Le 1er décembre, les parlementaires ont définitivement adopté la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2015, après des débats houleux. L’objectif de ce texte : contenir le déficit du régime général de la sécurité sociale (11,6 milliards d’euros en 2014) qui, sans mesures de redressement, aurait pu atteindre 14,7 milliards en 2015 selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale publié en septembre dernier. Pour y parvenir, le taux de progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie est fixé à
2,1 % en 2015,
soit une autorisation de dépenses de 182,3 milliards d’euros (contre 178,3 milliards en 2014). Au-delà et parmi ses mesures phares, la LFSS pour 2015 réforme les conditions d’octroi des allocations familiales – une mesure qui doit, au final, permettre de réaliser des économies – et renforce l’accès aux soins et aux droits. Ces dispositions entreront en vigueur, pour la plupart, au 1er janvier prochain, sous réserve d’une éventuelle censure du Conseil constitutionnel saisi par les sénateurs UMP, notamment sur la question de la modulation des allocations familiales(1).Le texte précise que le montant des allocations familiales et de l’allocation forfaitaire(2) variera à l’avenir en fonction du nombre d’enfants dans le foyer et des ressources du ménage ou de la personne qui en assure la charge, selon un barème qui sera défini par décret. Le montant des majorations afférentes(3) sera aussi modulé en fonction des ressources des parents. Sans changement, la caisse d’allocations familiales ne versera d’allocations familiales qu’à compter du deuxième enfant.
Quant au plafond de ressources à ne pas dépasser pour bénéficier des allocations familiales, il variera également en fonction du nombre d’enfants à charge(4). En cas de dépassement du plafond, le ou les parents pourront alors se voir octroyer un complément dégressif, dans la limite de montants déterminés par décret. Objectif : éviter les effets de seuil. Les modalités de calcul de ces montants et du complément dégressif seront aussi définies par voie réglementaire.
L’ensemble de ces dispositions s’appliqueront à une date fixée par décret et, au plus tard, au 1er juillet 2015.
Selon les rapporteurs de la loi à l’Assemblée nationale, « dans le but de procurer à la branche famille une économie d’environ 800 millions d’euros en année pleine et de 400 millions d’euros en 2015, les montants d’allocations familiales seront diminués de moitié au-dessus d’un premier plafond de revenu, fixé à 6 000 € pour un ménage ou une personne avec deux enfants à charge, et à nouveau de moitié au-dessus d’un deuxième plafond fixé à 8 000 € par mois dans la même situation familiale » (Rap. A.N. n° 2384, 2014, page 99). Au final, soulignent-ils, cette économie permettra non seulement de maintenir dès l’âge de 14 ans la majoration des allocations familiales – âge qui, rappelons-le, devait être porté à 16 ans –, mais aussi un montant uniforme de la prime à la naissance ou à l’adoption de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), qui, dans le projet de loi initial, devait être divisé par trois pour le deuxième enfant et les suivants. Enfin, cette mesure n’entraînera pas non plus la création d’une quatrième tranche de revenus pour l’octroi du complément de libre choix du mode de garde de la PAJE.
Sans attendre la généralisation du tiers payant intégral pour tous en 2017(5), les parlementaires ont voté la possibilité d’en faire bénéficier les titulaires de l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé (ACS). Toutefois, ils ne pourront pas y prétendre s’ils n’ont pas choisi de médecin traitant ou consultent un médecin en dehors du parcours de soins coordonné. En clair, le tiers payant est applicable en cas de consultation des seuls médecins traitants, correspondants ou en accès direct. Il le sera aussi chez le pharmacien, à condition d’accepter la délivrance de médicaments génériques.
Ces dispositions entreront en vigueur dès le 1er janvier 2015. Mais, entre cette date et le 31 décembre de la même année, le tiers payant s’appliquera, s’agissant de la part des dépenses prises en charge par la complémentaire santé, à hauteur non des garanties réelles définies par les contrats « ACS » de ces complémentaires mais des niveaux minimaux de prise en charge des dépenses fixées par la nouvelle procédure de sélection auxquels ces contrats sont soumis(6).
