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Les personnes handicapées pauvres subissent une double discrimination, selon l’IGAS

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Remis le 3 décembre au gouvernement, le rapport de la mission de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) conduite par François Chérèque et Christine Abrossimov(1) liste une trentaine de recommandations visant à « compléter les expertises du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale sur la situation des personnes handicapées », à la suite des engagements du gouvernement annoncés lors du comité interministériel du handicap (CIH) du 25 septembre 2013 (2). Principal constat : les personnes handicapées pauvres tendent, dans certains domaines, à cumuler les difficultés des personnes handicapées et celles des personnes pauvres. Elles vivent ainsi « le plus souvent une double discrimination dans les domaines de l’accès aux droits et à l’emploi ».

Des ruptures de parcours pénalisantes

La mission, qui a passé en revue les sept thématiques du plan pauvreté, s’est d’abord penchée sur l’accès aux droits. Dans ce domaine, de nombreux constats « témoignent de la précarité des personnes en situation de handicap », principalement en raison des ruptures de parcours. Par exemple, dans le cas de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), lorsque l’allocataire a dépassé le délai de renouvellement de la demande, la caisse d’allocations familiales (CAF) « interrompt le versement de l’AAH et la personne doit remplir un nouveau dossier auprès de la MDPH [maison départementale des personnes handicapées] pour demander de nouveau un droit ». L’IGAS demande donc de « mettre à l’étude la possibilité d’instruire de manière simultanée le dossier de demande du RSA [revenu de solidarité active] lorsque le renouvellement de l’AAH est refusé, sans période de rupture de droits entre les deux prestations ».

Des obstacles à l’accessibilité physique

La compensation des dépenses liées au handicap est, quant à elle, insuffisante ou inadaptée, à l’image de la prestation de compensation du handicap (PCH) pour les personnes en situation de handicap psychique. A cela s’ajoutent les difficultés d’accessibilité physique des services publics, celles qui sont liées à la fracture numérique (le traitement de dossiers en ligne est inadapté pour certains handicaps), ou encore celles qui découlent de la « méconnaissance par la CAF de la nature du handicap déclenchant le droit à l’AAH ». Le rapport revient enfin sur les nombreux « effets défavorables de la réforme de l’AAH » et sur les délais d’instruction des dossiers par les MDPH, les membres de la mission appelant à faire respecter ces délais (quatre mois au maximum). Ils souhaitent par ailleurs élargir la possibilité d’une attribution de l’AAH pendant cinq ans et rendre « plus cohérentes et plus lisibles » les décisions notifiées au bénéficiaire, notamment en adressant « de manière conjointe et motivée les décisions de la MDPH et de la CAF-MSA sur le taux d’incapacité et le montant du droit à l’AAH, en maintenant la distinction des responsabilités ».

Rapprocher l’Agefiph et le FIPHFP

L’accès à l’emploi des personnes handicapées demeure, pour sa part, « précaire », le groupe de travail ayant relevé de nombreux freins comme la complexité du calcul du montant de l’AAH qui diffère en fonction de la situation de l’emploi, mais aussi la « précarité aggravée » des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés qui sont allocataires de la seule allocation de solidarité spécifique (ASS) et qui, contrairement aux bénéficiaires de l’AAH ou du RSA, n’ont pas de suivi assuré par le conseil général ou la MDPH.

