Après la déception suscitée par les suites de la concertation menée en 2013 sur la réforme de l’asile, qui a abouti au projet de loi présenté en juillet dernier en conseil des ministres(1), « le Parlement a bien travaillé et s’est emparé des propositions associatives », se félicite Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS). Avant l’examen du texte en séance publique à partir du 9 décembre, la commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté un certain nombre d’amendements issus de la gauche et s’inspirant notamment de ceux qui sont présentés par une plateforme collective réunissant Coallia (ex-Aftam), la Cimade, la FNARS, France terre d’asile, Médecins du monde, le centre Primo-Lévi, le Secours catholique, ou encore le Centre d’action sociale protestant. Alors que ces associations contestaient le texte initial, notamment le schéma directif conçu pour l’hébergement des demandeurs d’asile, « la plupart des amendements adoptés visent à corriger ce système pour le rendre moins dur pour les personnes, mais aussi plus opérationnel », poursuit Florent Gueguen.
Les membres de la plateforme, qui auraient souhaité un regard interministériel et interinstitutionnel sur le schéma national d’hébergement des demandeurs d’asile, ont néanmoins obtenu qu’il soit arrêté après avis du ministère des Affaires sociales. Plus significatif encore, « le gouvernement a déposé un amendement précisant la possibilité pour les demandeurs d’asile non hébergés en centre d’accueil pour demandeurs d’asile [CADA] de bénéficier d’un accompagnement juridique et social ». Sur proposition de la rapporteure Sandrine Mazetier (PS), cette possibilité est devenue un droit dans l’amendement adopté en commission. Celui-ci précise en effet que les personnes hébergées, notamment dans le dispositif d’urgence, « bénéficient » d’un tel accompagnement. L’association Forum réfugiés-Cosi, qui partage nombre des propositions soutenues par la plateforme, aurait quant à elle préféré que le projet de loi harmonise les prestations, « afin que les centres d’hébergement d’urgence montent au niveau des CADA, et que le budget prévu pour l’accompagnement soit prévu dans leur financement », précise Jean-François Ploquin, son directeur général. Le texte consacre par ailleurs le rôle des plateformes associatives, en prévoyant que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) « peut déléguer par convention à des personnes morales la possibilité d’assurer certaines prestations d’accueil, d’information et d’accompagnement des demandeurs d’asile pendant la période d’instruction de leur demande ». Sans cette précision, « le texte laissait entendre que seul existerait le guichet unique assuré par l’OFII et la préfecture, c’est-à-dire l’instruction et l’orientation, et que l’on perdait le rôle d’accompagnement joué par les plateformes », indique Laurent Delbos, responsable du plaidoyer à Forum Réfugiés-Cosi.
Les contraintes pesant sur les demandeurs ont été atténuées : la commission a supprimé l’autorisation préalable auprès de l’administration pour s’absenter d’un lieu d’hébergement, sous peine de perdre le bénéfice des conditions d’accueil, ainsi que la possibilité de clore les dossiers de demandeurs d’asile en cas d’absence prolongée sans autorisation. L’orientation du demandeur après consultation du directeur de l’établissement concerné, et non pas sur seule décision de l’OFII, « maintient un rôle pour les associations gestionnaires » dans le processus, souligne Florent Gueguen. Un amendement vise à prendre en compte la situation personnelle des demandeurs dans leur orientation, « mais nous voulons aller plus loin et demandons qu’il soit tenu compte de leur situation familiale, sanitaire et sociale et que leurs observations soient recueillies », ajoute-t-il.
Pour l’heure, les associations n’ont, en revanche, pas réussi à faire retirer la disposition qui lie l’octroi de l’allocation pour demandeur d’asile à l’acceptation du lieu d’hébergement qui lui a été proposé, ni celle qui empêcherait le requérant ayant refusé ou abandonné sa place d’être accueilli dans un centre d’hébergement. Une mesure qui contrevient au principe de l’accueil inconditionnel, mais qui risque aussi « de réalimenter la filière de l’hôtel, au moment où la ministre du Logement affiche la volonté de trouver des alternatives à ce dispositif », commente le directeur général de la FNARS. Les associations demandent par ailleurs le retrait de l’article qui supprime la référence à l’aide sociale dont relèvent les CADA et introduit pour ces derniers des dérogations au droit des établissements sociaux et médico-sociaux. Les organisations de la plateforme plaident aussi pour une « domiciliation universelle » des demandeurs d’asile, qui doivent aujourd’hui s’adresser à des organismes agréés, saturés dans les territoires les plus sollicités. Au contraire, Forum réfugiés-Cosi souhaite le maintien d’un système spécifique, « qui garantit la connaissance par les organismes des procédures de l’asile et un accès à l’interprétariat ». Le projet de loi supprime néanmoins le caractère obligatoire de la domiciliation avant d’enregistrer un dossier. Tandis que la plateforme réclamait le droit au travail pour les demandeurs d’asile à partir de six mois de présence, sans opposabilité de la situation de l’emploi, la commission des lois a opté pour un accès à la formation professionnelle à partir de neuf mois.
De son côté, Forum réfugiés-Cosi appelle à la vigilance sur la multiplication du nombre de cas de procédures accélérées dans le projet de loi. Parmi les sujets non abordés en commission par ailleurs : « la question du recours en rétention, qui n’est pas un vrai recours au fond, en contradiction avec le droit européen », explique Laurent Delbos.