Signalons enfin que, dans ce cadre, les titulaires de l’ACS seront exonérés du paiement de la participation forfaitaire de 1 € et des franchises médicales.
Dans l’optique de favoriser l’accès aux droits, la LFSS pour 2015 garantit, en cas de décès d’une femme pendant son congé de maternité, la possibilité au parent survivant de prendre en charge le nourrisson. Jusqu’à présent, l’indemnité du congé de maternité pouvait être versée au père ou, si ce dernier n’exerçait pas son droit, à son concubin ou à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS). Toutefois, a admis le gouvernement, les conditions pour en bénéficier sont trop « restrictives » : il fallait, d’une part, que le décès de la mère résulte de l’accouchement et, d’autre part, que la mère et son compagnon aient été affiliés au régime général ou au régime des salariés agricoles. Aussi les parlementaires ont-ils décidé d’ouvrir le bénéfice de cette indemnisation quelle que soit la cause du décès de la mère et quel que soit le régime d’assurance maladie des parents. Des dispositions qui s’appliqueront aux périodes de congés ou de cessation d’activité qui courent à compter du 1er janvier 2015.
Concrètement, en cas de décès de la mère au cours de la période d’indemnisation du congé maternité comprise soit entre la naissance de l’enfant et la fin du versement des indemnités journalières (IJ), soit entre la naissance et la fin du maintien de traitement lié à la maternité, le père bénéficie, dans des conditions fixées par décret, des IJ pour la durée restant à courir entre la date du décès et la fin de la période d’indemnisation dont la mère aurait bénéficié. Ce, sous réserve d’avoir cessé toute activité salariée. Lorsque le père de l’enfant ne demande pas à bénéficier de l’indemnité, le droit à indemnisation est accordé au conjoint de la mère – sa condition de salarié n’étant plus exigée –, à son partenaire ou à son concubin. Sans changement, le bénéficiaire du droit à congé peut demander le report de tout ou partie de la période d’indemnisation à laquelle il a droit dans les cas où l’enfant a été hospitalisé et jusqu’à l’expiration de la sixième semaine suivant l’accouchement.
Des dispositions similaires sont également prévues pour les agents de la fonction publique (territoriale, hospitalière et Etat). En cas de décès de la mère au cours de la période entre la naissance de l’enfant et la fin de l’indemnisation au titre de la maternité, le père pourra à l’avenir prétendre à un droit à congé, avec traitement, pour la durée restant à courir entre la date de ce décès et la fin de la période d’indemnisation dont la mère aurait bénéficié. Il pourra, lui aussi, demander le report de tout ou partie de ce congé. Un congé transférable au conjoint de la mère, à son concubin ou à son partenaire si le père ne souhaite pas en bénéficier.
(1) Interrogés par l’AFP le 3 décembre, les parlementaires expliquent notamment que la mesure porte atteinte au principe d’égalité car, combinée avec la baisse du quotient familial, elle « ne fait supporter une baisse très significative du pouvoir d’achat qu’à certains contribuables ayant de nombreux enfants à charge ».
(2) Les familles d’au moins trois enfants perçoivent en effet pendant un an une allocation forfaitaire lorsqu’un enfant atteint l’âge de 20 ans.
(3) En effet, les familles peuvent bénéficier d’une majoration unique pour âge (à l’exception de l’aîné des familles de moins de trois enfants) dès lors que leur enfant atteint au moins l’âge de 14 ans. Une majoration qui, rappelons-le, a remplacé deux précédentes majorations accordées au titre des enfants âgés de 11 ans et de 16 ans.
(4) Les plafonds de ressources seront revalorisés conformément à l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation, hors tabac.
(5) Ce qui dispensera le patient de l’avance de frais lors d’une consultation médicale ou chez le pharmacien, aussi bien pour la part prise en charge par l’assurance maladie que pour celle qui est remboursée par les complémentaires santé.