Le rapport relève également « de nombreux obstacles au maintien dans l’emploi et de risques de basculement dans la désinsertion professionnelle, faute d’aménagement ou de changement de poste de travail » lorsque le handicap survient. La mission recommande donc de mieux mobiliser les dispositifs pour rendre effectif l’accès à l’emploi, notamment en revoyant « les conditions, la périodicité et les modalités de renouvellement de la RQTH [reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé] » et en l’articulant mieux avec la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi. Elle plaide aussi pour un « pilotage fort », par l’Etat, de la convention multipartite d’objectifs et de moyens pour l’emploi des travailleurs handicapés, signée en novembre 2013(3). Elle estime en outre que le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et le Fonds pour des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) « doivent assurer les mêmes prestations et services auprès des travailleurs handicapés, quel que soit leur statut », et qu’un rapprochement de la gouvernance des deux fonds doit être envisagé. Autre rapprochement préconisé : celui du réseau de Cap emploi et des agences de Pôle emploi afin de « faciliter l’accès du travailleur handicapé au marché du travail ordinaire ». D’autres mesures concernent un meilleur accès à la formation : mieux adapter l’offre en milieu ordinaire aux besoins logistiques des personnes handicapées, envisager une réforme des conditions de rémunération des stagiaires handicapés, inclure dans chaque accord national des volets spécifiques aux travailleurs handicapés…

Un accès difficile au logement et à la santé

En matière de logement, le risque de précarité « est particulièrement élevé pour les personnes en situation de handicap psychique », tandis que la plupart des lieux d’hébergement sont inadaptés par rapport aux besoins des personnes handicapées. Cela étant, la situation des personnes handicapées par rapport au logement n’est pas plus dégradée que celle des autres bénéficiaires de minima sociaux, leur fiscalité en matière de dépenses de logement étant même « relativement favorable ». Sur ce sujet, la mission propose notamment d’évaluer les solutions de logement accompagné et, en fonction de leur bilan – financier, sanitaire et social –, d’en étudier leur développement.

Dans le domaine de l’accès à la santé, le groupe de travail a soulevé des problématiques centrées sur l’accès à une couverture complémentaire(4) et sur la spécificité des dépenses de soins des personnes handicapées. La mission préconise dans ce cadre d’améliorer la connaissance des paniers de soins et des restes à charge en fonction des types de handicap et d’envisager une augmentation de l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé (ACS) en fonction de ce reste à charge, mais aussi de veiller à la mise en œuvre effective des services territoriaux de santé en matière de santé mentale prévue par le projet de loi « santé »(5).

Autre problématique relevée par l’IGAS : l’absence de prise en compte du problème spécifique des parents d’enfants handicapés ou des aidants. Parmi ses recommandations : inclure les droits des personnes handicapées dans les 100 000 rendez-vous des droits organisés chaque année par les CAF, améliorer la connaissance des besoins et des charges des parents et aidants de personnes handicapées (en particulier au sein des familles monoparentales) ou encore prévoir un accompagnement par le service public de l’emploi pour une reprise ou un changement d’activité de l’aidant.

Fusionner l’ASI et l’AAH

Enfin, le groupe de travail relève des dysfonctionnements dans la gouvernance des politiques mises en œuvre, ce qui entraîne « des conséquences dommageables » pour les bénéficiaires des prestations « handicap » (transmission manuelle des dossiers de la MDPH à la CAF ou à la MSA qui peut ralentir le paiement des prestations, manque d’articulation entre les problématiques médicales, sociales et d’insertion professionnelle relevant d’acteurs différents…). L’IGAS pointe également l’insuffisante coordination des politiques d’invalidité et de handicap ainsi que la complexité des dispositifs, « source d’insécurité, de non-recours ou de rupture de parcours ». Il faut donc, selon elle, améliorer la coordination des politiques, notamment en étudiant l’harmonisation des critères d’invalidité, d’inaptitude et de handicap. Et, pour simplifier les dispositifs et assouplir leur usage, la mission propose de fusionner l’AAH et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), et de supprimer la carte d’invalidité.

Notes

(1) « Les liens entre handicap et pauvreté : les difficultés dans l’accès aux droits et aux ressources » – Disponible sur www.igas.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2826 du 27-09-13, p. 5.

(3) Voir ASH n° 2836 du 6-12-13, p. 7.

(4) Sur l’accès des titulaires de l’AAH à une complémentaire santé, voir aussi ASH n° 2884 du 21-11-14, p. 9.

(5) Voir ASH n° 2879 du 17-10-14, p. 8.

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