Singulières rencontres

La peinture rouge est un peu écaillée, et la voiture si petite qu’elle se retrouve souvent « recouverte par toutes sortes de notes », au fond du tiroir du pédopsychiatre. Qu’importe, même s’il ne la voit pas, Philippe Duverger sait qu’elle est là. Et chaque fois qu’il y pense, écrit-il, « elle le ramène près de Léo », ce petit garçon atteint d’une maladie métabolique rare, rencontré alors qu’il était un tout jeune praticien. Une rencontre bouleversante et salutaire, qui a inspiré le titre de l’ouvrage écrit par le chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du centre hospitalier universitaire d’Angers, autour de ces « expériences humaines singulières » qui font toute la richesse de son métier. « La rencontre est à la fois une expérience, un événement, une aventure avec tout ce que cela comporte de risques et de chances », affirme le praticien, qui appuie son propos sur le récit délicat de ces rencontres improbables, évidentes ou ratées, avec des enfants souvent déroutants : Franck, le petit délinquant, oscillant entre le rôle du bad boy et celui du grand frère exemplaire ; le petit Louis, dont la naissance n’a pas suffi à réconcilier ses parents ; Angèle, brisée dans sa trajectoire par une malformation artérioveineuse cérébrale… Avec beaucoup de délicatesse et de bienveillance, Philippe Duverger raconte leurs histoires, mais aussi ce qui s’est joué dans ces rencontres portées par un « désir d’avenir », cette idée « que rien n’est joué d’avance et que l’autre possède des capacités pour inventer son histoire ». Par petites touches, il dessine un métier fait d’« écoute flottante » et d’« empathie sensible », de tâtonnements et de surprises, loin d’une approche théorique et rigide. « La rencontre clinique ne relève pas d’un savoir, ne se transmet pas durant les études ou dans les livres, affirme Philippe Duverger. Elle se découvre et relève de la subjectivité. »