Une fois n’est pas coutume : avant les experts réunis dans cet ouvrage publié sous la houlette d’Yves Jeanne, maître de conférences en sciences de l’éducation, les premiers à s’exprimer sur leur vision de l’amour et leurs aspirations en matière de sexualité sont des adultes entravés par une déficience motrice qui les rend dépendants d’autrui pour tous les gestes de la vie quotidienne et les contraint à vivre en institution. Dans leurs propos rapportés par Jennifer Fournier, Charles Gardou et Yves Jeanne, membres du laboratoire Education, cultures et politiques de l’université Lumière-Lyon 2, les intéressés manifestent notamment l’exaspération d’être infantilisés et de voir leur intimité mise à mal par la dépendance et la vie en collectivité. « Etre dans l’obligation de dévoiler sa nudité, ou encore éprouver des difficultés majeures pour préserver de la publicisation des pans entiers de sa vie privée, n’est pas une expérience plaisante », analyse la sociologue Eve Gardien. Plus les professionnels qui interviennent auprès des personnes dépendantes sont nombreux, plus le vécu d’intrusion de celles-ci peut être prégnant. Cependant, toute démarche d’accompagnement de la vie affective et sexuelle des résidents doit se réaliser dans le cadre de l’équipe éducative, développe Christian Albecker, directeur d’un établissement accueillant des adultes atteints d’une déficience mentale. « Porter seul la responsabilité de ce type d’accompagnement […], c’est prendre le risque de se perdre dans une relation d’intimité préjudiciable à l’épanouissement de la personne accompagnée et au statut professionnel de l’accompagnant », souligne-t-il.
Corps à cœur. Intimité, amour, sexualité et handicap
Sous la direction d’Yves Jeanne – Ed. érès – 21 €