Entre le Syneas (Syndicat des employeurs associatifs de l’action sociale et médico-sociale) et la Fegapei (Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles), les affinités vont déboucher sur un mariage. Il y a presque trois mois, les deux organisations d’employeurs signataires de la convention collective du 15 mars 1966 (CC 66) annonçaient engager la construction d’un « nouveau cadre conventionnel » qui répondrait aux enjeux du secteur et jetterait dans le même temps les bases d’une convention collective unique pour la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale. Leur décision était à double détente : le 3 décembre, elles ont annoncé « envisager la création d’un nouvel acteur représentant les employeurs », leurs conseils d’administration respectifs, réunis le 28 novembre, ayant mandaté un comité stratégique pour leur présenter, en avril prochain, des scénarios de rapprochement – « y compris la fusion » –, en étudiant pour chacun d’entre eux « une organisation cible, en formalisant son objet (raison sociale), ses missions, son organisation, son modèle économique, son modèle juridique ». Ce comité, composé des deux présidents des fédérations, de membres de leurs bureaux, des deux directeurs et de négociateurs de la CC 66, s’attelle à la fois au chantier conventionnel et au projet de rapprochement, tous deux politiquement liés. « Les trois objets de nos missions employeurs sont de disposer d’un texte conventionnel moderne adapté aux enjeux du secteur, d’être en capacité de représenter nos adhérents auprès des pouvoirs publics et de les accompagner sur des questions nouvelles. En travaillant sur un nouveau panorama conventionnel, nous nous sommes aperçus que le Syneas et la Fegapei, dont les projets stratégiques datent respectivement de 2011 et de 2014, partagent les mêmes valeurs et les mêmes objectifs », explique Philippe Launay, président du Syneas. « En analysant le contexte politique et institutionnel, nous nous sommes entendus pour faire converger nos missions », abonde Guy Hagège, président de la Fegapei.
Quatre ans après la fusion du SOP et du Snasea pour créer le Syneas, les cinq membres actuels (Croix-Rouge française, Fegapei, FEHAP, Syneas, Unicancer) de l’Unifed ne seraient donc à l’avenir plus que quatre. Et l’émergence d’un acteur « mastodonte » – 4 000 établissements et services représentant 120 000 salariés pour la Fegapei, plus de 6 000 établissements employant 200 000 salariés pour le Syneas –, présent à la fois dans les secteurs du handicap, de la santé, de l’inclusion, des personnes âgées et de la protection de l’enfance, ne serait pas sans conséquence dans le paysage social et médico-social. Cette initiative pourrait en effet accélérer la structuration de la branche imposée par la nouvelle mesure de la représentativité patronale, au 1er janvier 2017, et la règle du jeu clairement affichée par la direction générale du travail : une branche égale une convention collective. « Le panorama conventionnel sur lequel nous travaillons n’est pas une simple rénovation de la CC 66, souligne Philippe Launay. Là où le texte est aujourd’hui organisé de façon verticale, l’enjeu est de le faire correspondre aux parcours de vie et à l’évolution des parcours professionnels, au décloisonnement des champs qui composent le secteur social et médico-social. Ainsi, nous pourrions avoir un corps généraliste et des entrées plus sectorielles. » La perspective d’une fusion ou de toute autre piste pour unir les deux acteurs implique en outre l’intégration dans ce nouveau schéma des accords CHRS dont est signataire le Syneas. Les eux fédérations espèrent donc provoquer un effet d’entraînement pour parvenir à la convention collective unique de branche sans cesse renvoyée aux calendes grecques, ou au moins, dans une version plus pragmatique, présenter une alternative. « L’idée est de faire de notre projet conventionnel un socle ouvert à ceux qui veulent nous rejoindre », précise Philippe Launay. « Il y a deux possibilités : soit on attend et nous en serons toujours au même point dans cinq ou huit ans, soit on pose les bases de ce qui pourra être enrichi et élargi dans son périmètre », ajoute Guy Hagège. En attendant, en parlant d’une seule voix, « nous représenterons plus clairement le champ de la CC 66 et serons en capacité plus forte de négocier », poursuit-il. A condition toutefois que le projet des deux organisations, qu’elles souhaitent voir aboutir d’ici à la fin 2016, arrive à passer le cap de la négociation avec les syndicats, qui, échaudés par les précédentes tentatives de rénovation, qui plus est dans un contexte économique tendu, ont déjà exprimé leurs réticences. Sans compter que le projet de réforme de l’architecture des diplômes du travail social, qui a de fortes chances d’être mis en œuvre à coût constant, a déjà mis plusieurs organisations syndicales vent debout…
Les deux présidents ne cachent pas non plus leur ambition de faire bouger les lignes au sein de l’Unifed : « Avec une parole unique, notre volonté est non pas d’écraser les autres, mais de créer du collectif tout en respectant les différences, argumente Philippe Launay. L’enjeu est d’arriver à faire modifier son mode de gouvernance » et son fonctionnement, les deux organisations voulant notamment revenir sur le droit de veto accordé à chacun des cinq membres, ce qui paralyse depuis des années les prises de décision. Dans ce contexte, les jours du collège employeurs de la branche sont-ils comptés ? « Il est aujourd’hui hors de question de quitter l’Unifed, qui doit rester l’instance de négociation collective de la branche jusqu’à la fin 2016 », se défend Guy Hagège. Et ensuite ? « Nous préférons ne pas nous situer dans une perspective d’implosion et sommes également optimistes sur le fait que l’Unifed se retrouvera au sein de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire [UDES] afin que nous ayons deux instances, l’une consacrée au dialogue social, l’autre à la représentation politique », notamment pour faire entendre la voix du secteur dans la préparation des accords nationaux interprofessionnels. Sur les cinq membres de l’Unifed, seule la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne) n’a pas encore rejoint l’UDES.
Reste l’intérêt économique que pourrait avoir cette opération pour les deux fédérations, qui à elles deux emploient une petite centaine de personnes. « Cet aspect n’a pas été la porte d’entrée, même si nous sommes conscients qu’en fonction de la forme retenue, nous aurons l’obligation d’être plus efficace et plus efficient, répond Guy Hagège. Les marges de manœuvre que nous pourrions dégager devront servir à développer de nouveaux services, de nouvelles activités. » De son côté, la Fegapei a déjà engagé une démarche de mutualisation d’une partie de ses moyens (formation, aides aux activités de gestion…) avec ceux de l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), afin de proposer une offre commune à leurs adhérents respectifs. La Fegapei et le Syneas devront aussi faire coexister deux cultures différentes, la première s’étant historiquement construite pour porter à la fois l’intérêt des employeurs, des associations et des personnes handicapées. « Nous n’avons aucun hiatus avec la Fegapei sur la fonction employeur et toutes les missions qui ont une répercussion sur cette fonction », assure Philippe Launay.