Peut-on dégager des spécificités dans les démarches d’empowerment des habitants inspirées par des professionnels du social ? C’est le sens de la recherche-action sur les interventions sociales communautaires (2013-2015)(1) lancée par le réseau SPISC(2).
« L’origine du travail social plonge ses racines dans l’action communautaire. Ce qu’on appelle empowerment est présent dans de multiples méthodologies du travail social, comme l’analyse systémique. Et pourtant, l’évolution du travail social l’a peut-être conduit à oublier cette dimension », explique Bernard Heckel, ancien directeur du Comité national des acteurs de prévention spécialisée (CNLAPS) et co-animateur du SPISC. L’objectif du réseau est de répondre à plusieurs questions : pourquoi des professionnels s’engagent-ils dans ces démarches ? comment parviennent-ils à s’affranchir des contraintes institutionnelles et quelle est la nature de leur action auprès des habitants ? Huit sites ont été retenus, portés chacun par des professionnels aux profils très différents : agent de développement local, cadre impliqué dans les politiques de la ville, travailleurs sociaux, agent de développement social communautaire…
Selon un premier bilan réalisé en mai 2014, les acteurs ont clairement identifié les enjeux politiques. Tous disent être mus par la volonté de « donner une place réelle à la parole des habitants, en s’appuyant sur leur capacité à définir ce qui pose problème et à trouver les lieux et modalités permettant de construire des réponses ». Le point de départ de leur engagement se situe dans une remise en cause de leur fonctionnement antérieur, soit après la découverte d’une démarche communautaire, soit en voulant sortir d’un sentiment d’impuissance. « Les promoteurs ont tous fait un pas de côté par rapport à leur travail prescrit », note le SPISC. Pour certains, celui-ci a pris la forme d’une rupture avec leur institution. Pour d’autres, il relève plutôt de la double vie qui permet de ne pas rompre avec l’institution : « On fait le job commandé, mais on le fait autrement. » Pour d’autres encore, le pas de côté est négocié avec l’employeur, voire avec les commanditaires qui, face aux impasses des situations sociales, acceptent la prise de risque. « En d’autres termes, ils ont su les uns et les autres construire des marges de manœuvre pour surmonter les obstacles au sein de leur institution ou dans les rapports au milieu. »
L’action communautaire peut prendre différents formes, observe le SPISC, « depuis les communautés qui s’affirment comme telles et prennent en charge leur action sociale à distance des institutions, jusqu’à la communauté construite par l’action volontariste de l’intervenant social ». Mais alors que la démarche des promoteurs se limite dans un premier temps à des actions coconstruites avec les habitants, « son inscription dans une dimension plus large, prenant en compte un travail sur les postures internes à la structure porteuse ou celle des partenaires, constitue un palier dans le développement de leur projet. »
Reste la fragilité de ces démarches. A l’absence de reconnaissance des autorités publiques s’ajoute la précarité du financement. Celui-ci ne repose que sur la mobilisation de subventions obtenues par différents canaux pour assurer des prestations de services diverses.
(1) « La prise en compte de la dimension communautaire dans les interventions sociales collectives » – Soutenue par la DGCS, le secrétariat général du comité interministériel des villes, la direction de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté (ministère de l’Intérieur), elle a été présentée le 26 novembre lors d’une journée de la sous-commission veille du CSTS.
(2) Séminaire pour la promotion de l’intervention sociale communautaire. Réseau composé d’acteurs sociaux appartenant à différents réseaux, il avait organisé le colloque « Faire société autrement » à Aubervilliers, en janvier 2011 – Voir ASH n° 2704 du 8-04-11, p. 32 –