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Le ministère de la Justice précise les effets de la kafala en France

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Les législations de certains Etats du Maghreb, notamment celles de l’Algérie et du Maroc, prohibent l’adoption telle qu’elle est organisée par le code civil français. Et n’envisagent que des cas de transfert de l’autorité parentale : la « kafala ». Or le traitement juridique de la kafala en France n’est pas uniforme et peut engendrer des difficultés notamment lorsqu’il s’agit d’effectuer des démarches administratives(1). Convaincue que ces difficultés pourraient être surmontées « par une meilleure connaissance » de cette mesure et « une meilleure prise en compte des effets de celle-ci dans notre ordre juridique interne », la chancellerie a transmis aux parquets une circulaire dans laquelle elle présente les contours du « recueil légal » – dénomination de la kafala en droit français –, en précise les effets en France et rappelle les conditions dans lesquelles un enfant ayant fait l’objet d’un recueil légal et devenu français peut être adopté.

Qu’est-ce que la kafala ?

Prévue par le droit coranique, la kafala est un acte qui permet de confier un enfant, durant sa minorité, à une personne ou à un couple dont l’un des conjoints au moins est de confession musulmane afin qu’il assure bénévolement sa protection, son éducation et son entretien. Elle peut concerner des enfants abandonnés ou délaissés, mais aussi des enfants ayant des parents qui ne peuvent matériellement ou moralement les élever, rappelle le ministère de la Justice. Elle cesse de produire des effets à la majorité de l’enfant ou sur décision de l’autorité qui a prononcé la mesure. « Les enfants recueillis ainsi et résidant en France sont principalement d’origine marocaine et algérienne », note-t-il encore, avant de présenter en détail les subtilités de la kafala en Algérie – qui peut être judiciaire ou notariale – et celle qui existe au Maroc – qui peut être judiciaire ou « adoulaire » (assimilable à un contrat et dont les effets sont plus limités) –, ainsi que leurs effets dans le pays d’origine.

Pour produire ses effets en France, il faut que la décision de la kafala ait été prononcée ou homologuée par une autorité judiciaire.

Les effets juridiques de la kafala

La chancellerie décrit ensuite précisément les effets juridiques de la kafala en France. Elle s’intéresse en premier lieu à la question de la reconnaissance de la décision judiciaire de recueil légal sur le territoire français. Le principe, souligne-t-elle, c’est la reconnaissance de plein droit, sans formalité particulière dès lors que sa régularité internationale n’est pas contestée. Il n’est donc pas nécessaire de solliciter l’« exequatur » de la décision judiciaire prononçant le recueil légal(2). Il est néanmoins possible de le solliciter « afin de confirmer ses effets en France ». En effet, en pratique, « un jugement d’exequatur permet aux personnes qui ont recueilli l’enfant de prouver plus facilement, à l’aide d’une décision française, le rapport qui les unit à l’enfant et sa prise en charge ». « Il est […] plus aisé pour les administrations de se référer à une décision française notamment pour l’octroi de certains droits (prestations sociales, bourse…) », explique la circulaire. « Il arrive donc fréquemment que les tribunaux de grande instance soient saisis d’une demande d’exequatur. »

Si l’exequatur des décisions judiciaires de recueil légal ne pose pas de difficulté majeure, les parquets sont en revanche appelés à porter une « vigilance particulière » en cas de demande d’exequatur d’un acte de recueil légal notarial ou adoulaire homologué par un juge. Par ailleurs, en cas d’acte de recueil légal adoulaire ou notarial non homologué, un avis défavorable à la demande d’exequatur doit être rendu, l’acte ne pouvant en aucun cas être considéré comme une décision émanant d’une autorité judiciaire.

Un acte assimilé à une délégation d’autorité parentale ou une tutelle

Le recueillant, désigné par la décision étrangère pour assurer l’éducation de l’enfant, doit exercer ses pouvoirs dans les conditions prévues par la loi française. Mais quelles sont-elles à partir du moment où le droit français ne connaît pas la kafala et où cette dernière n’est pas assimilable à une adoption Pour la chancellerie, deux situations se distinguent :

→ dans le cas d’enfants sans filiation connue ou orphelins, le recueil légal produit en France des effets comparables à ceux d’une tutelle qui serait ouverte au motif que l’enfant n’a pas de filiation légalement établie ou que ses parents sont décédés ;

→ dans le cas d’enfants ayant une filiation établie, le recueil légal produit des effets semblables à ceux d’une délégation d’autorité parentale totale ou partielle.

A noter : la circulaire consacre une dernière partie au cas de l’enfant recueilli par kafala et qui est devenu français. Un tel enfant est en effet en principe adoptable au regard du droit français. Une adoption dans cette hypothèse suppose toutefois le recueil du consentement des parents d’origine (s’ils sont connus et vivants), du conseil de famille (si l’enfant est orphelin ou abandonné) ou de son représentant légal.

[Circulaire du 22 octobre 2014, NOR : JUSC1416688C, B.O.M.J. n° 2014-11 du 28-11-14]
Notes

(1) Les familles qui ont recueilli un enfant dans le cadre d’une kafala peuvent, par exemple, avoir des problèmes pour obtenir un visa pour l’enfant, le traitement de leur demande étant variable d’un consulat à un autre.

(2) L’exequatur est une procédure visant à donner, dans un Etat, force exécutoire à un jugement rendu à l’étranger.

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