Il y a 20 ans, la marche depuis Marseille jusqu’à Paris, qui avait fait des émules partout en France, était un mouvement lancé par des chômeurs, rejoints par des syndicalistes considérant que les chômeurs manquaient d’espace d’expression au sein de leurs organisations. Alors qu’existaient déjà la CGT des privés d’emploi, l’APEIS et le MNCP, mais aussi Droits devant et le DAL, AC ! est né comme un lieu d’échange transversal donnant la parole aux chômeurs, avec la particularité de ne pas avoir d’instances dirigeantes, de fonctionner sur le consensus et le débat démocratique. Depuis une dizaine d’années, l’association s’est structurée en une organisation nationale de collectifs de chômeurs et de lutte contre le chômage. Elle est en permanence reliée dans l’action avec les autres organisations, qui parallèlement ont poursuivi leur propre cheminement, mais n’est plus le lieu fédérateur qu’elle a été. Difficile de faire cohabiter des organisations aux histoires et aux cultures différentes !
En même temps qu’à son amplification, nous assistons à un discours de banalisation du chômage. Conséquence : les alertes lancées par les mouvements de chômeurs ne sont plus entendues. Les personnes sans emploi ont avant tout des préoccupations quotidiennes et n’envisagent pas qu’une action collective puisse répondre à leurs besoins. Dans les années 1990, nous avions collectivement obtenu la gratuité des transports pour les personnes sans emploi dans plusieurs régions, puis la prime de Noël, dont la valeur n’a d’ailleurs pas changé depuis sa création, c’est-à-dire une demi-baguette par jour et par personne ! Après les réformes successives de l’assurance chômage, nos permanences accueillent de plus en plus de personnes qu’il faut aider à être rétablies dans leurs droits ou à trouver un soutien quand elles n’ont plus aucun revenu. Notre accompagnement passe aussi par du temps de parole, pour libérer la souffrance générée par la précarité. Dans ce contexte, le principe d’un revenu minimum d’existence pour toute personne, quel que soit son statut, est une revendication qui devrait être portée par un mouvement social fort, mais l’intégration du chômage comme une fatalité fait qu’il n’y a plus de révolte. Notre demande d’une réduction drastique du temps de travail et de partage des richesses est également plus que jamais d’actualité.
Nous n’avons été que rarement reçus par les ministres du Travail. Nous sommes écoutés au sein des comités de liaison de Pôle emploi dont nous avons obtenu, avec les autres mouvements de chômeurs, la réactivation en 2010, mais les vrais lieux de décision sont son conseil d’administration et celui de l’Unedic. A la table des négociations sur l’assurance chômage, la voix des chômeurs est représentée à travers la CGT qui leur accorde une place via son comité des privés d’emploi. Mais globalement les chômeurs continuent d’avoir une parole à part, tandis que la plupart des syndicats s’intéressent essentiellement aux salariés ou aux travailleurs qui vont être au chômage !
Notre position est d’agir dans deux directions : participer à des travaux officiels quand il est possible de le faire – dans le cadre d’auditions par des parlementaires par exemple – et mener des opérations coups de poing pour dénoncer le traitement fait aux chômeurs. Pendant les négociations sur l’assurance chômage, nous avons manifesté tous les jours devant l’Unedic. Mais le gouvernement a plus peur du blocage des festivals par des intermittents du spectacle que des immolations ou tentatives de suicide de chômeurs ! Il est pourtant inutile de parler de grande précarité avec des larmes dans les yeux sans remettre en cause le fonctionnement global d’un système qui laisse sur le carreau dix millions de personnes.