« Je ne sais pas si cela réussira mais, en tout cas, c’est la première fois, en France, qu’on se donne les moyens pour une vraie prise en charge des personnes âgées », a estimé Dominique Libault, président du Comité national « Paerpa » (parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie), lors d’un point d’étape sur la mise en œuvre opérationnelle du dispositif(1) organisé le 11 décembre par la direction de la sécurité sociale (DSS). Les neuf territoires pilotes (Bordeaux, le sud-est de l’Indre-et-Loire, le nord parisien, le sud de la Corrèze, le Grand Nancy, les Hautes-Pyrénées, la Mayenne, le territoire du Valenciennois-Quercitain et le nord de la Bourgogne) ont finalisé leurs plans d’action « Paerpa », qui vont donc pouvoir être mis en œuvre.
Selon la DSS, le montant annuel moyen des plans d’action s’élève, pour cette année, à 1,87 million d’euros par territoire, les dépenses étant ventilées comme suit : 53 % pour la prise en charge à domicile (rémunération des professionnels de santé libéraux, extension des horaires des services de soins infirmiers à domicile, interventions d’équipes mobiles de gériatrie en ville…), 20 % pour la prise en charge en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), 18 % pour l’installation d’un système d’information, 7 % pour les prises en charge hospitalières et 2 % pour le pilotage du dispositif.
En 2015, les plans d’action prévoient des financements s’échelonnant entre 500 000 € et 2,5 millions d’euros(2). « Les délégations de crédits seront réalisées en fonction de la montée en charge constatée », a précisé la DSS. Soulignant que ce sont ainsi « près de 190 000 personnes âgées et 7 000 professionnels de santé [qui sont] susceptibles de bénéficier des actions mises en œuvre » dans le cadre des Paerpa.
Les Paerpa comprennent, dans tous les cas, des actions clés. Par exemple, les territoires pilotes s’engagent à renforcer le maintien à domicile au travers de l’élaboration d’un plan personnalisé de santé (PPS) pour les personnes âgées de 75 ans et plus en situation de fragilité et/ou atteintes d’une (ou de plusieurs) maladie(s) chronique(s)(3). Les professionnels libéraux pourront bénéficier, dès le début de l’année prochaine, de formations pluriprofessionnelles labellisées, valant développement professionnel continu, pour approfondir les méthodes permettant de formaliser et de suivre un PPS. Les professionnels de ville, de l’hôpital, du sanitaire, du médico-social et du social pourront, eux aussi, se voir proposer des formations pluriprofessionnelles et intersectorielles par certaines agences régionales de santé (ARS).
Pour que le Paerpa soit efficient, il convient aussi de mettre en place une coordination territoriale d’appui, à ce jour opérationnelle dans trois territoires, a précisé la DSS. Pour mémoire, il s’agit d’une plateforme d’appui aux professionnels, aux personnes âgées et à leurs aidants ayant pour objectif de favoriser leur information et leur orientation. Celle-ci s’appuie en général sur des structures existantes, telles que les centres locaux d’information et de coordination gérontologique, et doit être articulée avec le dispositif des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA), lorsqu’il est déployé.
Les territoires pilotes doivent en outre permettre une sortie d’hôpital sécurisée, en s’appuyant notamment sur les dispositifs mis en place par les caisses nationales d’assurance vieillesse et d’assurance maladie. Lorsque les personnes âgées non dépendantes seront hospitalisées, les ARS pourront en outre leur proposer un hébergement temporaire en EHPAD pour faire la transition avec le retour à domicile(4). L’assurance maladie prendra alors en charge la quasi-totalité des frais d’hébergement jusqu’à 30 jours après la sortie de court séjour. Afin de limiter le recours inutile aux hospitalisations en urgence des résidents d’EHPAD, des « astreintes infirmières » la nuit et le week-end vont aussi être mutualisées entre plusieurs EHPAD(5). De façon générale, pour « limiter les hospitalisations évitables », les territoires pilotes pourront ainsi :
→ déployer, dans le cadre du PPS, une offre d’éducation thérapeutique du patient – dont les modalités de mise en œuvre sont explicitées sur le site Internet de la Haute Autorité de santé (
→ mettre à disposition une expertise gériatrique hospitalière via un numéro de téléphone unique et la possibilité de solliciter une équipe mobile de gériatrie. Cette évaluation pourra alimenter le projet de vie personnalisé – équivalent du PPS pour certaines personnes âgées à domicile – élaboré par le médecin coordonnateur.
L’évaluation des Paerpa se fera en trois étapes :
→ le suivi, dès cette fin d’année, de la montée en charge des actions au moyen d’indicateurs (nombre de personnels formés à Paerpa, nombre de PPS ouverts…);
→ la description et l’analyse, en 2015, des facteurs de succès ou d’échec des Paerpa. Il s’agira aussi de commencer à réfléchir à leurs modalités de généralisation, dont la date dépendra du degré de finalisation et de satisfaction du dispositif(7);
→ la mesure de l’impact médico-économique des Paerpa sur la qualité et les coûts de prise en charge des patients au moyen d’indicateurs communs (évolution du nombre de journées d’hospitalisation en médecine-chirurgie, taux de réhospitalisation à 30 jours…). Les premiers éléments tangibles de cette évaluation seront disponibles « plutôt fin 2016 », a indiqué la DSS.
(1) Sur ses modalités de mise en œuvre, voir en dernier lieu ASH n° 2837 du 13-12-13, p. 42 et n° 2880 du 24-10-14, p. 38.
(2) Pour la DSS, les écarts entre les budgets s’expliquent par le « nombre de personnes âgées du territoire et [le] séquençage des investissements sur les systèmes d’information, plus importants en début de période dans certains territoires ».
(4) Un outil de planification a en effet été créé pour permettre aux particuliers comme aux professionnels d’identifier les places d’hébergement temporaires disponibles dans les EHPAD, y compris la nuit ou le week-end.
(5) Seule la Lorraine ne s’est pas engagée dans cette voie, estimant que, au regard des besoins identifiés sur son territoire, cela ne se justifiait pas.
(6) Selon la DSS, cinq séances d’éducation thérapeutique du patient seront rémunérées à hauteur de 200 €.
(7) Signalons que la Lorraine a décidé d’examiner les conditions de diffusion sur son territoire de certaines bonnes pratiques ou actions révélées par la méthodologie « Paerpa », en dehors de tout financement « Paerpa ».