Préciser le contenu et les modalités d’adoption du projet personnalisé de scolarisation (PPS) des élèves handicapés. C’est l’objet principal d’un décret publié au Journal officiel le 12 décembre et qui est entré en vigueur dès le lendemain(1). Ce texte, qui a reçu un avis favorable du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) en septembre dernier, vise à fonder les PPS sur une base commune en harmonisant les pratiques des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Rappelons en effet que, jusqu’à présent, ni la forme ni le contenu du PPS n’étaient définis au plan national. Pour mémoire, ce document est élaboré par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH puis adopté par sa commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Souvent absent alors qu’il est censé constituer le principal instrument du parcours de formation de l’élève handicapé, le PPS a été vivement critiqué par plusieurs rapports qui ont notamment recommandé de confier son élaboration à l’Education nationale(2). La rénovation du cadre réglementaire des PPS doit encore être complétée par plusieurs arrêtés.
Le projet personnalisé de scolarisation non seulement définit, mais aussi – indique désormais le décret – coordonne les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins particuliers des élèves présentant un handicap. Le cas échéant, ce document doit définir, non plus les conditions du retour de l’élève dans son établissement scolaire de référence, mais les modalités de ce retour(3).
Le PPS doit être rédigé conformément à un modèle qui sera fixé par arrêté. D’ores et déjà, précise le décret, le PPS comprend quatre grandes rubriques :
→ la mention du ou des établissements où l’élève est effectivement scolarisé ;
→ les objectifs pédagogiques définis par référence au socle commun de connaissances, de compétences et de culture et au contenu ou référentiel de la formation suivie au vu des besoins de l’élève. Ces objectifs tiennent compte de l’éventuelle nécessité d’adapter la scolarisation de l’élève en fonction de ses besoins particuliers résultant de son handicap ;
→ les décisions de la CDAPH dans les domaines relatifs au parcours de formation de l’élève ;
→ les préconisations utiles à la mise en œuvre de ce projet.
Le PPS est révisé au moins à chaque changement de cycle ou d’orientation scolaire.
Sans aller jusqu’à confier l’élaboration du PPS à l’Education nationale, le décret renforce le rôle de l’équipe de suivi de la scolarisation en matière d’évaluation. Cette équipe doit ainsi procéder – sans changement, au moins une fois par an – à l’évaluation de ce projet et de sa mise en œuvre sous la forme d’un document qui sera défini par arrêté. Un document qui n’est autre que le GEVA-sco, s’est réjoui le CNCPH en soulignant que le décret permet enfin de le rendre obligatoire à la fois dans les équipes de la MDPH et de l’Education nationale(4). Ce document, poursuit le décret, est adressé par l’enseignant référent à la MDPH et à l’élève majeur ou, s’il est mineur, à ses parents ou à son responsable légal. Il est également adressé au directeur de l’école, au chef de l’établissement ou au directeur de l’établissement ou du service médico-social chargé de la mise en œuvre du PPS. Quant à l’évaluation réalisée par l’équipe de suivi de la scolarisation, elle doit permettre de mesurer l’adéquation des moyens mis en œuvre aux besoins de l’élève, est-il encore précisé(5).
De son côté, l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH doit désormais tenir compte pour élaborer le PPS – en plus du projet de formation de l’élève – des conditions de déroulement de sa scolarité. Pour conduire l’évaluation de la situation de l’enfant handicapé, cette équipe doit notamment s’appuyer sur les observations relatives aux besoins et aux compétences de l’élève handicapé réalisées en milieu scolaire par l’équipe de suivi de la scolarisation et formalisées via le GEVA-sco.
Les compétences de la CDAPH en matière de scolarisation des élèves handicapées sont définies de façon plus précises. Ainsi, le décret prévoit tout d’abord que la commission se prononce sur l’orientation propre à assurer la scolarisation de l’élève handicapé – et non plus son inclusion scolaire – au vu du PPS et des observations formulées par l’élève majeur ou, s’il est mineur, ses parents ou son représentant légal. Mais, surtout, le texte impose désormais à la CDAPH de tenir compte des besoins de l’élève dans ses décisions d’orientation. Celles-ci se font – au vu du PPS :
→ soit en milieu scolaire ordinaire, y compris au sein des dispositifs collectifs de scolarisation et des enseignements adaptés(6);
→ soit dans les unités d’enseignement en établissements de santé ou médico-sociaux ;
→ soit à temps partagé entre l’unité d’enseignement et l’établissement scolaire.
