec les professionnels accueillant les stagiaires a même permis de modifier le contenu de la formation. « Je le réajuste souvent par rapport à ce qu’ils me renvoient. La formation a ainsi beaucoup évolué », note Nathalie Roigt. Par exemple, les professionnels ont pointé une carence en matière d’écrits professionnels, les étudiants ne sachant pas rédiger de signalement ni remplir de demande d’aide financière. « Nous pensions que c’était le rôle du stage pratique de leur apprendre », admet Brigitte Mortier, mais face à ces doléances un temps consacré aux écrits professionnels a été ajouté à la formation. Le conseil général participe pour sa part à diverses instances de l’IRTS où est évoqué le contenu des cours. « L’intérêt est d’avoir un enseignement en lien avec le réel. Notre objectif est que les étudiants qui sortent soient effectivement formés pour le territoire », soutient Brigitte Mortier. « Nous sommes vraiment dans de la coformation », confirme Nathalie Audouard. Des agents du conseil général viennent ainsi à l’IRTS dispenser des cours théoriques, notamment sur les politiques sociales, ou participer aux oraux blancs. La contrepartie de cette coopération resserrée est que les étudiants de l’IRTS sont prioritaires sur les autres centres de formation dans l’attribution des stages au conseil général. A tel point que lorsque des jeunes d’autres instituts postulent, les services du département s’assurent d’abord auprès de l’IRTS de Perpignan que tous ses étudiants ont bien un lieu d’apprentissage. Et si un étudiant de l’IRTS ne trouve nulle part où aller, « le conseil général finit par le prendre », précise Brigitte Mortier. Un avantage déterminant, dans une période où nombre d’étudiants, un peu partout en France, peinent à trouver un point de chute. Cet effort des professionnels du conseil général est salué par Nathalie Audouard : « Il y a un fort taux de précarité dans le département, donc nos professionnels sont à flux tendu. Pourtant ils accueillent des étudiants. » Et ce n’est pas l’indemnité d’une centaine d’euros qui leur est accordée pour chaque stage qui les motive.

Actuellement, 54 travailleurs sociaux du conseil général sont identifiés comme formateurs. Tous n’accompagnent pas de stagiaire en permanence, mais ils sont prêts à le faire. « C’est très important d’accueillir. Je suis au conseil général depuis trente ans, cela donne un coup de fouet et permet une remise en cause, c’est très sain », souligne Elise Pénas, assistante sociale. « Les stagiaires sont passés par des structures que nous ne connaissons pas forcément et ils arrivent avec toute leur naïveté, c’est intéressant », ajoute sa binôme Anne Fontbonne. C’est aussi parce qu’elles ont la possibilité de former des stagiaires en duo qu’elles continuent de le faire, cette formule permettant de ne pas s’épuiser. « Nous avons les mêmes idées, les mêmes approches. Quand l’une de nous a une baisse de régime, l’autre prend le relais », apprécie Anne Fontbonne.

Du côté des stagiaires aussi, le système est jugé satisfaisant. Pour Naïs Montefusco, ce système offre une bonne opportunité de voir des modes de fonctionnement différents. Car ses tutrices, qui ne travaillent pas exactement de la même façon, mettent également à contribution leurs collègues d’autres services, afin qu’elle puisse avoir une vision globale du terrain. Marylène Tricaud, actuellement assistante sociale à la MSP de Perpignan Nord, avait pour sa part effectué son stage de deuxième année dans un centre social, à l’époque sans partenariat particulier avec l’IRTS. « Arriver sur un terrain de stage, c’est stressant, on se sent un peu perdu, on ne sait pas si les référents savent ce que nous devons apprendre. Dans le centre, il n’y avait pas d’assistante sociale, j’ai donc dû trouver ma place seule. Quand je montais une action collective, je ne savais pas si j’étais dans ma mission, à ma place d’assistante sociale. J’avais de forts moments de doute. » En troisième année, elle a été accueillie à la MSP de Thuir, cette fois dans le cadre de la démarche « site qualifiant ». « J’avais deux référentes qui n’avaient jamais encadré de stagiaire. Mais elles savaient pourquoi elles m’accueillaient, où elles devaient aller avec moi. Nous faisions le point toutes les trois semaines et nous comparions avec les objectifs du stage », se souvient-elle. Selon elle, « il serait bien que ce dispositif se généralise » à l’ensemble des départements français(3).

UN DÉCALAGE ENTRE FORMATIONS ET TERRAIN

En ce qui concerne la gratification des stagiaires, le conseil général des Pyrénées-Orientales ne l’octroie actuellement qu’aux 3e année. « Pas les 1re et 2e année, soit parce qu’ils effectuent des stages de moins de deux mois, soit parce qu’ils ne sont pas gratifiables, relevant d’une prise en charge par Pôle emploi », affirme Nathalie Audouard. Néanmoins, précise-t-elle, avec la parution du décret sur la gratification et l’encadrement(4), « il va falloir que l’assemblée départementale délibère à nouveau sur cette question ».

La convention « site qualifiant » ne peut évidemment suffire à balayer les critiques récurrentes en France sur le décalage entre les formations en travail social et les réalités du terrain. Un exemple : « On parle aux étudiants d’action collective, mais on les leurre un peu, nous n’en faisons pas, regrette Brigitte Trecourt, coordinatrice technique à la MSP Côte Vermeille. Nous ne pouvons pas faire d’évaluation en collectif car cela touche à l’intimité des familles. Sur la parentalité, nous le pourrions, mais nous n’avons pas le temps. » La professionnelle remet également en question « l’hyperintellectualisation de la profession ». « On demande un niveau intellectuel de plus en plus élevé, mais on a un peu mis de côté les motivations des étudiants. Je suis persuadée qu’on ne devient pas travailleur social par hasard. Il faut que les usagers aient en face d’eux quelqu’un d’un peu solide, sinon on les met en difficulté. » Des reproches qui ne visent pas spécifiquement l’IRTS de Perpignan, celui-ci étant soumis comme tous les centres de formation à des directives nationales. « Nous devons quand même former nos étudiants à l’action collective, car c’est dans le référentiel de formation », confirme Brigitte Mortier. Consciente de cette exigence, Nathalie Audouard estime que c’est aux professionnels de « faire évoluer [leurs] pratiques », mais que c’est très difficile tant ils sont « happés par le travail de masse ».

Afin de prolonger sa collaboration avec le conseil général, l’IRTS fait également profiter les professionnels des retours d’expérience sur les séjours à l’étranger qu’effectuent ses étudiants dans le cadre de leur cursus. Ainsi, deux étudiantes ont présenté devant les travailleurs sociaux du conseil général leurs observations sur la salle de consommation à moindre risque pour toxicomanes qu’elles ont pu découvrir à Barcelone. Pour une fois, c’étaient aux professionnels de poser des questions aux étudiants, et non l’inverse. Cette initiative est renouvelée tous les ans. Une façon de rapprocher un peu plus les professionnels de leurs futurs collègues.

Notes

(1) IRTS de Perpignan : 1, rue Charles-Percier, 66 000 Perpignan – Tél.04 68 08 20 75.

(2) Voir ASH n° 2550 du 21-03-08, p. 15.

(3) En 2012, les ASH s’étaient fait l’écho de difficultés dans la mise en œuvre de la notion de « site qualifiant » – Voir ASH n° 2775 du 21-09-12, p. 22.

(4) Décret n° 2014-1420 du 27 novembre 2014 – Voir ASH n° 2886 du 5-12-14, p. 38.

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