Au point mort depuis plusieurs années, la réforme de la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est de nouveau sur les rails. Un groupe de travail s’est réuni le 9 décembre au ministère des Affaires sociales, rassemblant l’ensemble des fédérations, les financeurs et les représentants des usagers(1). Plutôt bien accueilli, le programme de travail annoncé – améliorer l’efficience de l’outil contractuel, simplifier l’allocation de ressources, généraliser les indicateurs de gestion et définir les prestations d’hébergement socle – n’a pas été une grande surprise, la plupart de ces thématiques ayant déjà fait l’objet de travaux ministériels du précédent gouvernement dans la perspective d’une grande réforme de la prise en charge de la dépendance.
Idée partagée par l’ensemble des acteurs, la nécessité de repenser le système de la tarification vient en outre d’être pointée par la Cour des comptes qui, dans un récent référé, a formulé des recommandations pour faire aboutir la réforme inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 visant à mettre en place une tarification à la ressource dans les EHPAD(2). A travers la feuille de route présentée par le cabinet de Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat aux personnes âgées, « il y a une volonté de renouveler la relation entre l’Etat et les établissements », relève Didier Sapy, directeur de la Fnaqpa (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées). Benoit Calmels, délégué général de l’Unccas (Union nationale des centres communaux d’action sociale), se félicite que l’objectif affiché soit de « simplifier le mécanisme de tarification des établissements, aujourd’hui très complexe et qui ne satisfait ni les établissements, ni les financeurs ». Saluant « le climat d’échanges et de dialogue » de cette réunion, Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées), plaide pour que les travaux permettent d’« alléger les règles bureaucratiques et de simplifier les procédures qui brident les initiatives des gestionnaires ».
Au-delà de ces objectifs généraux, les professionnels hissent la généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) en lieu et place de la convention tripartite pluriannuelle – signée entre l’établissement, le conseil général et l’agence régionale de santé (ARS) – au rang des priorités. Créés par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, les CPOM ont été rendus obligatoires par la loi « hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) pour les structures sociales et médico-sociales atteignant un certain seuil. Mais l’arrêté qui devait fixer ce minimum n’est jamais paru. « Aujourd’hui, les conventions tripartites sont moribondes, il n’y a plus de dynamique. Faute de financement, les conseils généraux ne veulent plus les signer ou veulent que les financements soient totalement supportés par les ARS », explique Claudy Jarry, président de la Fnadepa (Fédération nationale des associations et directeurs d’établissements et services pour personnes âgées). L’Assemblée des départements de France (ADF) milite aussi pour la généralisation des CPOM, qui, selon elle, « constitue un choc de simplification puisqu’elle va mettre fin aux campagnes budgétaires annuelles : dépôts des budgets, procédures budgétaires contradictoires itératives, budgets exécutoires […] Tous ces documents budgétaires étant remplacés par un état prévisionnel des recettes et des dépenses [EPRD]. » Pour Adeline Leberche, directrice du service social et médico-social de la FEHAP, le CPOM, qui, contrairement à la convention tripartite, couvre tout ou partie des établissements et services du gestionnaire, devrait permettre de « redéployer les excédents pour faire de l’investissement et réduire ainsi le reste à charge des résidents ». Un avis partagé par l’ADF, pour qui cet outil contractuel permettrait de « négocier les mutualisations de moyens et de personnels et d’obtenir des “gains de productivité” à redéployer sur les EHPAD du CPOM gérés dans le département par le même gestionnaire ».
La relance des CPOM doit s’inscrire dans une politique de responsabilisation et de partenariat, plaide pour sa part Didier Sapy. « Ils ne doivent pas être une fin en soi. Aujourd’hui, ils ne sont pas utilisés car ils s’inscrivent dans une logique comptable où, lorsque les directeurs font des efforts en essayant de réduire leurs frais, l’Etat baisse leurs budgets. » Il plaide pour que cet outil soit mis au service d’« une logique d’économie globale » qui permette, par exemple, d’envisager « un retour sur investissement ». « Ainsi, on sait que la présence d’infirmiers de nuit dans les établissements permet d’éviter les hospitalisations traumatisantes pour les personnes âgées et qui coûtent près de 800 millions d’euros à l’assurance maladie. L’installation de ces infirmeries aurait un coût de 350 millions d’euros. »
Inscrite dans la feuille de route présentée par le ministère, la simplification de l’allocation de ressources pose la question du périmètre des trois sections tarifaires qui composent la tarification des EHPAD. Le tarif « soins » relève de l’assurance maladie et est fixé par l’ARS sur la base d’un Pathos moyen pondéré (calcul qui permet de déterminer le niveau moyen des soins médicaux et techniques nécessaires), le tarif « dépendance » déterminé par le conseil général sur la base d’un « groupe iso-ressources » moyen pondéré et le volet « hébergement » déterminé par le conseil général. Cette tarification ternaire est source de friction, en particulier pour financer les rémunérations des aides-soignants et des aides médico-psychologiques qui relèvent à 70 % des ARS et à 30 % des conseils généraux. « Actuellement, quand on a un Pathos qui devrait pouvoir nous permettre de créer des postes d’aides-soignants, on ne peut pas parce que le conseil général ne veut pas financer les 30 % qui sont à sa charge », déplore Alain Villez, conseiller technique à l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux), qui souhaite que les sections « dépendance » et « soins » soient rassemblées dans une seule dotation globale.
Reste enfin la question du calendrier. Le cabinet de Laurence Rossignol espère aboutir à des projets de textes réglementaires à la fin du premier semestre 2015 : « Tous les sujets sont sur la table, c’est-à-dire tout ce que l’on n’a pas réussi à faire depuis 2009. Va-t-on pouvoir le faire en quelques mois ? », s’interroge Alain Villez. Benoit Calmels rappelle que « jusqu’à présent, aucun des groupes de travail lancés sur ce sujet n’a abouti ». Il ne faudrait pas que ce soit un énième club de discussion, espère-t-il. « Il est nécessaire que cette réforme aboutisse sur un dispositif réglementaire, le secteur ne peut pas se permettre de ne pas bouger ! »