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Diplômes du travail social : bientôt le « big bang »?

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Le rapport sur la nouvelle architecture des diplômes, sujet épineux des « états généraux du travail social », est finalisé. Ses grandes orientations : un diplôme par niveau de qualification, un socle commun de compétences par niveau, complété par des spécialités et « parcours optionnels ».

Le rapport du groupe de travail « métiers et complémentarités, architecture des diplômes de travail social » – l’un des cinq devant officiellement être remis à la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion en janvier prochain, dans le cadre des « états généraux du travail social » – a été validé par la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l’intervention sociale le 15 décembre, par 24 voix pour, six contre et une abstention. Le document est présenté comme « un rapport d’orientation », qui fixe un cadre général dont les différents paramètres restent à définir. Ses trois lignes directrices : « une proposition complète de qualification articulée au cadre européen des certifications (CEC), au répertoire national des certifications professionnelles et aux grades universitaires », un diplôme par niveau de qualification « renforçant l’identité du travail social par la notion de socle commun de compétences, articulé avec des spécialités et des parcours optionnels » et une « visée constante de professionnalisation construite sur le principe de l’alternance intégrative ». Les prochaines étapes prévues par Ségolène Neuville – soit une période de concertation avant l’élaboration d’une feuille de route et la conclusion des « états généraux » à la fin du premier semestre 2015 –, devraient permettre d’affiner les pistes proposées, mais aussi d’engager les « négociations indispensables entre les partenaires sociaux pour la prise en compte des répercussions des évolutions ainsi tracées pour les professionnels en poste et pour les futurs diplômés ».

Un mandat confié en 2013

Il faut remonter aux conclusions de l’évaluation des effets de la réingénierie des diplômes de travail social, en 2013, pour comprendre la génèse de ce document, sans doute le plus sensible de ceux qui sont attendus par la ministre – la crainte d’une remise en cause des diplômes existants a déjà jeté, le 12 décembre, plusieurs centaines de travailleurs sociaux dans la rue (voir ce numéro, page18). Les pistes de refonte proposées par le rapport d’évaluation, ainsi que le chantier de rapprochement des diplômes de niveau V, avaient conduit la CPC à décider, en décembre 2013, de mener une « réflexion de cadrage pour une nouvelle architecture des diplômes de travail social ». Le groupe de travail auquel elle a confié ce mandat est devenu celui qui est chargé de traiter le thème « métiers et complémentarités » dans le cadre des « états généraux », coanimé par la direction générale de la cohésion sociale et, pour la CPC, par Didier Tronche, qui fut longtemps son président. « Deux séquences de travail ont été spécifiquement dédiées aux associations têtes de réseaux d’une part, aux associations professionnelles d’autre part », précise le rapport. Le groupe de travail « a par ailleurs consacré une séance particulière à la prise en compte des enseignements issus des travaux des assises territoriales ».

Passés les éléments de méthode, le groupe de travail s’attarde, dans un effort de pédagogie, sur les fondements de sa réflexion. « Les propositions contenues dans ce rapport ne partent pas du présupposé que les travailleurs sociaux seraient mal formés et de ce fait inefficaces », préviennent d’emblée les auteurs, pointant les difficultés d’ordre institutionnel évoquées pendant les assises interrégionales. Pour autant, « les diplômes et les formations qui y préparent ne peuvent pas se soustraire de la réflexion d’ensemble ». Ils reviennent sur le contexte : la fragilisation de l’identité des travailleurs sociaux qui, « forgée dans l’Etat providence, est aujourd’hui confrontée à des facteurs économiques, sociaux et politiques brouillant le champ de leur intervention », la crise qui a engendré « la division du travail social et un infléchissement des missions » et l’émergence de l’intervention sociale, qui a élargi le spectre des emplois.

Sortir de la logique un diplôme pour un métier

Le groupe de travail de la CPC décortique ses arguments : « La logique d’un diplôme pour un métier et un emploi semble devoir être revisitée si l’on veut développer, reconnaître et promouvoir la qualification en travail social et éviter la prolifération de titres ou CQP qui pourrait avoir pour effet de conforter une organisation taylorienne du travail social et de l’intervention sociale. » Parallèlement, les auteurs soulignent l’existence d’une « forte convergence des différents acteurs sur les finalités du travail social et de l’intervention sociale » et la nécessité de « reconnaître l’existence d’une culture commune propre aux travailleurs sociaux, quels que soient la qualification et le champ d’intervention ». Selon eux, « une entrée par niveau de qualification semble aujourd’hui mieux répondre aux enjeux de positionnement ». La qualification doit donc ouvrir « sur l’identité professionnelle », mais aussi permettre « une meilleure intégration aux différents niveaux du CEC et au cadre du LMD ». Pour le groupe de travail, « une architecture renouvelée doit contribuer à renforcer la capacité des professionnels à accompagner les personnes individuellement ou collectivement dans leur parcours, à avoir une vision globale, à penser une action coordonnée et ancrée sur les territoires ». L’offre diplômante doit aussi être « accessible pour tous à chacun des niveaux de qualification, adaptée aux enjeux de formation tout au long de la vie pour faciliter l’évolution des compétences et les progressions professionnelles ».

