Les Etats membres de l’Union européenne ne peuvent recourir à des « tests d’homosexualité » pour évaluer la crédibilité d’un demandeur d’asile qui se dit persécuté dans son pays en raison de son orientation sexuelle. A la demande du Conseil d’Etat néerlandais, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, dans une décision du 2 décembre, clarifié les modalités d’appréciation, par les autorités nationales, de ce type de demande. Cet arrêt complète une jurisprudence de 2013 selon laquelle « les demandeurs d’asile homosexuels peuvent constituer un groupe social spécifique susceptible d’être persécuté en raison de leur orientation sexuelle »(1).
Dans cette affaire, trois ressortissants de pays tiers ont chacun introduit une demande d’asile aux Pays-Bas en invoquant leur crainte d’être persécutés dans leurs pays d’origine en raison de leur homosexualité. Mais leurs demandes ont été rejetées par les autorités compétentes au motif que leur orientation sexuelle n’était pas établie. Saisi du litige, le Conseil d’Etat néerlandais s’est alors tourné vers la CJUE pour lui demander, sous la forme d’une question préjudicielle(2), quelles étaient les limites qu’imposait le droit de l’Union quant à la vérification de l’orientation sexuelle des demandeurs d’asile. En effet, il considérait que le seul fait de poser des questions au demandeur d’asile pouvait porter atteinte aux droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
En réponse, la CJUE relève tout d’abord que les déclarations d’un demandeur d’asile relatives à son orientation sexuelle ne sont que le « point de départ » du processus d’examen de la demande. Les autorités nationales peuvent donc chercher à confirmer ces allégations, mais « dans le respect des principes de la Charte des droits fondamentaux ». Puis la Cour fournit des indications quant aux modalités d’appréciation de l’orientation sexuelle des demandeurs d’asile par les autorités nationales. Ainsi, celles-ci ne doivent pas tirer des conclusions hâtives, notamment lorsque le demandeur ne répond pas à des questions plus précises fondées sur des stéréotypes liés à l’homosexualité ou lorsqu’il ne révèle pas immédiatement son homosexualité. De même, elle condamne le recours à des « interrogatoires concernant les détails des pratiques sexuelles du demandeur ». Elle écarte également la possibilité d’accepter, ainsi que l’ont proposé certains demandeurs d’asile, l’accomplissement d’actes homosexuels, la soumission à des « tests d’homosexualité » ou bien encore la production de preuves (tels que des enregistrements vidéo d’actes intimes) pour juger de la véracité des allégations du requérant. Outre qu’elles « n’ont pas de valeur probante », ces pratiques sont « de nature à porter atteinte à la dignité humaine, dont le respect est garanti par la Charte », estime la Cour.
(2) La question préjudicielle est celle qui oblige un tribunal à surseoir à statuer jusqu’à ce qu’elle ait été soumise à la juridiction compétente (en l’occurrence, ici, à la CJUE).