Le décret précise encore que la CDAPH peut également se prononcer sur :
→ un maintien à l’école maternelle. Cette précision, explique le CNCPH, vise à « faciliter la saisine de la MDPH par les familles, notamment en cas de difficultés avérées de leur enfant »(7);
→ l’attribution d’une aide humaine ;
→ les mesures de compensation de nature à favoriser la scolarité de l’élève handicapé, notamment sur l’attribution d’un matériel pédagogique adapté ainsi que sur les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales nécessaires. Pour le CNCPH, cette précision est une « avancée permettant de sortir du “tout AVS” [auxiliaires de vie scolaire], sans empiéter sur le domaine de compétences des enseignants et des équipes éducatives »(8).
Après la décision de la CDAPH, le projet personnalisé de scolarisation doit être transmis à toutes les personnes concernées, c’est-à-dire, précise le décret : à l’élève majeur ou, s’il est mineur, à ses parents ou son responsable légal ; à l’enseignant référent ; au directeur d’école, au chef d’établissement ou au directeur de l’établissement ou du service social ou médico-social ; aux membres de l’équipe éducative chargés de le mettre en œuvre dans la limite de leurs attributions respectives. « Cela signifie que, dans sa rédaction, il devra être tenu compte qu’il s’agit d’un document “public” », souligne le CNCPH.
Le décret instaure enfin une dispense d’enseignement pour les élèves handicapés qui disposent d’un PPS. Ces élèves peuvent ainsi être dispensés d’un ou de plusieurs enseignements lorsqu’il n’est pas possible de leur rendre ces enseignements accessibles en raison de leur handicap. La décision est prise par le recteur d’académie ou, dans le cas de l’enseignement agricole, par le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, après avoir recueilli l’accord écrit de l’élève majeur ou, s’il est mineur, de ses parents ou de son responsable légal, lesquels sont informés des conséquences de cette décision sur le parcours de formation de l’élève. En effet, ces dispenses d’enseignement ne créent pas de droit à bénéficier d’une dispense des épreuves d’examens et de concours correspondantes, précise le texte.
[Décret n° 2014-1485 du 11 décembre 2014, J.O. du 12-12-14]
(1) Un deuxième décret n° 2014-1484 du 11 décembre 2014, paru le même jour, tire les conséquences réglementaires de la loi de finances pour 2014 qui a créé les accompagnants des élèves en situation de handicap. Ceux-ci, depuis la rentrée de septembre 2014, se substituent progressivement aux auxiliaires de vie scolaire recrutés sous contrat d’assistant d’éducation – Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 43.
(3) L’élève peut en effet revenir sans condition dans son établissement scolaire de référence, puisqu’il y reste inscrit – de droit – même en cas d’enseignement à domicile pour raison de santé, d’hospitalisation ou d’accueil dans une structure médico-sociale, y compris – précise désormais le décret – dans un établissement ou un service à caractère expérimental.
(4) Diffusé en septembre 2012, le GEVA-sco est un outil d’évaluation spécifique au domaine scolaire qui a fait l’objet d’une expérimentation – Voir ASH n° 2775 du 21-09-12, p. 9.
(5) L’équipe de suivi de la scolarisation doit aussi désormais tenir compte de l’expertise des professionnels de santé qui suivent l’enfant, indique le décret.
(6) Plusieurs membres du CNCPH se sont inquiétés d’une « possible interprétation restrictive » de cette nouvelle formulation qui risquerait d’être comprise comme une obligation de passer par le PPS pour demander une scolarisation en milieu ordinaire, signale le conseil, en demandant que « toute ambiguïté soit levée sur ce point dans les documents d’accompagnement à venir ».
(7) En effet, rappelle le conseil, la loi du 8 juillet 2013 relative à la refondation de l’école rend normalement impossible un maintien en maternelle, sauf pour certains élèves en situation de handicap sur avis du recteur.
(8) Une précision qui va également dans le sens d’un rapport qui dénonçait la limitation de la décision à une réponse binaire « accord/refus » – Voir ASH n° 2802 du 22-03-13, p. 8.