Avant de détailler ses propositions, le groupe de travail revient sur les préalables inscrits dans son mandat, dont le maintien du caractère générique des diplômes et l’alternance intégrative « comme modalité d’acquisition des compétences, sans réduire cette notion à la seule formule de “stage sur site” ». Sur ce point, le rapport tient compte de deux facteurs : d’une part, la nécessité pour les futurs professionnels d’acquérir des compétences qui nécessitent « d’autres modes d’acquisition que le seul stage : interventions collectives, méthodologie de projet, conduite et accompagnement du changement, diagnostic de territoire, méthodologie d’enquête et traitement des données… » D’autre part, la raréfaction des terrains de stage, en particulier due aux difficultés générées par l’obligation de gratification. « Les solutions ne viendront pas du seul desserrement des contraintes ou d’une simple diminution du temps de stage », jugent les auteurs, qui préfèrent « repenser en profondeur le processus de professionnalisation, tout en préservant ses fondamentaux ». Il s’agirait donc de diversifier les modes d’apprentissage : « dans le nouveau cadre à définir, les bases réglementaires du référentiel devraient pouvoir donner un cadrage général – volume global de formation – avec des modalités plurielles de réalisation, sous la responsabilité des établissements de formation, depuis les approches les plus enseignées jusqu’aux approches les plus expérientielles ».

Un champ disciplinaire

Reste le point crucial du schéma de formation – un diplôme par niveau de qualification et, pour chacun d’entre eux, l’identification d’un socle commun de compétences. Cette identification favoriserait la « reconnaissance du travail social comme champ disciplinaire », comme l’a préconisé la conférence de consensus sur la recherche en travail social. Pour autant, le groupe de travail estime « qu’il n’est pas possible de définir de façon théorique et uniforme le volume du socle commun » et les travaux ultérieurs de la CPC « permettront d’en fixer le périmètre, pour chacun des niveaux de diplôme, sur la base d’un examen minutieux des compétences existantes à développer ». Il lui apparaît cependant raisonnable de « tabler sur un volume de socle commun équivalent au minimum à 50 % de l’ensemble d’un cursus ». Les travaux en cours sur le niveau V laissent par ailleurs penser que, « pour ce niveau, le volume du socle commun pourrait excéder 50 % ». Les caractéristiques de ce socle commun pourraient relever de trois registres – compétences « transversales », « éthiques et de positionnement professionnel », et « techniques en intervention sociale ». Le rapport précise que ce dernier registre « ne s’oppose nullement à la dimension clinique : l’importance de la relation, de la rencontre, de la prise en compte de la singularité du sujet dans le travail des professionnels demeure une constante ».

En complément du socle commun de compétences, la formation s’organiserait autour de deux spécialités, l’une correspondant à l’accompagnement social, l’autre à l’accompagnement éducatif. « Cette proposition qui repose essentiellement sur les deux principales figures historiques du travail social doit être soumise à une expertise plus approfondie pour en éprouver la pertinence », tempèrent les auteurs. L’animation socioculturelle pourrait constituer une troisième spécialité, tandis que la réflexion doit se poursuivre sur le domaine de la médiation sociale.

Enfin, une troisième composante, le « parcours optionnel », viserait « à donner une tonalité particulière, ou une expertise plus affirmée à certaines compétences en les précisant, les approfondissant, les complétant ou les élargissant, dans le but de faciliter la première insertion dans l’emploi ». Sans nommer ces parcours, les auteurs indiquent que leur conception « devra être approfondie et précisée ». Leur volume oscillerait néanmoins entre 10 % et 20 % du total de la formation et ces options devraient être également accessibles par la formation continue. Autant de propositions qui, si elles étaient retenues, « devr[aient] faire l’objet d’un travail complémentaire d’approfondissement sur certains aspects (rapport entre spécialités et parcours optionnels, articulation entre les niveaux de qualification…) afin d’assurer la cohérence globale de l’architecture ». Pour préciser ses attentes, l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale) a d’ailleurs lu une motion en commission professionnelle consultative. Le groupe de travail pourrait poursuivre ses travaux au début du premier trimestre.

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